Qui sont les moutons de Panurge de notre époque et en faisons-nous partie…?Pour l’auteur, assurément. Il devient difficile de ne pas en être. Aussi la question posée par le livre, devient plutôt : pourquoi le devenons-nous ? 
A l’origine, l’histoire de Rabelais est simple :  un berger, Panurge veut se venger d’un autre berger. Il achète alors un mouton à ce propriétaire mal-aimé, le jette à l’eau, et c’est tout le troupeau du concurrent qui part à la noyade. Le danger du suivisme, cette attitude qui fait perdre tout esprit critique, et laisse endormi quiconque allume ses réseaux sociaux, interpelle sérieusement l’auteur qui commence avec cet ouvrage, une sorte d’enquête. 
Myriam Ackermann-Sommer, une jeune femme rabbin, issu du courant juif orthodoxe moderne, cherche donc à éclairer pourquoi nous nous jetons nous à l’eau aussi facilement en suivant sur nos écrans tel ou tel influenceur. Et l’image des moutons de Panurge vient servir ici la séduction qu’exercent les réseaux sociaux…L’autrice va mettre en avant ce qui entrave notre discernement, au point que nous soyons aveuglés par des idéaux présentés comme parfaitement réalistes. Ces modèles qui prennent vie dans dans des vidéos de jeunes femmes étalant leur «morning routine », leurs recettes de cuisine éclair, ou leur organisation familiale parfaitement menée, sont appelées les « that girl ! » .

L’autrice va mettre en avant ce qui entrave notre discernement, au point que nous soyons aveuglés par des idéaux présentés comme parfaitement réalistes

Mais toute l’originalité du livre, c’est que Myriam Ackermann-sommer éclaire le lecteur par la tradition de juive de débats et d’interprétation des textes. Elle s’interroge sur la façon dont les rabbins emportaient l’adhésion. Ce faisant, elle pose la question de la liberté face aux débats, face aux vidéos, et face à l’information qui circulent sur le web. Nous serions des moutons de Panurge car nous y consacrons du temps, et nous semblons subir ce qui s’affiche. Nous n’exerçons plus notre capacité à identifier certains ressorts intellectuels.
En clair : l’autrice invite le lecteur à se demander ce qui le conduit à adopter tel ou tel point de vue, et s’il le fait en toute liberté.  Qu’est ce qui finit de nous convaincre ? L’intelligence, la connaissance, le savoir, est-ce une sorte d’intuition mystique… ? Bref, qu’est-ce qui est décisif dans nos discernements…et finalement, quelle est véritablement notre liberté intérieure.