Voilà plus d’un mois que le crash du Boeing 787 d’Air India en Inde, qui a fait 260 morts, interroge. Si l’enquête s’appuie essentiellement sur les boîtes noires qui ont rapidement été récupérées, elle tend à écarter la défaillance technique et s’oriente sur les pilotes. Mais pour quelles raisons ? On fait le point.

Que voit-on sur la vidéo amateur du crash ?

L’avion, qui venait de décoller de l’aéroport d’Ahmedabad et devait relier Londres, semble manquer de puissance. L’avion s’enfonce inexorablement, train d’atterrissage toujours sorti, ce qui ne devrait pas être forcément le cas à cette distance de la piste même en cas d’incident.

Le Boeing Dreamliner ne s’incline pas sur un des côtés, la trajectoire de l’aéronef n’est pas déviée. Le pilote tente de redresser le nez de l’avion mais l’appareil semble incapable de reprendre de l’altitude, avant de finir par s’écraser sur un immeuble dans une boule de feu.

La question de carburant

Problème d’eau dans le carburant ? Erreur de pilotage ? Rapidement, les deux boîtes noires de l’avion, l’enregistreur des données techniques du vol et celui des conversations dans le cockpit, ont été retrouvées, les 13 et 16 juin. Ce qui a permis d’orienter l’enquête ouverte par le bureau des accidents de l’aviation civile indienne (AAIB) sur la question du carburant. En effet, un pilote a demandé, selon l’enregistreur des conversations du cockpit : « Pourquoi as-tu coupé le carburant ? » Ce à quoi l’autre pilote a répondu « qu’il ne l’a pas fait », selon l’AAIB.

Dans la foulée de cette première révélation mettant en cause les interrupteurs d’alimentation en carburant, mal manipulés ou pas, la Direction générale de l’aviation civile (DGCA) indienne a ordonné de vérifier ces dispositifs sur plusieurs types de Boeing, dont les 787, immatriculés en Inde. En vain.

« Nos ingénieurs ont conduit ce week-end des vérifications sur les systèmes de verrouillage de ces interrupteurs (FCS) sur tous nos Boeing 787 », écrit une note interne d’Air India à ses pilotes dont l’AFP a pris connaissance jeudi. « Ces inspections sont terminées et n’ont révélé aucun problème particulier », poursuit le document. D’autres pays ont également ordonné les mêmes mesures de contrôle à leurs compagnies équipées de Boeing 787 Dreamliner, notamment Singapour, sans détecter pour l’heure la moindre anomalie.

Pourquoi le comportement du pilote intrigue ?

Faute de trouver pour l’instant une défaillance technique, l’enquête se tourne prioritairement sur le comportement des pilotes. Dans un rapport préliminaire, le Bureau indien d’enquête sur les accidents aériens (AAIB) a en effet indiqué samedi que l’alimentation en kérosène des deux réacteurs de l’appareil avait été interrompue juste après son décollage, ce qui a causé une brusque perte de puissance des moteurs. Si le document de l’AAIB n’a pour l’heure tiré aucune conclusion ni pointé aucune responsabilité, il tend par défaut à faire planer le doute sur les pilotes. Notamment le commandant de bord qui, selon la presse indienne, lui a attribué la coupure des deux interrupteurs d’alimentation en kérosène, citant des sources proches du dossier non identifiées.

« Le copilote a exprimé sa surprise et a ensuite paniqué, alors que le commandant est resté calme », écrit le quotidien américain, ajoutant que le rapport n’avait pas déterminé si l’action sur les interrupteurs avait été délibérée ou accidentelle. De quoi déclencher les rumeurs sur l’homme de 56 ans, décrit par des enquêtes de presse indiens, comme le rapporte TF1, comme dépressif, choqué par le décès de sa mère quelques mois auparavant. D’autres parlent d’une crise de larmes quelques jours avant l’accident et de déclarations étranges…

De quoi excéder les autorités et le syndicat des pilotes indiens qui, jeudi soir encore, a répété qu’il était encore « trop tôt pour tirer la moindre conclusion définitive ». « Nous exhortons le public et les médias à s’abstenir de diffuser des informations prématurées qui pourraient perturber l’intégrité des investigations », a indiqué Charanvir Singh Randhawa, président de la Fédération des pilotes indiens (FIP) dans un communiqué.

Dans une lettre à ses employés lundi, le PDG de la compagnie, Campbell Wilson, a lui aussi mis en garde contre « toute conclusion prématurée ». En attendant, l’alimentation en carburant semble bel et bien avoir été coupée depuis l’intérieur du cockpit.