La Marseillaise : Qu’est-ce que le quartier de la Plaine symbolise dans votre parcours ?
Freeman : Déjà, au niveau sentimental et en dehors de la musique, j’ai plein de souvenirs. J’ai grandi à Noailles et Belsunce. Et en fait, la Plaine, les gens ont oublié, mais à l’époque il y avait des petits chevaux, des vélos. Quand on montait là-haut, c’était la bombe dans les années 1980. Et après au niveau de la musique, le premier clip qu’on a tourné en tant qu’IAM, c’était à la Plaine : Imperial Asiatic Man. Nos premiers concerts n’étaient aussi pas loin, à la Maison hantée. Cette relation, je l’ai jusqu’à aujourd’hui : j’ai 53 ans et je me frappe encore le marché de la Plaine le mardi. Et ça a encore plus de sens de faire ce concert avec La Marseillaise. Le journal nous avait fait nos premières photos. Après, peu de gens le savent mais, même si j’ai fait il y a pas longtemps quelques petits trucs à Marseille, un vrai concert comme ça, dehors, ça fait plus de 20 ans que j’en ai pas fait. C’est comme si je revenais à la maison alors que j’ai toujours été là. Et de faire cette petite date sympa avec Djel ou Faf Larage, c’est la cerise sur le gâteau. Ce sont mes frérots. Faf, c’est un mec qui m’a écrit mon premier texte.
Vous êtes entré dans le hip-hop à Marseille il y a 40 ans, à l’époque où c’était une culture dédiée à l’émancipation. Aujourd’hui, diriez-vous que le rap s’est fait voler son âme par l’industrie ?
Freeman : Bizarrement, peut-être que je prendrais le truc à l’envers. Notre musique, elle a tellement été bonne que ça les a interpellés. Maintenant, ils s’en servent à leur manière. Ils ne me volent pas car ils ne font pas ma musique. Moi par exemple, je travaille sur mon nouvel album. Je reste toujours musical, avec des thèmes… Comme on a toujours dit depuis le départ, notre musique à la base, c’est le sample [le fait d’échantillonner une boucle d’un son qui existait avant pour la réutiliser sur un autre morceau, Ndlr] et ça peut venir du monde entier. Je continue à faire de la vraie musique dans ma lancée de façon à ce que, si je me retrouve avec un vrai pianiste ou bassiste, je n’ai pas honte de me présenter devant lui. On a tellement combattu pour que notre musique soit reconnue que, bizarrement, lorsqu’elle l’a été, elle s’est mise à changer. Maintenant, mon combat, c’est de faire perdurer ce qu’on a amené et de le bonifier. Par exemple, pour le dernier album que j’ai fait (Plafond de verre, avec l’1dzirable), on s’est permis d’inviter les Gipsy kings, MOP, ou Gilbert Montagné.
Vous êtes aussi actuellement en studio pour votre nouvel album. Quel est le thème ?
Freeman : Je me suis fait un peu plaisir. Depuis une vingtaine d’années, je fais un solo, puis un album avec des participations, avec une personne en particulier ou un crew. J’alterne. Et là, je suis revenu sur mon album solo. J’ai quelques idées pour des featurings. Je pense encore que ça va étonner beaucoup de gens. Et puis, je fais un peu des tests. C’est bien parti. Je travaille avec quatre producteurs musicaux pour le moment, ça va être très éclectique, mais toujours avec la frappe. On me disait que j’étais le punk du groupe. Et bien là, je reviens en mode punk.
Et à la Plaine, vous venez avec quel répertoire ?
Freeman : Je le change en fonction du type de concert. Ça va être un petit mélange entre nouveaux et anciens morceaux. Je vais me faire un truc spécial. Et puis, de toute façon, si je joue pas certains titres, on m’insulte.
Par ailleurs, vous êtes aussi beaucoup engagé dans le monde associatif. Ces dernières années, notamment à l’Après M de Sainte-Marthe…
Freeman : Justement, je continue, je reste un bénévole avec les frères et sœurs de l’Après M. On est en train de préparer la troisième édition du festival de l’Après M. Cette année, on va faire venir des nouvelles têtes.
Propos recueillis par Philippe Amsellem