Source : Lewis, J. et Tertrais, B. (2016). Dissuader à trois : la coopération nucléaire entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France. Revue Défense Nationale, 788(3), 89-102. https://doi.org/10.3917/rdna.788.0089.

Le 10 juillet 2025, le Président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer ont signé la Northwood Declaration, un engagement public à coordonner, sans fusionner,  les forces nucléaires des deux nations. La déclaration rappelle qu’« aucune menace extrême contre l’Europe ne laisserait indifférents Paris ou Londres ». Ainsi, dans la suite du récent Sommet de l’OTAN, le role grandissants des forces française et britannique dans la sécurité européenne se confirme. Cette actualité est à mettre en perpective avec un article datant 2016, co-écrit par Jeffrey Lewis, analyste au Middlebury Institute of International Studies at Monterey, et Bruno Tertrais, maître de recherche à la Fondation pour la Recherche Stratégique, qui offre un cadre d’analyse rigoureux pour comprendre ce que pourrait – ou devrait – être une dissuasion « occidentale » à géométrie variable, et passe au crible les difficultés et les bénéfices d’une potentielle coopération nucléaire tripartite et réellement intégrée entre États-Unis, Royaume-Uni et France.

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En 2016, dans un contexte post-Crimée où Vladimir Poutine affirme être prêt à « mettre en alerte les forces nucléaires russes », les trois puissances nucléaires occidentales sont contraintes de « reconsidérer la manière dont leurs forces peuvent chacune ou ensemble contribuer » à la dissuasion face à la Russie. Lewis et Tertrais rappellent cependant qu’il n’existe « aucune assurance » d’une coordination nucléaire efficace en situation de crise majeure.

Les auteurs prennent comme exemple révélateur la crise syrienne de 2013, où la « ligne rouge » tracée par le Président américain Barack Obama sur l’utilisation d’armes chimiques vira au « fiasco » : le Parlement britannique refusa toute action militaire, et Obama consulta finalement le Congrès, laissant la France isolée. Cet épisode démontre qu’une coopération nucléaire spontanée demeure d’autant plus incertaine.

Dans cette période, malgré deux relations bilatérales solides: le Mutual Defense Agreement entre Londres et Washington, et le traité franco-britannique de Lancaster House, les échanges trilatéraux officiels demeurent, en effet, rares et limités. Lewis et Tertrais recommandent donc d’instaurer un dialogue formel régulier, des exercices conjoints et une harmonisation préalable des positions déclaratoires pour éviter les « improvisations de dernière minute ».

Sur le plan technique, des coopérations dans le domaine de la simulation, la sécurité des réacteurs nucléaires ou encore les effets électromagnétiques pourraient être profitables sans affecter l’indépendance opérationnelle de chacun. Mais ils insistent sur un « principe de subsidiarité » afin de préserver les coopérations bilatérales existantes, essentielles au fonctionnement interne des trois puissances nucléaires.

Ce mécanisme trilatéral, inspiré de l’idée gaullienne d’un « directoire tripartite », offrirait une alternative crédible si les procédures multilatérales de l’OTAN s’avéraient insuffisantes ou bloquées par un manque de consensus. Déjà en 2016, les auteurs concluent fermement qu’un renforcement rapide de la coopération trilatérale est « à la fois souhaitable et possible », afin de prévenir les conséquences potentiellement catastrophiques d’une crise nucléaire mal coordonnée.

 

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