Les internets regorgent de vidéos extraites de « kiss cam », ou « caméra bisou », très majoritairement venues d’outre Atlantique. Un petit moment qui se veut drôle, en préambule et à la mi-temps de matchs de baseball ou de Basket. Parfois même lors de concerts, comme ce fût le cas à Boston, jeudi, pour celui de Coldplay. Mais cette fois, le couple adultère filmé n’a pas apprécié la blague au contraire des réseaux sociaux.
La légende veut que la première « kiss cam » est apparue aux Etats-Unis, en 1982, dans l’arène des Los Angeles Dodgers, pour marquer l’installation du premier écran géant au Dodger stadium. L’idée était simple, filmer des couples pendant les temps morts pour les inciter à s’embrasser, le tout diffusé en live sur le fameux écran géant. Le concept a fait un carton et, désormais, il s’est généralisé partout aux Etats-Unis et même au Canada, lors des rencontres de baseball, basket ou football américain.
« Bien joué les Spurs »
En Amérique du Nord, c’est entré dans les mœurs au point que les personnalités chopées par la « kiss cam » se prêtent de bon gré au jeu, à l’instar des présidents Barack Obama ou George Bush. Et, plus récemment, du Prince Harry et sa compagne, Meghan, alpagués lors d’un match de NBA des Lakers. La plupart du temps, ça reste bon enfant, le public applaudit quand il y a galoche et hue quand il y a refus puis la caméra passe à d’autres victimes.
Mais les opérateurs de « kiss cam » savent aussi se montrer insistants, au point de provoquer le malaise chez les personnes filmées pour le plus grand bonheur du public. Kyle Collins en a fait les frais, en 2015, lors d’un match des Spurs auquel il assistait avec son date tout frais.
La « kiss cam » est restée bloquée pendant de longues secondes sur le couple, insistant à coups de messages pour qu’ils s’embrassent. Ce qu’ils ont fini par faire, visiblement très gênés. Beau joueur, Kyle s’en est finalement amusé sur X, écrivant « bien joué les Spurs, nous sommes ensemble depuis près d’un an maintenant ».
Il y a eu aussi cette femme, engrainée par la caméra et le public de la Rogers Arena, à Vancouver, à embrasser son voisin alors que son petit ami était parti aux toilettes. Et l’opérateur de refaire un plan sur elle au retour de son amoureux, félicitant le voisin embarrassé et laissant le petit ami dans l’incompréhension. Ou encore cette femme furieuse que son compagnon, occupé à téléphoner, refuse par trois fois de se plier à la « kiss cam » lors d’un match des Bulls de Chicago.
Les « kiss cam » gênantes font plus de buzz sur les réseaux que les « kiss cam » mignonnes. C’est, donc, ce qui est arrivé jeudi au PDG de la société Astronomer, Andy Byron, surpris par la « kiss cam » alors qu’il enlaçait une femme qui n’était pas la sienne lors du concert de Coldplay. D’ailleurs, en plus de voir son infidélité affichée sur l’écran géant de la salle puis sur tous les réseaux sociaux, le site de vente en ligne Etsy n’a rien trouvé de mieux que proposer des tee-shirts à l’effigie du couple adultère ou des autocollants « Coldplay ruined my marriage ».
« On faisait souvent exprès »
En France, le phénomène « kiss cam » a tenté une percée qui n’a jamais débouché sur une généralisation de la pratique. Les premières « kiss cam » ont été lancées à l’occasion de l’Euro de football, en 2016. L’année suivante, c’est le club de football de Dijon, le DFCO, qui a rouvert la porte à l’occasion de sa montée en L1. « Il fallait innover pour marquer le coup, mais sans que ça coûte trop cher », se souvient Aurélien Gaudriot, l’ancien responsable de la communication du club à l’origine de l’initiative. Le but était de « proposer quelque chose d’attrayant, de créer de l’animation pour rythmer les phases d’avant match et la mi-temps », explique-t-il.
Selon lui, les spectateurs se sont vite habitués à cette « kiss cam » et « au fur et à mesure, ils se détendaient ». « On faisait souvent exprès de choisir des personnes qui n’étaient visiblement pas en couple », reconnaît aussi Aurélien Gaudriot. Et tant pis si la caméra tombait sur un couple adultère : « Venir au stade implique d’accepter la captation de son image. Un couple infidèle sait qu’il prend un risque en s’affichant dans le stade », estime-t-il.
Maître Magaly Lhotel, avocate spécialisée en droit de la vie privée, est plutôt d’accord avec cette analyse. « Dans une manifestation sportive ou lors d’un concert, on ne peut pas dire qu’on n’était pas au courant de la possibilité d’être filmé », assure-t-elle. « Ce qui peut être contesté, c’est la diffusion des images hors du cadre de l’événement », précise l’avocate. Ou le fait d’avoir son adultère affiché et vendu sur des tee-shirts.
Notre dossier sur les réseaux sociaux
De toute façon, la « kiss cam » n’a pas fait beaucoup de petits en France. Le DFCO a laissé tomber au bout de quelques saisons. Le FC Bordeaux s’y est essayé, comme le Stade Rochelais et le CA Brives, en rugby. L’humoriste Redouane Bougheraba lors de son dernier spectacle, la mairie de Bordeaux pendant les fêtes de Noël 2023 et même dans le jeu télévisé « Tout le monde veut prendre sa place ». On est bien loin d’un engouement qui ne faiblit pas outre Atlantique, au point que les New York Jets ont réussi à faire sponsoriser leur « kiss cam »… par une chaîne de robes de mariée.