Par

Théo Zuili

Publié le

19 juil. 2025 à 8h46

« Il n’y a jamais eu autant de pression » sur le zoo de la Tête d’Or, admet sa responsable, Gwendoline Anfray. « C’est dur pour nous, les équipes. On nous accuse de maltraitance. » Ce petit site zoologique situé en plein cœur du parc de la Tête d’Or, dans le 6ᵉ arrondissement de Lyon, est visé par une pétition réclamant sa fermeture au nom de la dignité animale.

La Ville de Lyon nous a exceptionnellement ouvert les coulisses de ce zoo municipal aux 58 espèces pour 360 à 380 animaux. Une manière de montrer le quotidien des soigneurs et les missions qui, selon eux, donnent du sens à la captivité.

« C’est bien de se poser des questions »

Benoît Gaudiller, soigneur au zoo, nous accompagne du côté de la plaine africaine toute la matinée. Nourrissage, nettoyage, routine… Au détour de l’une de ses nombreuses missions, une visiteuse l’alpague : « Excusez-moi, les girafes, elles n’ont que ça comme espace ? »

Le terrain devant leur bâtiment est ridiculement petit, alors cette question est courante. « En fait, ce que les gens ne savent pas, c’est toute la place qu’il y a derrière. » À savoir, près de trois hectares.

Interrogée à deux pas d’un zèbre et d’une girafe curieuse, Gwendoline Anfray positive : « C’est logique que les gens se posent des questions, c’est quelque chose de plutôt intelligent de se poser des questions ! »

Des missions qui évoluent

Visiblement affecté par les accusations de maltraitance animale, Benoît est attaché aux bêtes qu’il côtoie quotidiennement. « Ça, c’est Saé, elle me connait depuis mon arrivée », nous glisse-t-il en caressant le front d’une vache watusi, seule représentante de son espèce à Lyon depuis quatre ans.

Point de vue depuis un plan d'eau du zoo du parc de la Tête d'Or, près de l'île des lémuriens.
Point de vue depuis un plan d’eau du zoo du parc de la Tête d’Or, près de l’île des lémuriens. (©Théo Zuili / actu Lyon)

Sans menace d’extinction, cette espèce ne devrait plus être conservée au zoo à l’avenir en raison des nouvelles politiques appliquées par les écologistes.

Benoît acquiesce et continue : « On est loin du zoo des années 1800 en mode ménagerie, dont le seul but était de collectionner et exhiber. On est gratuit, il n’y a pas d’envie de monétiser la présence de l’animal, et ce sont les meilleurs ambassadeurs du vivant. En plus, ici, ils sont en hôtel cinq étoiles. »

Le parc zoologique de Lyon a trois missions

– La conservation : protection du patrimoine génétique et des espèces (beaucoup d’animaux sont placés sous contraceptif, les naissances étant coordonnées au sein de programmes européens pour avoir une reproduction uniquement lorsque c’est jugé nécessaire pour le patrimoine génétique de l’espèce),

– La sensibilisation : la transmission pédagogique du savoir acquis sur ces animaux et leur écosystème au public,

– La recherche scientifique : en apprendre plus sur ces animaux pour servir à leur protection dans leur milieu naturel, à destination des scientifiques et associations sur le terrain (données comportementales, échantillons biologiques…),

« Ce qui chapeaute tout ça, c’est le bien-être animal. Dans ces trois axes, on doit assurer les meilleures conditions de vie », assure Gwendoline Anfray.

Un zoo qui maltraite ses animaux ?

Avec 30 000 signatures venues de toute la France, l’association Paz (Projet Animaux Zoopolis) revendique porter la voie d’une grande partie des lyonnais réclamant la fermeture de ce zoo. Pour justifier une telle décision, elle décrit notamment des « comportements stéréotypés » chez les animaux, signes de leur mal-être quotidien.

Girafe roulant sa langue dans sa bouche et panthère occupée à tourner en rond dans son enclos sont les deux exemples les plus marquants mis en avant par les animalistes.

Gwendoline Anfray, elle, défend une approche différente : « La stéréotypie est la bête noire des parcs zoologiques. C’est ce qu’on essaie de détecter en permanence pour empêcher son apparition ou provoquer sa disparition, car c’est un synonyme d’ennui ou de stress. »

La responsable du zoo reconnait que ces deux espèces (girafe et panthère de l’amour) présentent ce comportement. Mais elle tempère : « C’est assez classique et ça existe aussi dans la nature. La stéréotypie est davantage le symptôme du stress ou de l’ennui, et n’est pas alarmante tant qu’elle représente moins de 20% des dernières 24h de l’animal. »

Des visions irréconciliables ?

Le débat est sans fin depuis des années : PAZ ne plaide pas pour un meilleur zoo, mais pour la fin des zoos. Selon l’association, aucun enclos, aussi grand soit-il, ne pourra jamais remplacer un milieu naturel. La captivité ne peut être éthique, répète-t-elle, car elle prive d’autonomie et de liberté des êtres sensibles.

Gwendoline Anfray affirme s’être posé la même question avant de choisir ce métier. Pour elle, la captivité est un « mal nécessaire qu’on peut rendre intéressant pour les animaux comme pour le public » : un zoo est un moyen de conserver les espèces dont on détruit l’environnement pour permettre leur réintroduction le jour où ce sera possible.

À l’époque, les animaux des zoos étaient capturés dans leur milieu naturel. Certains de leurs descendants sont devenus, à cause de l’homme, les derniers espoirs de revoir un jour ces espèces dans la nature.

Gwendoline Anfray

Le soigneur voit dans le succès de cette pétition « un manque d’information du public » qui serait prompt à « projeter ses propres émotions sur des animaux qui sont tout à fait différents ».

« Si quelque chose vous chagrine, venez en parlez avec nous », tente de réconcilier Benoît, reconnaissable à son uniforme beige floqué au nom du parc.

Un besoin d’évolution

La responsable le reconnaît : le zoo de Lyon n’est pas parfait. Depuis les années 2000, une transformation est engagée pour limiter l’effet « vitrine » et offrir à tous les animaux un espace de retrait, invisible du public. Depuis 2020, c’est la présence de certains animaux, dont la captivité n’est pas justifiée par le statut de leur espèce, qui est remise en question.

Les deux crocodiles du zoo de Lyon ont été déplacés vers un refuge en 2023.
Les deux crocodiles du zoo de Lyon ont été déplacés vers un refuge en 2023 : leur enclos n’était pas jugé adapté et posait des risques. (©Anthony Soudani / archives actu Lyon)

Prochaines étapes côté chantier : la primaterie et la fauverie, dont les enclos historiques restent à repenser pour s’adapter à cette nouvelle philosophie.

Des travaux devront continuer cette démarche. Quelles priorités pour le parc, demain ? Quelles espèces accueillir ? Le nouveau schéma directeur, à paraître dans les prochains mois, devra marquer l’ambition pour les 20 prochaines années. Si aucune mairie ne décide de le fermer d’ici là.

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