L’industrie peut compter ses soutiens. En marge du Conseil européen informel sur la compétitivité, à Copenhague, les ministres de l’Industrie de dix Etats-membres ont lancé, vendredi 18 juillet, une alliance de l’industrie energo-intensive. Au niveau européen, ce club informel n’a pas de pouvoir réel, mais il s’agit pour ses membres, en comptant leurs forces, de maintenir la pression sur la Commission européenne en faveur de politiques de soutien pour l’industrie chimique et sidérurgique européenne, en grande difficulté face à une concurrence internationale accrue et une demande interne en berne.
Outre la France, à l’initiative de la démarche depuis le début de l’année, l’alliance compte plusieurs gros pays industriels, comme l’Italie, la Pologne et la République Tchèque et la Hongrie. La Slovaquie, l’Espagne, l’Autriche, la Grèce et le Luxembourg ont également signé la déclaration commune diffusée à l’issue de la réunion. Mais Paris n’a pas réussi à embarquer l’Allemagne, poids lourd incontesté de la chimie et de la sidérurgie européenne.
«Une intervention urgente» nécessaire
«Les industries qui constituent la base des chaînes de valeur européennes doivent faire face à des coûts énergétiques élevés et à une concurrence mondiale féroce», rappellent les membres de l’Alliance dans leur déclaration. Sans «intervention urgente», la viabilité de ces industries est menacée à long terme, écrivent-ils en substance.
Parmi leurs priorités, les dix Etats réclament un renforcement de la politique commerciale, pour contrer les pratiques concurrentielles déloyales, mais aussi surveiller les risques de redirection des surcapacités mondiales vers le marché intérieur, après la mise en place des droits de douane américains. Ils demandent à la Commission de réviser le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, comme elle s’y est engagée. Autre requête : l’intégration de critères de préférence européenne dans les marchés publics. «Un engagement clair à l’échelle européenne est nécessaire à cet égard», assure la déclaration, alors que la révision de la directive sur les marchés publics est prévue en 2026. «Les marchés pilotes jouent un rôle essentiel pour réduire les risques liés aux premiers investissements dans la décarbonation et valoriser les acteurs pionniers en Europe. Leur mise en œuvre rapide est donc indispensable», continue encore le texte.
Concrétiser les plans d’urgence
Ce regain de pression intervient à un moment crucial. La Commission européenne a mis sur la table des propositions pour soutenir les secteurs industriels en difficulté dans le cadre de ses plans d’urgence pour l’automobile, l’acier et la chimie. Mais celles-ci doivent encore se concrétiser et Paris presse Bruxelles d’accélérer le rythme. La Commission européenne vient de mettre en consultation, le 18 juillet, son texte pour réviser la clause de sauvegarde, l’un des éléments clefs attendus par les sidérurgistes européens. Censé protéger le marché européen d’un afflux d’importations, le mécanisme actuel qui espère en juin 2026 était jugé peu efficace. «Nous proposons de réduire jusqu’à plus de 50% l’acier sur le territoire européen venu de l’étranger. Cette clause est beaucoup plus restrictive que celle d’avant», assure le commissaire européen Stéphane Séjourné, qui prévoit son adoption début septembre.
Faire avancer ses priorités politiques en montant une coalition est une méthode éprouvée pour la France. En février 2023, Paris avait déjà été à l’origine d’une alliance du nucléaire regroupant une dizaine de pays afin de plaider au maximum pour la neutralité technologie en matière d’énergie et pousser l’inclusion du nucléaire dans les technologies bas-carbone. Sur un sujet très clivant à Bruxelles, la France estime que sa stratégie a été payante. Dans le dernier cadre régulant les aides d’Etat pour les technologies vertes publié en mai par exemple, le nucléaire est traité à égalité avec toutes les autres technologies vertes.