C’est toute l’absurdité de l’administration Trump résumée en une phrase : le gouvernement américain a choisi de détruire près de 10 millions de dollars (environ 8,5 millions d’euros) de dispositifs de contraception destinés à des pays défavorisés plutôt que de les distribuer. La destruction devrait avoir lieu d’ici à la fin du mois, ont rapporté au Guardian deux assistants parlementaires du Congrès américain.
Cette décision est une nouvelle conséquence du démantèlement par Trump de l’USaid, l’agence des Etats-Unis pour le développement international. Il s’agit principalement de contraceptions à long terme – dispositifs intra-utérins et implants contraceptifs – qui auraient dû être envoyées sur «des zones de guerre» et «dans des camps de réfugiés», s’est désolée la sénatrice démocrate du New Hampshire Jeanne Shaheen.
En juin, l’élue avait tenté d’alerter dans une lettre le secrétaire d’Etat, Marco Rubio, sur la question. En vain. «C’est un gâchis de l’argent du contribuable et l’abdication du leadership mondial américain dans la prévention des grossesses non désirées, des avortements dangereux et des décès maternels», a ajouté Jeanne Shaheen dans un communiqué. La destruction coûterait près de 167 000 dollars, sans compter l’argent déjà dépensé pour l’achat des dispositifs.
Le département d’Etat américain affirme avoir choisi l’option bazardage faute de pouvoir trouver des acheteurs pour le stock, notamment parce que la loi américaine interdit d’envoyer de l’aide à des organisations étrangères qui conseillent sur l’avortement, orientent des femmes vers des personnes qui en pratiquent ou militent en faveur de sa décriminalisation, selon une règle fédérale surnommée «Mexico City Policy» instaurée par Reagan en 1984 et ressuscitée par Trump dès son retour au pouvoir en janvier.
L’ONG MSI Reproductive Choices, engagée pour la santé reproductive dans le monde, avait par exemple «proposé de payer pour l’envoi et la distribution des dispositifs pour qu’ils puissent atteindre les personnes qui en ont désespérément besoin». Mais s’est vue opposer une fin de non-recevoir. D’autant plus rageant que l’organisation fait face à des risques de pénurie de contraceptifs dans 9 des 19 pays dans lesquels elle opère. «Le fait que ces contraceptifs vont être brûlés alors qu’il y a tellement de besoins… C’est juste choquant. C’est dégoûtant, s’est émue auprès du Guardian Sarah Shaw, directrice associée du plaidoyer chez MSI. Je travaille dans ce domaine depuis vingt ans et je n’ai jamais rien vu de cette échelle. La vitesse à laquelle ils ont réussi à démanteler un travail colossal et de grands progrès… tout s’est évanoui en quelques semaines.» Dans un communiqué de l’ONG, sa collègue Beth Schlachter a ajouté : «Ne vous trompez pas, ces actions sont intentionnelles et elles coûteront des vies.»
Depuis la mise à l’arrêt officielle début juillet de l’USaid, jugée incompatible avec la logique trumpiste de l’«America First», ce genre de situation se multiplie. Il y a quelques jours, la presse américaine a rapporté que 500 tonnes de biscuits à haute teneur énergétique destinés à l’aide alimentaire des enfants en situation de malnutrition en Afghanistan et au Pakistan avaient été détruites par le feu. Près de 800 000 vaccins contre la variole du singe («mpox») qui avaient été promis à des pays africains par l’administration Biden ont aussi été gaspillés dans des entrepôts faute d’avoir été envoyés à temps, expliquait au début du mois Politico.
Et ce n’est probablement pas terminé. En juin, le Washington Post estimait que près de 9 millions de dollars de traitements préventifs du VIH pourraient aussi être concernés. «La situation est folle, s’indignait alors Andrew S. Natsios, ancien directeur de l’USaid sous l’administration Bush. A ce stade, autant les donner plutôt que les détruire, pour l’amour du ciel.»