• La guerre prend-elle des codes du jeu vidéo ?
  • L’Ukraine donne maintenant des points aux soldats pour chaque cible touchée.

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Ukraine : 4ᵉ année de guerre

La guerre prend-elle des airs de jeux vidéos ? Après déjà trois ans de conflit entre la Russie et l’Ukraine, Kiev innove pour motiver les troupes. Les unités de combat peuvent gagner des points pour chaque soldat russe tué ou pièce d’équipement détruite, révèle la BBC (nouvelle fenêtre). « Plus la cible est importante d’un point de vue stratégique et à grande échelle, plus l’unité reçoit de points », a déclaré l’équipe de Brave 1, qui réunit des experts du gouvernement et de l’armée.

« Par exemple, la destruction d’un système ennemi de lancement de roquettes multiples rapporte jusqu’à 50 points ; 40 points sont accordés pour un char détruit et 20 pour un char endommagé », est-il détaillé dans le communiqué. À noter qu’encourager un Russe à se rendre vaut plus de points que de le tuer.

Je crois que ce n’est pas un bon message, surtout pour un État qui veut rejoindre l’Union européenne

Général François Chauvancy, consultant géopolitique LCI

Une manière pour l’Ukraine d’analyser les combats sur le terrain et de savoir où allouer le matériel. « Je pense qu’il s’agit avant tout de données de qualité, de mathématiques de la guerre et de la manière d’utiliser plus efficacement des ressources limitées », explique à la BBC Mykhailo Fedorov, ministre ukrainien de la transformation numérique, à l’origine de cette mesure. Et aussi de motiver les troupes. « Lorsque nous modifions la valeur des points, nous pouvons voir comment la motivation change. »

Les points sont distribués après l’analyse de vidéos enregistrées par des drones. Avec ces points, les unités peuvent commander des produits d’artillerie directement au fabricant depuis une plateforme, le Brave 1 Market – le ministère de la Défense réglant la note par la suite.

« Une fois que nous avons compris comment il fonctionne, il s’est avéré être un système tout à fait décent, » explique un soldat de la 22ᵉ Brigade surnommé Jack, interrogé par la chaîne anglaise. Sa brigade s’habitue au système depuis trois mois. « Nos hommes sont épuisés et plus rien ne les motive vraiment », explique-t-il. « Mais ce système les aide. Les drones sont fournis par le biais de ce programme, et les gars sont récompensés. »

Pour d’autres, ce système est déjà utilisé à mauvais escient : des unités veulent s’approprier le succès d’une autre, ou attaquer un véhicule russe déjà mis hors d’état de nuire pour gagner des points artificiellement. « Ce système n’est que le résultat de notre habitude mentale tordue de tout transformer en profit », déplore un autre soldat.

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« Je crois que cet état d’esprit, pour moi, est contraire à l’éthique militaire, tout en comprenant forcément les finalités pragmatiques », estime le général François Chauvancy, consultant géopolitique LCI, dans la vidéo en tête de cet article. « Mais je crois que ce n’est pas un bon message, surtout pour un État qui veut rejoindre l’Union européenne demain, avec des principes qu’il faudra adopter. »

Gaëlle SHEEHAN