Pourquoi ? Comment ? Par quels sortilèges un tel type a-t-il inventé de telles histoires, tracé de tels mondes ? Pauvres sont les mots qui nous viennent pour qualifier l’œuvre de Borges. Il ne lui suffit pas d’avoir abordé presque tous les genres – nouvelles, récits, poèmes – pour nous avoir laissés sur le flanc, pris par le torrent des images, des idées. Ce sont les jeux de son esprit, ses traits d’humour aussi, ses références innombrables considérées comme un des beaux-arts qui, chaque page tournée, nous donnent à voir un univers. Aux novices que le bonhomme intimide, aux amateurs qui, croyant tout savoir, ont bien le droit d’être un peu secoués dans leurs certitudes, recommandons deux ouvrages récents.
La biographie que lui consacre Odile Felgine d’abord, publiée chez Plon. « Ce fut d’ailleurs la grand-mère paternelle de Borges, Fanny, qui, après avoir lu des contes pour tout-petits en anglais, se mit à lui apprendre à déchiffrer cette langue. Elle lui lut d’abord la Bible presbytérienne du roi Jacques (James), très connue en Angleterre. Elle la pratiquait quotidiennement et en connaissait de nombreux versets par cœur. L’enfant y acquit un sens réformé du christianisme qui le poussa parfois à se revendiquer comme protestant. » Nous voilà rassurés ; modestes comme toujours, mais rassurés. Borges est à nous. Enfin… À nous, c’est vite dit.
Entre le parcours autobiographique et de la réflexion littéraire
Le philosophe Jean-Pierre Dupuy, dans un livre à mi-chemin du parcours autobiographique et de la réflexion littéraire, nous encourage aux Vertiges. Penser avec Borges (Seuil). Un hommage à celui qui l’a bouleversé, qui lui a révélé que la complexité peut s’exprimer de façon ludique et limpide. « Un conte de Borges, c’est d’abord un récit, avec une intrigue, un début et une fin », note l’auteur avec justesse. À la fin de son aventure, en un pastiche de Sartre, il écrit : « Borges est tous les hommes, et chaque homme est tous les hommes et Borges. » Il vous reste à savoir pourquoi, comment, par quels sortilèges. (À suivre…)
• Odile Felgine, Jorge Luis Borges, Plon, 422 p., 26 €.
• Jean-Pierre Dupuy, Vertiges, Seuil, 260 p., 23 €.
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