Le bar pub La Bascule a cent un ans. Pour son anniversaire, le café-repaire de Hayange aurait pu s’offrir un hommage vintage, un album à l’ancienne, avec cartes postales et retour vers le passé glorieux, industriel et vite désincarné. Non. Il a choisi de faire confiance à l’enfant du pub, Aymeric Swiatoka-Novais, devenu photographe. Celui-ci s’est associé avec le dessinateur Jean Chauvelot. L’un comme l’autre ont le contact facile, la curiosité du quotidien, l’art de révéler la sincérité d’une vie, d’histoires, à travers des anecdotes.

L’un comme l’autre a pour pratique professionnelle de s’immerger dans des publics différents, de faire le travail « avec » les gens et non « sur » eux. Ils ont partagé leur humour et leurs bières, leurs rencontres et leurs analyses sociologiques – oui, car leur travail a un volet sérieux. Bref, ils se sont trouvés entre tables rondes et comptoir en zinc, durant quinze jours en résidence fin décembre. Quinze longues journées, éveillées avec les livreurs, closes avec le baisser du rideau métallique, entre 2 h et 5 h du matin.

Le condensé des performances

Le résultat vient de paraître aux éditions du Mégot, d’Algrange. 15 jours ressentis 100 ans , c’est un condensé de centaines de photos d’Aymeric, et la reproduction de toutes les planches de Jean. D’où un pavé de 300 pages, mine de rien, à picorer selon l’humeur des jours. « Mon travail a été de trouver une balance entre ces deux voix », résume Matthieu Becker, l’éditeur. S’il a gardé les dix planches quotidiennes de Jean, c’était aussi pour saluer « sa performance ».

« On s’est fait un câlin »

Preuve de la dimension « culturelle » du bouquin, la préface est signée du sociologue Benoît Coquard , la postface de Nicolas Mathieu, le Goncourt de Leurs enfants après eux. Du beau monde, donc, traité d’égal à égal avec tous les habitués du café-bar. Jicé, par exemple, sert de fil rouge. Il est le premier client, chaque jour d’ouverture. « C’est normal, je termine à l’usine à 15 h 30 », confirme-t-il. Et le troquet ouvre à 16 h. « Ça fait plaisir d’y être, oui, mais ce que je retrouve, c’est ma relation avec Jean. Aymeric, lui, je le connais depuis quinze ans. » Le tandem d’auteurs avait disparu fin décembre. Il est juste revenu pour la séance de dédicaces en avant-première, au milieu des fidèles ravis de les retrouver. « On s’est revus, on s’est fait un câlin », confirme Jicé.

« 15 jours ressentis 100 ans », Aymeric Swiatoka-Novais, Jean Chauvelot, éditions du Mégot.