Alors que s’ouvrent les négociations sur le budget pluriannuel européen 2028-2034, une menace sourde pèse sur l’avenir de la politique de cohésion : la recentralisation, au niveau des États, de fonds européens aujourd’hui gérés au plus près des besoins, dans les territoires. Cette tentation technocratique, qui vise à « simplifier » en regroupant la gestion à Paris ou Bruxelles, est, en réalité, un recul démocratique et une erreur stratégique.

En France, le Fonds social européen + (FSE +) repose sur un pilotage partagé entre l’État (65 % de l’enveloppe nationale) et les Régions (35 %). Chaque autorité gère un programme FSE + correspondant à ses compétences légales, dans le cadre d’un accord-cadre national. Trois grandes thématiques structurent cette répartition : emploi, formation-éducation et inclusion sociale.

Lorsqu’une action peut être partagée, un accord local entre préfet et président de Région fixe les lignes de partage, pour tenir compte des réalités spécifiques de chaque territoire.

Cette gouvernance conjointe garantit à la fois cohérence stratégique, efficacité opérationnelle et lisibilité pour les porteurs de projets locaux. Elle permet de s’assurer que les politiques européennes ne soient pas pilotées à l’aveugle depuis Paris ou Bruxelles mais bien ancrées dans les territoires, au plus près des citoyennes et des citoyens.

Dans ce paysage national, la situation du Finistère, qui compte deux organismes intermédiaires : le Département et Défi emploi, est particulièrement préoccupante. Défis emploi, l’organisme intermédiaire de Brest métropole, a démontré son efficacité : entre 2014 et 2022, 4 870 personnes accompagnées, 8 736 contrats de travail signés, un coût moyen par bénéficiaire de 572 euros, bien inférieur à la moyenne régionale. Le programme FSE + 2022-2027, bien que sous-doté, affiche des résultats similaires.

Une menace sérieuse pèse : celle de la recentralisation de la gestion du FSE + qui priverait notre territoire d’un levier précieux.

Et pourtant, une menace sérieuse pèse : celle de la recentralisation de la gestion du FSE + qui priverait notre territoire d’un levier précieux. Alors que les élus bretons se mobilisent à Bruxelles contre cette évolution, nous, conseillères départementales du Finistère, prenons publiquement notre part à travers cette tribune, en espérant susciter d’autres mobilisations locales. En effet, la perte de la gestion locale du FSE + par le Département aurait des conséquences concrètes : perte de l’ingénierie emploi et insertion, rupture avec les partenaires de terrain, désorganisation des politiques sociales locales, baisse de performance et de réactivité.

Rappelons que la loi sur le plein-emploi adoptée récemment par le Parlement consacre une logique de gouvernance partagée, avec un rôle stratégique accru pour les collectivités territoriales. Revenir en arrière sur la gestion des fonds européens serait incohérent. Et ce serait, surtout, renier vingt ans de progrès dans la territorialisation des politiques de l’emploi et de la cohésion sociale. Ce que l’Europe nous donne, ne le laissons pas nous être repris. L’Europe n’est pas une entité abstraite. C’est, entre autres, ce FSE + qui accompagne les personnes sans emploi, les jeunes décrocheurs, les allocataires du RSA, grâce à l’action des acteurs locaux. Recentrer sa gestion, c’est rompre le fil entre l’Union et ses citoyennes et citoyens. C’est affaiblir ce qui fonctionne. C’est abandonner des centaines de parcours d’insertion et d’émancipation. Nous demandons, avec force, que les organismes intermédiaires soient non seulement maintenus mais confortés dans la future programmation 2028-2034. Et nous appelons l’ensemble des élus locaux à sortir de leur réserve. Car une Europe des territoires, ça se défend. Maintenant !