Une ou deux, pas plus. À chaque rentrée, c’est la même chose à l’École de journalisme de Grenoble. La question : « Qui parmi vous veut faire fait-diversier ? » n’emballe jamais les élèves. Silence gêné, têtes basses, sourires timides. Une ou deux mains se lèvent. Jamais plus. Trop dur, trop compliqué. Il y a 28 ans, Vanessa Laime, elle, a levé la main. Journaliste au Dauphiné Libéré, à l’agence de Romans, elle demande à rejoindre les faits-divers à Grenoble.

Elle n’a que 23 ans à l’époque mais déjà quatre ans de carte de presse. Un « bac plus 3 mois », comme elle le dit, du culot, de l’audace. Oui mais voilà. Trop tôt, trop jeune, pas assez expérimentée. Du talent certes mais des talons. Elle a tout entendu Vanessa. « J’avais déjà couvert des faits-divers à Romans et je voulais revenir à Grenoble. » Elle finit par convaincre la direction. Et la voilà au service avec Denis, pour apprendre les bases de ce nouveau métier : « Les faits, toujours s’en tenir aux faits. » La rubrique n’est pas vraiment le journal des bonnes nouvelles. Elle le sait. Accidents, incendies, agressions, crimes… De jour comme de nuit. Mais Vanessa ne va rien lâcher. « Il faut de la rigueur. Toujours vérifier les infos et se constituer un réseau. Il faut savoir obtenir la confiance de personnes afin qu’elles nous donnent des infos, alors qu’elles ne sont pas censées le faire. »

Et toujours rendre compte de cette réalité avec humanité. « On intervient dans la vie des gens après un événement traumatisant. Il ne faut pas rajouter de la peine à la peine. Le côté humain est ce qui m’intéresse le plus. Au service faits-divers, on découvre que tout est possible, que l’homme est capable du pire. On est confronté à des affaires qu’on ne croirait pas crédibles au cinéma. » Comme cet homme qui s’était fait passer pour le petit Léo, l’enfant disparu 14 ans plus tôt, ou la résolution d’une affaire criminelle plus de 25 ans après, avec l’arrestation d’un voisin, proche de la famille. En 28 ans, Vanessa a tout vu, ou presque, et internet a tout changé. « Sur le web, il faut aller vite mais pas trop car il faut donner des infos fiables. C’est un exercice d’équilibriste. Il n’y a rien de pire que de publier une contre-vérité. »

Le métier a changé

Internet d’abord, les réseaux sociaux ensuite qui, selon elle, ont même perverti la rubrique. « Le moindre événement est filmé, les gens avancent des théories. On l’a encore vu avec la voiture qui a fauché une famille lors de la soirée du PSG, à Grenoble. On était sur place, on a donné des infos en direct et pourtant, tout a circulé sur les réseaux. On a dit qu’il y avait trois morts, que la voiture était volée, le conducteur drogué. Tout était faux. » Le métier a beaucoup changé. « Non seulement il faut informer mais aussi rétablir des vérités. »

Journaliste aux faits-divers, c’est un engagement important, qui n’est pas sans conséquences sur la vie privée, sur le sommeil notamment. « L’hyper vigilance nous rend insomniaque, on s’endort en sachant qu’on pourra être réveillé. Cette perte de sommeil a forcément des conséquences. » Mais Vanessa ne regrette rien. Malgré les intimidations, les menaces et l’angoisse parfois, qu’il faut masquer. « Si c’était à refaire, je le referais. Je me suis fait des amis avec des proches de victimes… Et il y a l’adrénaline quand on part sur un fait-divers la nuit. On fait aussi journaliste pour ça. » En 28 ans, Vanessa est devenue une référence dans le métier, avec des qualités d’écoute, un vrai talent de narration, et une capacité à avoir de l’info qui impressionnerait beaucoup d’étudiants en journalisme.