Par

Léa Pippinato

Publié le

19 juil. 2025 à 16h21

Fondé en 1995 par Cyril André, le Montpellier Culture Sport Adapté (MCSA) est devenu en 30 ans une référence pour la pratique du sport chez les personnes en situation de handicap mental, psychique ou atteintes de troubles du développement comme l’autisme. Ce club unique à Montpellier, affilié à la Fédération française de sport adapté, s’est progressivement imposé comme un acteur majeur du territoire. 

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En 2025, le MCSA fête ses 30 ans. Quel sentiment vous habite en repensant aux débuts de cette aventure ?

C’est un sentiment de fierté, bien sûr, mais surtout beaucoup de surprise. On ne pensait vraiment pas en être là, 30 ans après. À l’époque, nous étions une petite équipe de jeunes éducateurs spécialisés dans un institut médico-éducatif (IME) de Montpellier. Nous avions remarqué à quel point les jeunes étaient isolés, enfermés dans leur établissement. Nous voulions simplement leur permettre de sortir, de rencontrer d’autres personnes, de vivre une vie sociale plus riche. On a commencé modestement, avec une petite association sportive interne à l’établissement. Puis, voyant l’intérêt grandissant des jeunes, nous avons progressivement élargi notre projet, jusqu’à créer un véritable club omnisport autonome. Aujourd’hui, en regardant tout ce parcours, on se rend compte du chemin parcouru et du changement opéré dans les mentalités.

Qu’est-ce qui distingue un club comme le vôtre d’un club « ordinaire » avec une section adaptée ?

Dès le départ, nous avons construit le MCSA exclusivement pour répondre aux besoins des personnes en situation de handicap mental ou psychique. Toute notre démarche est tournée vers eux. Nous proposons aujourd’hui neuf disciplines : natation, football, judo, tir à l’arc, tennis, padel, activités motrices adaptées, entre autres. L’accompagnement est totalement individualisé selon le handicap, les capacités physiques ou intellectuelles et les objectifs de chaque sportif. Le MCSA s’appuie sur cinq à six éducateurs sportifs diplômés universitaires en activités physiques adaptées (APA). Trois sont en CDI, les autres en CDD selon les besoins. L’une de ces salariées gère exclusivement notre projet « séjours-vacances adaptés », un programme très complet qui propose des vacances sportives à environ 70 personnes chaque année, été comme hiver. Ce projet est une réponse aux besoins exprimés par les aidants, pour lesquelles ces séjours représentent un moment de répit.

Comment s’est faite la transition entre ces premières actions et la création du club tel qu’on le connaît aujourd’hui ?

Pendant les dix à quinze premières années, nos activités étaient essentiellement internes à l’IME. Puis, nous avons décidé d’institutionnaliser réellement le club, en sortant définitivement des établissements spécialisés pour occuper les installations sportives municipales comme tout autre club ordinaire. Au départ, convaincre de la pertinence de ce modèle n’a pas été simple. Proposer des activités sportives adaptées, et surtout de la compétition, surprenait beaucoup de monde. Il a fallu convaincre, démontrer l’intérêt et la faisabilité du projet étape après étape.

Vidéos : en ce moment sur ActuAu-delà du sport, quels changements observez-vous chez les jeunes au fil des saisons ?

Nous réalisons des adaptations très précises selon chaque sportif. Pour certains, cela signifie installer des repères visuels spécifiques pour mieux comprendre l’espace de jeu, pour d’autres, c’est la mise en place de systèmes de communication alternatifs adaptés aux personnes non verbales. Chaque séance sportive est construite autour d’un cadre sécurisant, rassurant et répétitif qui permet aux licenciés de progresser en confiance et de gagner en autonomie au fil des séances. Les changements sont multiples et souvent très positifs : amélioration de la santé physique, recul de l’obésité, meilleure autonomie, confiance en soi accrue, amélioration de leur vie sociale… Certains licenciés vivent ici leur principale réussite, alors qu’ils peuvent être en difficulté ailleurs. Le sport devient alors un formidable levier de développement personnel.

Les Jeux Paralympiques de Paris 2024 ont-ils eu un impact sur la visibilité ou la perception du handicap ?

Oui, clairement. Après les Jeux, j’ai été sollicité pour participer à plusieurs tables rondes, y compris par des structures qui ne travaillaient pas du tout sur le handicap. Cela montre qu’il y a eu un vrai coup de projecteur sur le sport adapté. Mais attention, la place du handicap mental dans ces événements reste très limitée : seuls sept sportifs étaient présents à Paris 2024. Cela tient à la difficulté de classer ces handicaps en compétition, au manque de visibilité médiatique, mais aussi à l’histoire même des Jeux paralympiques, d’abord pensés pour les personnes avec un handicap physique. Malgré tout, pour nous, ce type d’événement aide à changer les regards. Quand on encadre 300 licenciés, ce genre de reconnaissance est précieux.

Le Montpellier Culture Sport Adapté est un club omnisport dédié aux personnes en situation de handicap mental, psychique ou avec des troubles du développement.
Le Montpellier Culture Sport Adapté est un club omnisport dédié aux personnes en situation de handicap mental, psychique ou avec des troubles du développement. (©MCSA)Quelle est votre vision pour les années à venir ?

L’enjeu, maintenant, c’est l’inclusion. On voudrait que les 20 % de nos sportifs qui pratiquent en compétition puissent intégrer, petit à petit, des clubs ordinaires. Pas seuls, mais avec notre soutien. On a déjà commencé avec des clubs comme le MUC Natation ou des clubs de foot locaux, et ça fonctionne. Notre rôle évoluera : on formera les entraîneurs, on les aidera à adapter leurs séances, leurs espaces, leur communication. Ce sera un accompagnement sur mesure, basé sur notre expérience. En parallèle, les 80 % restants de nos licenciés continueront à avoir besoin de nous, car leur pratique demande beaucoup d’adaptations. Et puis on va continuer à développer nos séjours-vacances adaptés, qui sont très demandés par les familles. Notamment ceux dédiés à des publics spécifiques comme les personnes atteintes du syndrome de Prader-Willi. Ce sont des projets exigeants, mais essentiels.

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