Sébastien et Cécile M., un couple de Créon (Gironde), ont perdu la garde de leur fille Léa. Après six mois de combat, ils l’ont récupérée et dénoncent une procédure bâclée. Récit.
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Les parents de Léa ont bataillé pour récupérer la garde de leur fille. (©Document transmis à actu Bordeaux)
Par
Nicolas Gosselin
Publié le
20 juil. 2025 à 6h48
Le 10 septembre 2024, le ciel leur est tombé sur la tête. Ce jour-là, au tribunal des enfants de Bordeaux, Sébastien et Cécile M., un couple de Créon (Gironde), entendent le juge prononcer le placement de leur fille Léa, alors âgée de 16 ans. Tout est parti d’une mauvaise rencontre, d’une amourette adolescente malsaine, et l’engrenage s’est enclenché jusqu’à la demande d’émancipation. Mais les parents se sont battus — « On n’a rien lâché ; mes enfants, c’est toute ma vie », clame Cécile — et ils ont fini par obtenir gain de cause. Six mois plus tard, après moult rebondissements. Ils ont accepté de témoigner pour dénoncer cette situation. « Parce qu’on n’est pas les seuls, ça arrive à d’autres parents et tous n’ont pas le courage de se battre », affirme le couple qui a quatre enfants.
Les choses ont dégénéré aux prémisses de l’été 2024. Léa tombe amoureuse d’un garçon prénommé Kilian, qu’elle a connu au collège de Créon, mais ses parents voient cette relation d’un mauvais œil car le jeune homme fume du cannabis et pire, ils le soupçonnent d’en revendre. En plus, en sa présence, leur fille ne les écoute plus.
Les choses dégénèrent en quelques mois
« Pour la fête de la musique, on lui avait donné l’autorisation de sortie jusqu’à 23 heures. Il n’est pas question qu’une fille de 16 ans traîne seule dans Bordeaux. Quand elle est rentrée, elle nous a dit qu’on lui gâchait la vie », se rappelle Cécile.
Deux mois plus tôt, la mère de Léa avait aussi surpris sa fille en train de sécher les cours. En août, alors que ses parents lui interdisent, elle fait venir son petit copain au domicile familial pour qu’il dorme dans sa chambre. Le déjeuner du dimanche est surréaliste, avec un fumeur de joint qui s’invite à la table familiale. Puis, la veille de la rentrée scolaire de ses petits frères où la tradition familiale veut de passer le dîner tous ensemble, elle fait le mur.
« On a pris les deux voitures et on a sillonné le secteur pour la retrouver », se rappelle Cécile. Au final, elle était à quelques pâtés de maisons chez le cousin de Kilian. « Qu’est-ce que tu nous fais ? Qu’est-ce qu’on t’a fait ? », lui demandent ses parents. Mais Léa ne veut pas leur parler. C’est Kilian qui leur répond : « Ça se réglera devant le juge ! »
Les parents de Léa comprennent à ce moment-là que « ça dérape ». « Il avait commencé à la manipuler, à casser du sucre sur notre dos », pense la mère de famille. Le problème pour le couple, c’est qu’ils sont dans le viseur des services sociaux suite à un appel à SOS suicide qui remonte à un peu plus d’un an.
Une demande d’émancipation
« Léa avait fait une tentative car son petit copain venait de la quitter et elle ne voulait pas voir de psy. J’ai appelé pour être aiguillée et SOS suicide a déclaré auprès des services sociaux que notre fille était en danger. Le Département nous avertit alors que nous faisons l’objet d’une enquête sociale et deux assistances sociales viennent à la maison pour nous poser des questions. On est confiant, on n’a rien à se reprocher », confie Cécile.
Mais deux mois plus tard, après avoir séché les cours, Léa est reçue par la psychologue de son CFA, le Campus du Lac à Bordeaux, et elle réclame déjà à l’époque à être émancipée. Alors quand il reçoit une demande formellement écrite en septembre, le juge des enfants décide donc d’enlever la garde de Léa à ses parents.
Ce jour-là, l’adolescente ne s’est pas opposée à sa décision et l’a même validée, d’une certaine façon. Elle s’explique auprès d’actu Bordeaux : « Mon ex m’a retourné le cerveau. Je n’étais pas au mieux et il m’a dit qu’il fallait que je m’émancipe de mes parents. Je l’ai cru. Je ne voulais plus leur parler et au tribunal, le juge n’a pas pris en considération que je n’allais pas bien… »
Elle est livrée à elle-même dans un foyer inadapté
Placée chez les parents de Kilian, elle atterrit alors dans un foyer où la consommation d’alcool et de stupéfiants est quotidienne et où elle est complètement livrée à elle-même. Sa mère se rend bien compte du problème. Avec son mari, ils alertent les pouvoirs publics. Remuent ciel et terre pour sortir leur fille de ce bourbier. En vain.
Le 5 novembre, Léa fait une tentative de suicide avec des médicaments. Puis, une semaine plus tard, une perquisition est menée au domicile des parents de Kilian et la gendarmerie découvre des stupéfiants. Les militaires soupçonnaient le père de s’adonner à un trafic et le surveillaient depuis quelque temps.
Dès lors, Léa est placée dans une famille d’accueil pendant quasiment un mois puis elle atterrit le 5 décembre au foyer Labarthe à Bordeaux, qui accueille des adolescentes et jeunes majeures de 14 à 21 ans rencontrant des difficultés familiales et personnelles. Là-bas, ça se passe mal.
« J’ai tout perdu à ce moment-là »
L’ado de 17 ans échange quotidiennement avec sa mère par téléphone, lui répète qu’elle l’aime et pourtant, ses parents sont toujours privés de garde. C’est toute l’ambivalence de la situation.
« Au début, quand j’ai été placée dans la famille de Kilian, je ne voyais pas le mal. C’était difficile de ne plus voir mes parents mais je ne sais pas trop ce qui me passait par la tête. J’ai beaucoup pleuré. J’ai tout perdu à ce moment-là, y compris mon emploi (NDLR: elle était en contrat d’apprentissage). J’ai préféré oublier. Je prenais un anxiolytique tous les soirs et je fumais », raconte Léa, qui évoque une relation toxique avec son ancien petit copain.
« En arrivant au foyer, j’ai reparlé à mes parents. J’ai compris qu’il n’y avait qu’eux qui pouvaient m’aider, me soutenir », ajoute l’adolescente. Au final, lors d’une audience le 24 mars 2025, le juge a décidé de lever l’ordonnance de placement de Léa. Une délivrance pour les parents, qui restent amers face au calvaire qu’ils ont vécu.
Un courrier destiné à Emmanuel Macron
Ils estiment que la procédure a été bâclée, qu’ils n’ont jamais été écoutés. En colère, ils ont déposé plainte le 14 février 2025 contre le Centre départemental de l’Enfance et de la Famille, la médiatrice de l’aide sociale à l’enfance qui a géré leur dossier, le juge des enfants en charge de leur dossier, les parents de Kilian ainsi que le foyer Labarthe pour « négligence, mise en danger d’autrui, manipulation psychologique et violation des droits parentaux ».
Sébastien et Cécile ont même écrit au président de la République et à la Première dame pour dénoncer cette « erreur judiciaire ». En rendant publique cette affaire, ils souhaitent que « de tels dysfonctionnements ne se reproduisent jamais ». De son côté, Léa a laissé tomber ses études dans la restauration et s’apprête à entrer en école de gendarmerie.
« Après tout ça, j’ai mis du temps à refaire confiance, y compris à mes parents. Je leur en voulais encore car on s’était ligués les uns contre les autres. J’avais du mal-être, j’avais besoin d’eux et ils ne l’ont pas vu venir… Aujourd’hui, je prends cette histoire comme une expérience. Je fais plus attention à mon entourage et ça m’a servi de leçon. J’ai beaucoup pris en maturité », témoigne Léa.
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