Le mème de Bill Murray dans Un Jour sans fin peut difficilement mieux coller à une (més)aventure collective qu’à l’équipe de France féminine de football. En étant (encore) éliminées par la sélection allemande (1-1, 5-6 aux tirs au but), samedi lors de l’Euro 2025 à Bâle (Suisse), les Bleues ont tout simplement vécu leur 8e couac lors de leurs 9 derniers quarts de finale de tournois majeurs. Une régularité dans la lose quasi-chronique qui interpelle forcément, tant les sélectionneurs passent sans parvenir à enrayer cette série noire depuis 2013.

Même une spirale éminemment positive avec Laurent Bonadei (11 succès de rang, un 3/3 en poule à l’Euro avec 11 buts inscrits, dont deux victoires références contre l’Angleterre et les Pays-Bas) a volé en éclat au bout d’une soirée cauchemardesque. « Aujourd’hui, on n’a pas eu de chance, estime Selma Bacha. Il y a eu deux buts refusés, une barre, et la gardienne adverse qui a fait des exploits. On avait tout pour passer, on les a dominées de A à Z. Cette élimination fait trop mal. »

Des statistiques (9 tirs cadrés à 2, 75 % de possession de balle, 37 centres à 4) à l’impression visuelle, on se rend vite compte que l’équipe de France féminine vient de vivre la pire soirée de son histoire, pourtant on ne peut plus riche en désillusions. Cinq faits de jeu improbables durant ces 140 minutes illustrent un traumatisme +++, dont la bande à Griedge Mbock aura du mal à se relever.

11e : Une double peine cadeau (ou pas)

Il est extrêmement rare, dans les grandes compétitions internationales des années 2020, d’encore voir la fameuse double peine (penalty + carton rouge) être appliquée. Là, dès la 11e minute de jeu, sur un coup franc anodin de Selma Bacha (mal) repris de la tête par Marie-Antoinette Katoto, les Bleues ont eu droit à ce cadeau du ciel, enfin du VAR. La gardienne allemande était alors sur le point de frapper son six mètres, tandis qu’absolument personne ne contestait quoi que ce soit.

Et quelques instants plus tard, à la vue d’un tirage de cheveux stupide de Kathrin Hendrich sur Griedge Mbock (qui n’avait aucune chance de reprendre ce ballon) via les images du VAR, Tess Olofsson a donc décidé d’expulser la défenseuse allemande, tout en permettant à Grace Geyoro d’ouvrir le score sur penalty (14e). Le genre de fait de jeu favorable qu’on obtient une fois dans une vie, et qui garantit presque de s’offrir enfin le scalp de sa bête noire.

« Je pensais qu’on avait fait le plus dur en ouvrant le score, face à une équipe réduite à dix, a reconnu le sélectionneur Laurent Bonadei sur TF1. Mais on n’a pas su profiter de cette supériorité numérique et l’Allemagne a fait un match héroïque. » On n’en dira pas autant des Bleues, brutalement crispées après avoir vite concédé une égalisation pleine de naïveté sur corner (1-1, 25e).

De manière incompréhensible, Kathrin Hendrich a tiré les cheveux de la capitaine française Griedge Mbock, ce qui a entraîné à la fois un penalty pour les Bleues et l'expulsion de la défenseuse allemande, samedi dès la 13e minute de jeu. De manière incompréhensible, Kathrin Hendrich a tiré les cheveux de la capitaine française Griedge Mbock, ce qui a entraîné à la fois un penalty pour les Bleues et l’expulsion de la défenseuse allemande, samedi dès la 13e minute de jeu.  - G. Kefalas/AP/SIPA40e : Un but refusé pour un hors-jeu d’un demi-bras

Le seul véritable éclair collectif d’un match tendu/haché de bout en bout aura donc été refusé pour un micro hors-jeu. Voilà comment décupler la frustration de nos Bleues. Sakina Karchaoui trouve dans l’axe Delphine Cascarino, qui s’appuie en retrait sur Marie-Antoinette Katoto. La néo-Lyonnaise ouvre vers Grace Geyoro dont le centre en une touche est repris par une Madjer divine de Cascarino. Une action « total régal » que l’arbitre assistante a vite estimée illicite.

Quelques minutes plus tard, à la découverte du ralenti VAR, on a une énième fois eu envie d’étriper cet outil vidéo, le but ayant été refusé pour trois orteils et un demi-bras. A tous les proches des joueuses tricolores, on vous conseille de ne pas leur remontrer cette image durant leurs vacances (ni même avant leur mort d’ailleurs). En deuxième période, une reprise victorieuse de Grace Geyoro (57e) sera elle aussi refusée, mais pour une incontestable action de jeu effectuée par Maëlle Lakrar, nettement hors-jeu sur le coup.

103e : Une parade surréaliste de Berger

Bien qu’ayant changé l’intégralité de leur ligne d’attaque, les Bleues se montrent inoffensives en prolongation. Et ce jusqu’à un centre dans la boîte de Sakina Karchaoui. La capitaine allemande Janina Minge a la mauvaise inspiration de dévier ce ballon d’une tête lobée en direction de son but. Et là, prise à contrepied et décalée, Ann-Katrin Berger réalise l’un des arrêts les plus prodigieux de l’histoire de l’Euro féminin.

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Son bond sur sa ligne, avec le mode Dhalsim activé, lui a valu une sérieuse alerte physique à l’épaule jusqu’à la fin de la rencontre. Mais Berger a ainsi maintenu en vie son équipe, tout en tordant sacrément le cou au fameux cliché sur le niveau supposé désastreux d’absolument toutes les gardiennes de but professionnelles. Le genre d’action iconique que l’UEFA passera en boucle sur ses réseaux sociaux, et qui nous a définitivement convaincus que la France ne prendrait pas encore sa revanche sur sa bête noire à Bâle.

120e + 3 : Une transversale inattendue de Malard

On sait depuis de looooooongues minutes que la seule issue possible à cette soirée si électrique est une séance de tirs au but. Le jeu ne ressemble plus à grand-chose depuis un moment, et Clara Mateo, Sandy Baltimore et Melvine Malard, les trois renforts offensifs, ratent tout ou presque. Et puis sur l’une des rares brèches laissées par l’impitoyable défense allemande, Melvine Malard voit la possibilité de repiquer dans l’axe depuis l’aile gauche.

Elle déclenche alors un ahurissant missile de 30 mètres qui fonce s’éclater sur le haut de la transversale d’une Ann-Katrin Berger pas malheureuse sur ce coup. Là aussi, il y a cette idée du highlight au buzzer susceptible de changer absolument tout dans la trajectoire de Malard/le déroulement de ce tournoi/l’histoire jusque-là maudite de cette sélection. Typiquement l’action qui a poussé Grace Geyoro à glisser à chaud à TF1 : « C’est très cruel, on se demande quand est-ce que ça va enfin nous sourire ».

23h49 : Une course d’élan lunaire de Majri

On le sait, le football français a globalement une histoire contrariée avec les séries de tirs au but, et les Bleues ont encore perpétué la tradition samedi, en subissant leur 5e défaite dans l’exercice sur six rendez-vous. La seule exception avait eu lieu en quart de finale de la Coupe du monde 2011 contre l’Angleterre. Autant dire il y a très longtemps, et contre un adversaire encore plus traumatisé que nous par les tirs au but.

Amel Majri a révolutionné samedi l'histoire des courses d'élan lors d'une séance de tirs au but.Amel Majri a révolutionné samedi l’histoire des courses d’élan lors d’une séance de tirs au but. - Capture d’écran TF1

Non, malgré le penalty de Sjoeke Nüsken repoussé un peu plus tôt par Pauline Peyraud-Magnin (69e), cette série a aussi mal tourné que lors du quart du Mondial australien face au pays hôte deux ans plus tôt. Ann-Katrin Berger avait exactement les bonnes indications sur sa bouteille d’eau concernant les trajectoires des tirs d’Amel Majri et d’Alice Sombath. Et surtout, l’expérimentée milieue lyonnaise (32 ans), désignée première tireuse tricolore, s’est fendue d’une course d’élan gaguesque et inédite au haut niveau.

Notre dossier sur l’Euro féminin

La pure gauchère s’est ainsi décalée à droite avant d’amorcer une trajectoire horizontale, puis de totalement freiner son élan pour tenter de se recentrer. Pas besoin de s’appeler « Dibu » Martinez pour comprendre dans quelle zone Amel Majri s’était quasiment obligée à frapper. Clairement une séquence à regrets pour les Bleues tant elle a été mal négociée. Disons au même niveau de faillite mentale que cette action disputée à 11 contre 9 en prolongation et gâchée par un hors-jeu sur attaque archi-placée, devant huit défenseuses (113e). De quoi relativiser l’absence de « chance » pointée par Selma Bacha, non ?