Une mesure inutile et dangereuse. La politique franco-britannique qui vise à intercepter et perforer les canots de migrants en mer n’empêche en rien les départs de ces fragiles embarcations, même abîmées, mettant en péril la vie de leurs passagers, révèlent des documents des garde-côtes français divulgués par le Guardian.

Le quotidien britannique, qui a pu consulter un rapport de situation des garde-côtes du centre de coordination de sauvetage maritime Gris-Nez (Pas-de-Calais), révèle que dans la nuit du 9 au 10 juillet, la gendarmerie a perforé un canot pneumatique au départ de Cayeux-sur-Mer. Pas de quoi arrêter l’embarcation de fortune, qui a tout de même pris le large et a été perdue de vue. Les garde-côtes ont dû par la suite effectuer des recherches par voies aérienne et maritime.

Ils ont finalement retrouvé l’embarcation aux premières heures du jeudi 10 juillet. Le canot, déchiqueté, a malgré tout réussi à récupérer d’autres passagers le long de la côte et a accosté au Royaume-Uni avec 55 passagers à bord, après avoir été secouru par la Royal National Lifeboat Institution, une ONG de sauvetage en mer. Les données du ministère de l’Intérieur du Royaume-Uni montrent que dix embarcations sont arrivées ce jour-là, transportant 573 passagers.

Pour les garde-côtes français, l’incident prouve que si une embarcation reste à flot, même lacérée, les personnes à bord ne sont pas dissuadées de tenter de rejoindre le Royaume-Uni. Ils constatent également que cette tactique devrait nécessiter des moyens supplémentaires de sauvetage en mer. D’autant que, comme le souligne le Guardian, le nombre d’arrivées au Royaume-Uni sur de petits bateaux en 2025 a augmenté d’environ 50 % par rapport à la même période en 2024, avec plus de 21 000 traversées jusqu’à présent.

Quelques heures seulement après l’incident enregistré par les garde-côtes français, le Premier ministre britannique, Keir Starmer, et le président Emmanuel Macron ont conjointement trompeté la signature d’un accord entre leurs deux pays pour limiter l’immigration illégale.

Au-delà de l’annonce de la mise en place de la mesure dite d’«un entrant, un sortant» – le fait d’autoriser une personne à se rendre légalement au Royaume-Uni et à y demander l’asile en échange du retour en France d’une autre arrivée irrégulièrement –, Starmer pousse pour permettre des interceptions en mer jusqu’à 300 mètres au large de la Manche. La pratique, pourtant interdite, existe depuis au moins depuis 2022, selon une enquête menée en mars 2024 par un consortium de médias européens.

Le Premier ministre britannique avait également salué un «durcissement» de la doctrine française après la diffusion début juillet d’un reportage de la BBC montrant des gendarmes en train de lacérer des embarcations pour en empêcher le départ.

Les mesures de dissuasion, aussi brutales soient-elles, sont inefficaces, conclut le Guardian. Pire, elles incitent les gens à entreprendre des voyages toujours plus périlleux, assure encore le quotidien britannique, soulignant que la seule façon de mettre fin aux traversées est de proposer des voies sûres pour les demandes d’asile.

Dans une lettre ouverte adressée au directeur national garde-côtes des douanes et publiée par France 3 Hauts-de-France fin juin, le syndicat Solidaires Douanes avait également émis des inquiétudes quant au «contexte de maltraitance institutionnelle croissante, à l’encontre des personnes en exil». Et de dénoncer une «mise sous pression de la France par le Royaume-Uni, qui attend que toutes les mesures possibles soient prises par le ministère de l’Intérieur afin d’empêcher les traversées de la Manche».

La responsable britannique du plaidoyer et des affaires publiques du collectif Care4Calais, Charlotte Khan, s’alarme auprès du Guardian : «Nous sommes habitués depuis de nombreuses années aux brutalités policières contre la communauté réfugiée dans le nord de la France, mais nous assistons actuellement à une augmentation rapide de cette violence financée par l’Etat.»