20 h 30, sous le chaud soleil de début juillet. Elles s’installent sur la vaste terrasse du Wattignies, sympathique bar-resto et lieu de vie de l’île de Nantes.
Les douze musiciennes de Hit Micheline déboulent avec leur énergie, leur répertoire et leurs tenues, paillettes et platform shoes à talons compensés XXL. Elles s’apprêtent à mettre le feu avec leur joie d’être là pour jouer ensemble leur répertoire assumé autour des tubes des années 1990-2000 qui les font « triper » – Britney Spears ou les Spice Girls en tête – réarrangées en version fanfare.
« Choisir notre répertoire en totale liberté faisait partie de nos envies quand on s’est lancées dans une fanfare 100 % féminine en 2021, confient Delphine, qui joue de la flûte traversière, et Marion, au djembé. Comme le fait de pouvoir se retrouver exclusivement entre copines. »
La plupart des musiciennes de Hit Micheline – un nom choisi comme un clin d’œil à l’émission musicale Hit Machine diffusée à la télé de 1994 à 2009 – jouent aussi dans des fanfares mixtes, notamment au sein des Trompettes de Fallope, celle de la fac de médecine de Nantes. « Et on est très contentes d’y être ! »
Âgé de 25 à 40 ans, ce groupe de médecins, avocates, architectes, psychologues… a pourtant eu envie de cette formation entre femmes exclusivement. « Entre nous, on est plus à l’aise, précise Juliette, une des trompettistes. La discussion, comme la prise de parole, est plus facile, plus spontanée. » « On se respecte, on s’écoute », appuie Anne-Marine, au trombone. Mélanie, ingénieure, témoigne : « Pour moi qui travaille dans un univers très masculin, ça fait un bien fou, la bulle de sororité de Hit Micheline ! »
« À côté des hommes, on est au second plan »
On comprend que c’est aussi plus simple entre elles, musicalement : « Quand on joue à côté d’hommes, on a tendance à se mettre au second plan », observe Julia, trompettiste. Ses camarades de jeu acquiescent : « Les gars jouent les partitions les plus techniques. Ils jouent plus fort, prennent les solos, font les annonces au micro entre les morceaux. » Pourtant, toutes le soulignent : « Les hommes qu’on côtoie dans les fanfares mixtes sont plutôt ouverts d’esprit. Mais c’est ainsi… »
Autre réalité observée : les instruments de fanfare furent longtemps « très genrés » : « Traditionnellement, les femmes dans les fanfares jouent plutôt des instruments discrets : flûte, clarinette, saxophone… » Alors, quel bonheur pour Léna, d’être à la batterie de Hit Micheline ! Ou, pour Mélanie et Lauriane, de pouvoir jouer librement du soubassophone, instrument impressionnant par sa taille, qui peut peser plus de 15 kg : « Peu importe : j’ai envie, je le porte et j’en joue. Même s’il faut de la force, du souffle : c’est un peu un truc de bœuf », rit Mélanie. « J’ai mis beaucoup de temps à m’autoriser cet instrument, complète Lauriane, mais maintenant j’assume la place qu’il prend et celle qu’on prend avec ! »
En musique, les femmes de Hit Micheline font bouger les lignes : « Au départ, on doit prouver deux fois plus », observe Julia. Delphine confirme : « Les gens dans le public ont des a priori : ils nous disent parfois qu’ils ne s’attendaient pas à un tel niveau de la part d’une fanfare de femmes… » Anne-Marine conclut : « Finalement, on a plein de retours positifs et on en est fières. On nous en parle dans des festivals, ça donne des idées à d’autres. Ça participe à changer le regard. »