Pour croiser des quinquagénaires au camping des Vieilles Charrues, il faut avoir l’œil grand ouvert, dépasser des centaines de tentes dépliables en deux secondes, et marcher quelques kilomètres avant de les trouver, bien installés. Parmi les 35 000 festivaliers à camper sur le site du festival, ils ne sont que quelques-uns, à avoir planté, dès mercredi, leur tente sur le terrain de 20 hectares, entièrement gratuit. Venus entre amis et en couple, si pour certains camper aux Charrues est une tradition, pour d’autres, c’est l’occasion de vivre une 33e édition « autrement. »

La zone zen pour un maximum de tranquillité

« En 2010, on était en zone 5. Mais en vieillissant, on grimpe aussi dans les numéros du camping », sourit David, 51 ans, calé dans son fauteuil. Il vient aux Charrues depuis 1997, et n’a pas manqué une édition au camping depuis 2009. Chaque année, le même rituel : arrivée le mercredi avec trois ou quatre copains, puis le reste du groupe — conjoints compris — les rejoint au fil des jours. Cette fois, ils seront treize. Et pour avoir un peu de calme cette année, ils ont posé leurs tentes à l’extrémité du camping, en zone zen. « À 50 ans, on récupère moins vite qu’à 20 », reconnaît le Galicien. Leurs ados, eux, dorment plus loin. « Chacun son espace, mais on garde un œil sur eux. »

Si, les premières années, ils dormaient sur des serviettes. Aujourd’hui, place aux tentes familiales, matelas, voile d’ombrage et glacières. Ils congèlent leurs poches d’eau, préparent punchs et Margaritas, mangent sur le site, mais soignent l’apéro. Trois jours de préparation sont nécessaires. Dans le groupe, Gorgio, 45 ans, en est lui à sa septième année de camping, et il ne garde que de bons de cohabitation avec les jeunes « il n’y a jamais eu d’altercations, même les jeunes s’arrêtent discuter. » Gaël, 50 ans, n’a lui qu’un regret : ne pas avoir rejoint les copains plus tôt.

Plus proches de l’entrée, en zone 5, cinq amis âgés de 49 à 53 ans venus de Paris et du Mans ont, eux aussi, sorti les sardines pour quatre nuits. Pour certains, c’est la quatrième fois. Pour d’autres, le baptême. Hier, les sacs sur le dos et les glacières en main, les râles ont fusé depuis le parking. « À ce moment-là, on s’est vraiment demandé pourquoi on n’avait pas loué une maison », lâche l’un, avant de nuancer : « mais le camping, c’est qu’une fois par an, juste pour le festoch ! Et puis on vient pour l’ambiance, pas pour le confort. »

Installés juste à côté d’une artère de passage, ils jurent pourtant bien dormir. « Quand on a bien festoyé, on dort sans souci. Après, ça dépend des expériences de chacun. » Ce vendredi matin, pourtant, coup de gueule : une chaise de camping a disparu pendant la nuit. « On se l’est fait tirer. Première fois que ça nous arrive. » L’ambiance reste bon enfant, mais le vol agace. Tout comme certaines réflexions. « Les jeunes viennent parfois nous charrier : “Qu’est-ce que vous foutez encore là à votre âge ?” » Soupir collectif. « C’est un peu lourd, à force. »

Âgés de 49 à 53 ans, ces amis campent en zone 5, sous leur tonnelle. Ambiance détendue avec les jeunes, qui s’arrêtent régulièrement les saluer, malgré quelques remarques « un peu lourdes. »Âgés de 49 à 53 ans, ces amis campent en zone 5, sous leur tonnelle. Ambiance détendue avec les jeunes, qui s’arrêtent régulièrement les saluer, malgré quelques remarques « un peu lourdes. » (Le Télégramme/Emmy Audrain)Troisième édition sous la tente pour Karine et Cécile, amies depuis la fac de Staps. Cette année, elles ont embarqué Cédric, 43 ans, ancien coloc et camarade de promo. Un trio déjà bien rodé aux joies du camping.Troisième édition sous la tente pour Karine et Cécile, amies depuis la fac de Staps. Cette année, elles ont embarqué Cédric, 43 ans, ancien coloc et camarade de promo. Un trio déjà bien rodé aux joies du camping. (Le Télégramme/Emmy Audrain)

En surplomb, sur les hauteurs du camping, Cécile, 44 ans, Karine, bientôt 45, et Cédric, 43, ont dressé leur tente familiale de treize ans d’âge. Emplacement mûrement réfléchi : ni trop loin, ni trop près des troncs, pour profiter de l’ombre sans l’humidité. Les toilettes sont à proximité, mais suffisamment éloignés pour éviter le ballet des fêtards à 3 h du matin. Arrivés la veille à 14 h, ils ont vite flairé le bon coin en zone 8.

Le camping, ils l’ont choisi pour sa praticité. « On est sur place, pas besoin de voiture ni d’aller dormir chez des amis d’amis comme avant. Et puis c’est gratuit, bonne ambiance… même si une chaise a disparu cette nuit, raconte Cécile. « Mais bon, on l’avait oubliée dehors, c’est pour nous. ». Pas de galère côté dodo : Karine campe régulièrement avec ses enfants, Cécile a roulé sa bosse chez les scouts, et Cédric monte sa tente tous les étés. « Le plus compliqué, finalement, c’est de rameuter le reste de la bande », concède Cécile. « Certains vont chez la belle-famille, d’autres renoncent direct à cause de leur mal de dos et la peur de ne pas se relever le matin. »