Le musée Pierre-André-Benoit d’Alès accueille Pierre Alechinsky avec une exposition foisonnante réunissant 200 oeuvres sur papier.
Pierre Alechinsky connaît très bien les espaces du musée Pierre-André-Benoit (PAB) à Alès. Il a créé l’œuvre en céramique qui accueille les visiteurs sur la terrasse, il y a exposé plusieurs fois, il y est venu souvent en tant que visiteur, y compris anonymement. S’il a choisi de présenter 200 œuvres pour son exposition estivale, ce n’est pas pour rien. Il a voulu une immersion dans ses couleurs, dans ses formes, dans son labyrinthe, dans son imaginaire. Et c’est réussi !
À 97 ans, Pierre Alechinsky est le dernier survivant du mouvement CoBrA, l’un des plus grands peintres vivants. Quand Carole Hyza, la conservatrice du musée PAB a vu l’exposition qui lui était consacrée à Chaumont-sur-Loire durant l’été 2023, elle s’est dit que c’était l’exposition qu’elle aurait voulu faire. À son retour, elle lui écrit. La lettre reste un temps sans réponse. « En décembre, il m’appelle et me dit : je vous attends à l’atelier », se souvient-elle. Au bout d’une demi-heure de rencontre, « on était déjà en train de faire le parcours de visite. Il a eu carte blanche. Je ne suis pas commissaire ! J’accueille Pierre Alechinsky, qui s’implique beaucoup dans ses expositions. » S’éloignant de la chronologie, il a choisi lui-même les œuvres d’époque différentes, jouant avec les volumes, « pour concevoir des dialogues qui passent souvent par des hiatus », selon Carole Hyza.
La première collaboration entre Pierre Alechinsky et Pierre-André Benoit remonte au livre L’Espace d’un doute 1967. Leur dernière collaboration, Un soleil couchant, a eu lieu en 1993, juste avant la mort de PAB. En tout, le peintre et l’éditeur cévenol ont travaillé à 25 livres d’artistes. C’est par cette fructueuse amitié que commence l’exposition. Formé à la typographie avant de devenir peintre, Alechinsky se passionne pour ce travail artisanal. Cet œil le pousse aussi à peindre sur des papiers anciens, des « rescapés de la paperasse », vieilles cartes et planches anciennes, qu’il transforme de son pinceau léger, faisant apparaître, révélant des formes enfouies.
PAB et Alechinsky, 25 livres en commun
La légèreté de ce trait dansant est encore plus éclatante dans les tableaux. Avec CoBrA, groupe réunissant des artistes de Copenhague, Bruxelles et Amsterdam, fondé en novembre 1948, Pierre Alechinsky recherche un art spontané, libéré de toutes les normes culturelles de l’époque. « Quand il commence, il ne sait jamais où la peinture va l’emmener. Il laisse libre cours à l’expérience », explique Carole Hyza. Pour le visiteur, le mieux est également d’avancer de même, en se laissant gagner par l’instant. D’ailleurs, l’artiste a refusé les textes de salle, préférant la rêverie aux explications.
Pierre Alechinsky a eu carte blanche pour exposer dans un musée qu’il connaît bien.
Voici donc la série des Oeilletons réalisée en 2015 qui n’a jamais été montrée en Europe. Les Vocables, réalisées la même année, sortent pour la première fois de l’atelier. Le disque, le cercle, l’escargot, la spirale, les formes rondes reviennent en permanence dans sa peinture, qui se décline même en tondo.
Des oeuvres jamais montrées au public
Dès les années 1960, Pierre Alechinsky abandonne la peinture à l’huile. L’acrylique, qu’il travaille de façon très liquide, lui permet l’immédiateté, l’expressivité avec des pinceaux asiatiques, sur des papiers posés au sol. À partir de Central Park en 1964, il adopte la composition avec une image centrale et des remarques marginales, qui ouvrent le dialogue comme les prédelles d’un retable, obligeant le regard à faire un aller-retour, à se perdre, à zigzaguer. L’ensemble est étourdissant, fourmille de détails, de clins d’œil, de citations, de détours. On croise une Cantatrice, la ville de Delft, Gaston Bachelard, Fernando Pessoa, son ami Christian Dotremont jusqu’à se perdre dans les couleurs légères d’une série de 1973, des aquarelles printanières sur papier Japon elles aussi dévoilées au public pour la première fois. Un bonheur !
Jusqu’au 4 janvier. Mardi au dimanche, 10 h-13 h et 14 h-18 h. Puis à partir d’octobre, mardi au dimanche, 14 h-18 h. Musée Pierre-André-Benoit, 52 montée des Lauriers, Alès. 7 €, 4 €. 04 66 86 98 69.