La surdité génétique est
un handicap sensoriel qui affecte des centaines de milliers de
personnes dans le monde, souvent dès la naissance. Jusqu’à présent, les
solutions thérapeutiques restaient limitées à des aides auditives
ou des implants cochléaires, qui améliorent certes la perception
sonore, mais ne réparent pas la cause sous-jacente. Aujourd’hui,
une avancée scientifique majeure ouvre une nouvelle ère : la
thérapie génique permet non seulement de traiter des enfants, mais
aussi des adolescents et des adultes atteints d’une forme
spécifique de surdité génétique, en restaurant véritablement leur
capacité à entendre.

Un gène clé, une mutation invalidante

Au centre de cette innovation
se trouve le gène OTOF, responsable de la production d’une protéine
essentielle à la transmission des signaux sonores de l’oreille
interne vers le cerveau. Ce gène joue un rôle fondamental dans la
communication neuronale auditive. Lorsqu’il est muté, la
transmission des informations auditives est interrompue, ce qui
rend la personne sourde malgré la présence intacte des structures
cochléaires. Cette forme de surdité est rare mais dévastatrice, car
elle empêche la perception des sons dès la naissance ou très tôt
dans la vie.

Ce handicap est souvent
diagnostiqué chez les jeunes enfants, ce qui limite jusqu’ici les
interventions à des solutions externes, sans possibilité de guérir
la cause génétique. La nouveauté est que la thérapie génique permet
maintenant d’agir directement sur le défaut génétique responsable,
ce qui pourrait changer radicalement le pronostic.

Une méthode novatrice basée sur un virus
modifié

Pour réparer ce gène
défaillant, les chercheurs ont recours à un vecteur viral
particulièrement adapté : le virus adéno-associé (AAV). Ce virus
est modifié pour transporter une copie saine du gène OTOF sans
provoquer de maladie. Injecté directement dans l’oreille interne,
plus précisément à travers une membrane à la base de la cochlée, il
permet aux cellules auditives de produire la protéine fonctionnelle
nécessaire à la transmission du son.

Cette injection unique est un
exploit technique, car la cochlée est une structure délicate et
difficile d’accès, en particulier chez l’humain. De plus, cette
procédure n’avait jamais été testée chez des adolescents ou des
adultes, ce qui constituait un défi supplémentaire lié à la
plasticité neuronale et à la possible dégénérescence des cellules
auditives avec l’âge.

Des résultats encourageants chez des patients de 1
à 24 ans

L’étude clinique, menée dans cinq
hôpitaux en Chine, a réuni dix patients présentant une surdité
sévère ou congénitale liée à la mutation d’OTOF. Les âges des
participants variaient de 1 à 24 ans, permettant ainsi d’évaluer la
portée du traitement sur différentes tranches d’âge.

Les résultats ont été
rapidement visibles : dès un mois après la thérapie, la plupart des
patients ont commencé à percevoir des sons, ce qui témoigne d’une
restauration fonctionnelle rapide. Au fil des six mois suivants,
cette amélioration s’est renforcée, avec une nette baisse du seuil
auditif moyen, passant de 106 décibels (niveau très élevé,
difficilement supportable) à 52 décibels, un volume plus proche
d’un environnement sonore naturel et confortable, comparable au
bruit de la pluie.

Ce succès fut particulièrement
notable chez les jeunes enfants, âgés de 5 à 8 ans, qui ont montré
une très bonne réponse au traitement. Toutefois, la thérapie a
également été efficace chez deux patients plus âgés, de 14 et 24
ans, ce qui démontre que la fenêtre thérapeutique peut être plus
large que ce que l’on pensait, offrant de l’espoir aux adolescents
et adultes qui étaient jusqu’ici exclus de ce type
d’interventions.

sourd surdité thérapie génique

Crédit :
iStock

Crédits : Evgeniya Markina/istockTolérance et sécurité du traitement

La sécurité est une
préoccupation majeure dans toute thérapie génique, notamment
lorsqu’elle implique une injection dans une zone aussi sensible que
l’oreille interne. Pendant la période de suivi d’un an, aucun effet
secondaire grave n’a été rapporté chez les participants, ce qui est
un signe très encourageant pour la poursuite du développement
clinique.

Cette bonne tolérance renforce
la confiance des chercheurs et des médecins dans le potentiel de
cette approche. Elle ouvre aussi la voie à des essais plus larges,
nécessaires pour confirmer la durabilité des résultats et la
généralisation du traitement à d’autres populations.

Vers un traitement des autres formes de surdité
génétique

Si l’étude se concentre sur la
mutation d’OTOF, les chercheurs ne s’arrêtent pas là. D’autres
formes de surdité génétique, causées par des mutations dans des
gènes comme GJB2 ou TMC1, sont plus fréquentes mais aussi plus
complexes à traiter.

Ces gènes interviennent dans
différents mécanismes cellulaires de l’audition, ce qui nécessite
des techniques génétiques plus sophistiquées et adaptées. Les
résultats obtenus jusqu’ici sur des modèles animaux sont
prometteurs, laissant entrevoir la possibilité d’étendre la
thérapie génique à un plus grand nombre de patients.

Cette perspective est d’autant
plus enthousiasmante que la surdité génétique affecte des millions
de personnes dans le monde, souvent sans solution curative. Le
succès de la thérapie OTOF pourrait donc ouvrir la voie à une
nouvelle ère où la restauration de l’audition devient possible pour
diverses causes génétiques, grâce à des traitements
personnalisés.