Par

Thomas Bernard

Publié le

20 juil. 2025 à 17h10

Au cœur de l’été, la balle résonne dans le gymnase Jean Vincent, quartier Beaujoire à Nantes. Sur le terrain, Thibaud Lefrançois lance le ballon de volley sur un filet de rebond. Avec le Tour de France en fond sur le téléphone, l’athlète prépare les prochains championnats d’Europe de volley assis, organisés en Hongrie du 28 juillet au 3 août. Un nouveau défi sportif pour le Nantais de 32 ans qui a participé aux derniers Jeux Paralympiques à Paris.

Une étape de plus pour celui dont la vie a basculé en 2017 lors d’un accident de travail lui faisant perdre l’usage de sa jambe gauche. Récit.

Sportif dans l’âme

Le volleyeur a grandi dans le Sud Loire, en particulier dans la commune de Corcoué-sur-Logne, il y découvre le sport : pour paraphraser une célèbre BD française « il est tombé dedans quand il était petit ». Thibaud pratique le badminton, le judo, course à pied et le kayak-polo.

« J’aime les rencontres et le partage dans le sport. En compétition, j’ai toujours été animé par la volonté de me surpasser », raconte l’athlète paralympique. Après des études en Staps à l’Université de Nantes, Thibaud décide de faire de sa passion sa profession en devenant éducateur sportif.

En 2017, Thibaud, accompagné de trois amis, part à vélo en direction d’Istanbul. Une aventure sportive et humaine au cours de laquelle, le Nantais parcourt 6 000 km en deux roues en traversant, la Suisse, l’Italie, la Croatie, la Slovénie, la Bosnie, le Monténégro, l’Albanie et la Grèce.

« On a fait des superbes rencontres. On a dormi chez des gens. Souvent, ils nous ont laissé leur lit et ils dormaient dans leur canapé. C’est fascinant de voir comment les gens sont accueillants », se remémore le joueur des Neptunes. Une expérience enrichissante sur le plan humain.

Accident et rééducation

« Au retour de ce voyage, je veux reprendre mon métier d’éducateur sportif mais ce n’était pas évident de retrouver un poste en cours d’année donc je pars faire de l’intérim. Au bout de deux semaines, j’ai mon accident de travail », narre Thibaud.

Après cet accident de janvier 2018, le Nantais se réveille sur son lit d’hôpital. Les médecins ont dû amputer sa jambe gauche car son pied était trop abîmé. Pendant quatre mois et demi, Thibaud suit un parcours de rééducation au pôle de réadaptation Maubreuil & Tourmaline de Saint-Herblain.

Au fil des semaines, Thibaud réathlétise son corps et apprend à marcher avec sa prothèse après la cicatrisation. « J’étais comme un enfant, je redécouvrais mon corps », confie l’ancien kayakiste.

Je m’interrogeais sur les prothèses. Si je pouvais continuer à danser, courir ou faire du sport. Je pars dans l’inconnu, je ne sais pas si je pouvais continuer à faire mon travail d’éducateur sportif. J’ai 24 ans à ce moment-là, je me questionne sur ma vie quotidienne et savoir si je vais pouvoir replaire à quelqu’un, pouvoir fonder ma famille. Est-ce que ma famille va me regarder différemment ? Je n’ai pas de réponses à ce moment-là et donc il y a de l’incertitude.

Thibaud Lefrançois

Au cours de cette épreuve, Thibaud compte sur le soutien de sa famille, présente au quotidien lors de son hospitalisation.

Grâce à ce travail de rééducation, l’éducateur sportif parvient à pratiquer les disciplines qu’il faisait avant l’accident, notamment le badminton où il apprivoise « sa mobilité avec la prothèse ».

« L’esprit positif que j’avais pendant mon voyage m’a aidé à mieux appréhender mon accident. Même s’il y a eu des moments complexes », livre le volleyeur.

Le volley assis

Après son amputation, Thibaud pratique le parabadminton et dispute les championnats de France de la discipline. En 2019, il découvre par hasard le volley assis en voyant une annonce pour participer aux Jeux Paralympiques de Paris 2024 du comité paralympique sportif français (CPSF).

Le CPSF a mis en place « la relève » un programme pour détecter des talents qui peuvent participer aux Jeux Paralympiques de diverses disciplines. À l’issue de tests, Thibaud est orienté vers le volley assis, discipline qu’il pratique alors à Saint-Aignan-de-Grand-Lieu et à Nantes.

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« Au début, je ne suis pas bon techniquement car je ne suis pas volleyeur mais je comprends rapidement la manière dont il faut se déplacer sur le terrain », décrypte le Ligérien. Le volleyeur est convoqué dès l’été 2019 en équipe de France.

Thibaud progresse individuellement et glane les succès à l’échelle collective, en atteste le doublé championnat Coupe de France avec les Neptunes de Nantes en 2025. En raison de ses performances, le Nantais a pu réaliser l’un de ses rêves : participer aux Jeux Paralympiques de Paris.

L’aventure paralympique à Paris

Il y a un an, la France vivait la frénésie et la joie collective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Sélectionné avec l’équipe de France de volley assis, Thibaud y participe comme athlète.

Cérémonie d’ouverture, ambiance, compétition sportive, village olympique, le joueur des Neptunes « en a pris plein les yeux ». « Au début je suis impressionné de toutes les différences de handicap. Pour aller la cérémonie d’ouverture, je me souviens de l’ambiance et de la bonne énergie au sein de la délégation française », sourit Thibaud.

Au lendemain de la cérémonie d’ouverture, la France dispute son premier match dans la compétition face au Kazakhstan. Un souvenir mémorable pour le volleyeur.

On a joué devant 5 000 personnes, c’était la première fois pour nous. Il y avait un speaker, les spectateurs criaient notre nom, les lumières… Tout était dingue. C’était hors du temps.

Thibaud Lefrançois

Sur le plan sportif, l’équipe de France termine à la 7e place (sur 8). Classée au 23e rang mondial lors des Jeux, la France concède trois défaites en phase de poule contre les 2e, 3e et 5e mondiaux. mais l’objectif était ailleurs pour les Français.

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« On venait pour prendre de l’expérience, qu’on n’était pas là par hasard et nous voulions montrer que nous avions progressé. On était un peu les ‘Rasta Rockett’ du tournoi. Certains joueurs adverses ont participé aux Jeux Paralympiques de Sydney », décrit Thibaud.

Devenu « accro » aux Jeux Paralympiques, le joueur des Neptunes vise déjà Los Angeles en 2028.

« Vivre les choses »

Aujourd’hui, Thibaud partage son quotidien d’athlète de haut niveau avec son rôle d’ambassadeur sport santé chez LNA Santé. « L’objectif c’est d’impulser une dynamique de sport santé au sein de l’entreprise auprès des patients, des résidents d’Ehpad et des professionnels », explique le sportif. Grâce à un parcours de mécénat sportif, LNA Santé dégage du temps à Thibaud afin qu’il puisse s’entraîner et répondre aux exigences de haut niveau.

Après avoir fait le tour du Mont Blanc avec des amis en 2022, Thibaud confie se focaliser à 100 sur le volley assis, notamment les prochains championnats d’Europe en Hongrie cet été.

« Je n’aurai jamais imaginé vivre toutes les choses que j’ai vécues. Je suis fier de tout ce que j’ai pu faire. C’est la curiosité qui m’a amené à faire tout ça », rétrospective Thibaud.

La phrase qui m’anime, c’est de ne pas rester sur ta première idée et de vraiment vivre les choses.

Thibaud Lefrançois

Après avoir échangé avec nous pendant une heure, Thibaud se hâte à quitter le gymnase Jean Vincent. Direction le CREPS des Pays de la Loire à la Chapelle-sur-Erdre pour une séance de musculation. Dans son quotidien de sportif de haut niveau, rien ne freine le joueur de l’équipe de France bien décidé : à « profiter pleinement de la vie ».

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