Au départ, « assembleur » de vélos ayant pris la suite, à Saint-Cyprien, de feu Cycles France Loire – société elle-même, un temps, héritière de la célèbre marque Mercier –, la jeune TPE créée par Frédéric Sallet au printemps 2021, a déménagé à Saint-Etienne il y a un an. Une conjoncture plus difficile que prévu a poussé Cycles Services Loire vers des locaux plus modestes et, dans le même temps, à s’orienter sur le reconditionnement. Choix dernièrement renforcé par la prise en charge indirecte des pièces des vélos « orphelins » Angell.
Dans les nouveaux ateliers stéphanois de Cycles Services Loire. Photo transmise par Ellipse.
Avec pas moins de 3 000 m2, il y avait de quoi voir arriver. De quoi anticiper le développement des activités dans un contexte présentant quelques belles vues à l’horizon. C’était au premier semestre 2021 et Frédéric Sallet crée « Cycles Services Loire », le marché du vélo alignant les signes d’un plein boom post Covid. Cet ancien expert-comptable se lance, alors confiant, dans l’entreprenariat, en prenant la suite de Cycles France Loire dans son vaste atelier de Saint-Cyprien. Y travaillaient encore 16 personnes pour les « Cycles Lapierre », détenus par le néerlandais Accell group. Depuis 2000, l’entreprise n’était plus associée à la prestigieuse marque et ex société éponyme Mercier : l’emblématique nom stéphanois existe toujours, mais transféré depuis cette date au fonds d’investissement luxembourgeois Starship Investments.
Le développement des vélos libre en service – Vélo’v et Vélib’ – avait apporté à l’entreprise Cycles France Loire de solides marchés avant de décliner à son tour, de déménager à Andrézieux-Bouthéon et enfin de se voir abandonnée par Accell et ses nouveaux choix stratégiques fin 2020. « Il y avait encore du travail mais le site était jugé surexploité par rapport à d’autres du groupe, bien plus grands, qui ne l’étaient pas assez, explique Frédéric Sallet. C’était une question de rationalisation pour eux. Je suis reparti avec un quart des salariés – certains ayant préféré évoluer professionnellement, ou prendre leur retraite -, et leur savoir-faire inestimable dont le responsable de production. Nous étions et sommes toujours d’ailleurs des artisans travaillant alors sur l’assemblage de petites et moyennes séries. » Du neuf avec des jolis coups comme 500 vélos fournis à des partenaires du Tour de France, ces marchés récurrents et parlant avec des marques souvent de VAE (vélos à assistance électrique) comme Starway ou des Ymagine Bikes et autres Jean Fourche (vélos cargo)…
De l’assemblage au désassemblage
Las ! Alors que la demande, paradoxalement trop forte à l’issue du Covid, donne dans un premier temps, une pénurie, le retournement brusque de conjoncture au cours de l’année 2022 provoque le surstockage en 2023 amenant une forte baisse des commandes. « Nous étions montés à 12 personnes et même 15 à une certaine période avec quelques intérimaires. Notre capacité permettait d’assembler en 45 min un petit vélo 1er prix, un vélo électrique de A à Z en 2 heures. 1 000 à 2 000 vélos, voire plus, sortaient chaque mois de nos ateliers jusqu’en 2023. » Bon démarrage mais brutalement refroidi à partir de juin de la même année : les commandes baissent, s’annulent, ne se confirment pas, l’activité partielle s’invite indésirablement et le CA, divisé par deux tombe à moins de 150 000 € en 2024. Frédéric Sallet ne renonce pas pour autant. Mais revoie ses plans, en commençant par déménager de Saint-Cyprien où le propriétaire souhaitait de toute façon vendre, pour s’installer en juillet 2024, il y a pile un an donc, dans des locaux plus adaptés, trois fois moins grand, de 1 000 m2 rue Auguste-Poncetton, quartier Severine dans l’ouest de Saint-Etienne.
Photo transmise par Ellipse.
Sa société y emploie actuellement sept personnes, après quelques départs non remplacés surtout, ayant retrouvé une relative stabilité en axant son activité prioritairement sur le reconditionnement, le démontage et réutilisation des pièces. Et finalement, bien au-delà de locaux moins coûteux, « ne serait-ce qu’en recrutement, aussi, c’est plus pertinent, précise Frédéric Sallet. Il y a un savoir-faire à la base, très important. Mais nous formons totalement les personnes qui rentrent chez nous et à la base, les recrues ne sont pas qualifiées et les salaires de départ modestes. C’est plus aisé de recruter sur le bassin stéphanois avec sa desserte de transports en commun que dans le Sud de la Plaine côté Loire Forez ». Le marché de l’assemblage en berne, celui du désassemblage s’avère en revanche plus en verve.
Effet anti cimetières à vélos
Les effets de la loi Agec et les développements récents des VAE par les collectivités locales, avec parfois quelques déboires, n’ont pas manqué d’apporter quelques marchés à cette nouvelle orientation. Cycles Services Loire a par exemple pu travailler sur le reconditionnement des roues de vélos des Véliverts qui avaient eu tant à souffrir de la possibilité – bien sûr non conforme imprévue par le concepteur – de faire grimper un « passager sauvage » à l’arrière. Possibilité normalement annoncée comme éliminée après remaniement de la flotte en fin d’année dernière. L’engouement général pour les VAE peut provoquer des « cimetières » qui n’ont pas lieu d’être, faute de capacité suffisante à prendre en charge. Il y avait donc un créneau à prendre, pour devenir – toute échelle gardée à ce stade bien entendu -, au vélo c’est qu’est de nos jours un Caréco avec l’auto.
Un créneau alimenté bien sûr par le privé aussi. Encore récemment avec la prise en charge par la disparition du fabricant des vélos électriques Angell et donc de son SAV, laissant des milliers d’utilisateurs sans solutions certaines au moindre accroc. Et en parallèle, des milliers de vélos neufs sans preneurs. En janvier dernier, afin « d’éviter cet immense gâchis », la société troyenne Ellipse les récupérait et lançait un appel à la filière qui a trouvé pour réponse entre autres, celle de Cycles Services Loire. « Dans ce contexte, un site dédié vient d’être lancé afin de permettre à chacun de consulter les pièces disponibles et de faire remonter ses besoins. Le premier objectif clé étant d’évaluer les besoins réels et de mieux identifier les priorités de reconditionnement : https://cycles-services-loire-recycle.fr . »
Si l’entreprise stéphanoise démonte des Angell pour re équiper l’existant au niveau de tout ce qui touche à la mécanique, c’est une autre société, lyonnaise, Maneo qui se charge de reconditionner les batteries. Le propriétaire final, lui, peut très bien n’y voir que du feu : « Il peut ainsi frapper à la porte d’un gros distributeur avec son problème sur son vélo Angell, là où il l’a acheté, et bénéficier de sa solution SAV, comme si de rien n’était. » Mais si la chaîne récemment mise en place n’existait pas, la porte resterait close. Un petit morceau de ce qui s’appelle « l’économie circulaire » avec aussi.