Accusations de torture, de violences sexuelles et de conditions inhumaines : les témoignages glaçants de Vénézuéliens expulsés par les Etats-Unis et incarcérés au Salvador secouent Caracas. Le Venezuela a ouvert une enquête contre le président salvadorien Nayib Bukele, après le rapatriement de 252 de ses ressortissants détenus pendant quatre mois dans l’immense prison de haute sécurité Cecot, construite pour accueillir les membres des gangs salvadoriens.
Ces migrants avaient été arrêtés puis expulsés sans procès par les autorités américaines en mars, en vertu d’une loi de 1798 sur les « ennemis étrangers ». Washington les soupçonnait d’appartenir au redouté gang criminel vénézuélien Tren de Aragua, classé comme organisation terroriste. Leur détention au Salvador s’est déroulée dans des conditions dénoncées comme inhumaines par Caracas.
Quelque 80 procureurs mobilisés
« Nous avons décidé d’ouvrir une enquête officielle », a annoncé lundi le procureur général vénézuélien, Tarek William Saab, lors d’une conférence de presse à Caracas. Il accuse Nayib Bukele et des membres de son gouvernement de crimes contre l’humanité. Appelant la Cour pénale internationale et le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à agir, il affirme que 80 procureurs ont été mobilisés pour interroger les migrants à leur retour.
L’un des témoignages les plus marquants est celui d’Andry Hernandez Romero, coiffeur et maquilleur de 32 ans : « Nous avons subi des tortures, des agressions physiques et psychologiques. J’ai été abusé sexuellement par les autorités salvadoriennes elles-mêmes. » Sur les images publiées par le ministère public, il parle d’une détention où l’on pensait ne « jamais revoir » sa famille.
Non-respect total des droits humains
Les récits convergent : cellules sans lumière ni ventilation, isolement prolongé, nourriture avariée, eau impropre à la consommation, interdiction de contact avec un avocat ou leurs proches, et usage de balles en caoutchouc contre les détenus. Un traitement que le parquet vénézuélien qualifie d’« attaques systématiques ».
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Le retour des migrants s’inscrit dans un accord de dernière minute conclu entre Caracas et Washington. En échange de leur libération, les autorités vénézuéliennes ont relâché dix citoyens et résidents américains détenus dans leurs propres prisons, ainsi que 80 prisonniers politiques présumés. Selon Jorge Rodriguez, président du Parlement et négociateur côté vénézuélien, « les négociations ont été uniquement avec le gouvernement des Etats-Unis ». Et d’ajouter, en visant Bukele : « Il ne nous est jamais venu à l’esprit de parler au clown. »