Par
Ovale Masqué
Publié le
21 juil. 2025 à 18h30
Une saison de rugby, c’est long. Très long. Pour les acteurs comme pour les équipes techniques, le rythme est bien compliqué à tenir, et fatalement, on se retrouve parfois à regarder de gros épisodes de remplissage. C’est un peu ce que nous a offert cette tournée d’été en Nouvelle-Zélande : les stars étaient en congés, les scénaristes fatigués et en pilote automatique, et les intrigues n’ont pas progressé d’un pouce.
Moi quand je suis super fier de pas avoir oublié de prendre le laurier à Leclerc. (©Sky Sports)
Evidemment, ça reste du travail de pro et les seconds rôles ont assuré pour nous servir un minimum de divertissement. Certains passages humoristiques étaient vraiment bien sentis. On pense bien sûr à Léo Barré : pas besoin de rajouter des rires enregistrés tellement sa prestation était hilarante, on aurait cru voir un Bourvil des temps modernes.
Les décors aussi étaient pas mal, notamment la citadelle assiégée qui a vaillamment résisté aux assauts adverses, même si l’issue était très prévisible et qu’en regardant de plus près, les murs faisaient un peu carton-pâte. Les arts du cirque étaient également à l’honneur : Gabin Villière l’acrobate qui s’est envolé à plusieurs mètres de hauteur, et tout ça sans trampoline.
Une sélection pas volley. (©Sky Sports)Vidéos : en ce moment sur Actu
« On a pas passé un mauvais moment » diront les avis sur internet, et c’est vrai. Mais que retiendra-t-on de notre visionnage ? Sans doute pas grand-chose. Quelques fulgurances par ci par là, deux ou trois acteurs qui n’ont pas démérité et qui reviendront peut-être prendre un peu de temps d’écran dans le futur. Mais l’impression au générique de fin, c’est qu’on a quand même un peu perdu notre temps.
Malgré toutes ces grimaces, les All Blacks font toujours moins peur que la tête d’Alexandre Fischer. (©Sky Sports)Le film du match
Après avoir chouiné pendant des semaines car le XV de France a envoyé son fond de réservoir en Nouvelle-Zélande, les All Blacks nous font le plaisir de nous offrir une équipe B pour ce troisième et dernier test. Certes, dans une équipe B des Blacks on trouve quand même des Ardie Savea, des Will Jordan ou des Damian McKenzie, mais tout de même, on se dit qu’il y a peut-être un coup à faire sur ce match, un coup qui permettrait de donner un peu de sens à cette tournée.
Briller au sein d’une équipe moyenne : Attissogbe part avec un avantage car il joue à Pau. (©Sky Sports)
Les premières minutes de la rencontre nous donnent raison. Les Tout Noirs récupèrent certes un premier ballon sous le coup d’envoi et proposent une première grosse séquence, mais les Bleus répondent présent en défense. Après un lancer raté de Taukei’aho, ils récupèrent même un premier ballon intéressant en attaque et poussent leurs adversaires à la faute.
Audacieux, les Coqs tapent en touche et partent sur un ballon porté qui met à mal le pack néo-zélandais. Derrière, Nolan le Garrec s’empare du ballon et repère le 2 contre 1 en bout de ligne. Le demi de mêlée se dit que Théo Attissogbe a déjà bien assez mangé au cours de cette tournée, et prive son coéquipier d’un nouveau festin en croquant goulûment dans sa galette-saucisse (non ce n’est pas une image sexuelle, mais un hommage à la grande gastronomie bretonne). Pas très altruiste, mais pas très grave : malgré deux défenseurs sur le râble, il parvient à aplatir le premier essai des Bleus, qu’il va lui-même transformer. 0-7.
Déjà prêt pour jouer à la Rochelle où le ballon ne dépasse jamais le N°9. (©Sky Sports)
On sent le public d’Hamilton perturbé : il est totalement silencieux. Non je plaisante, c’est juste un public néo-zélandais normal. Les Français se montrent particulièrement agressifs, à l’image d’un Gabin Villière qui chasse toutes les causes perdues et permet à son équipe des récupérer des ballons. Mais ils sont aussi bien plus ambitieux que lors de leurs deux premiers matchs, et décident que, pour une fois, ils vont essayer de tenir un peu la balle. Parfois, ça donne des choses sympas. Parfois, ça donne des choses étranges : par exemple positionner Rabah Slimani en demi d’ouverture n’est peut-être pas l’idée du siècle.
La spéciale Atonio, elle marche quand même mieux quand on a les mains d’Atonio. (©Sky Sports)
Malgré cette belle entame, on tremble un peu sur un jeu au pied à suivre néo-zélandais, qui semble surprendre Léo Barré en pleine sieste. A croire que pour lui aussi, il est 9h du matin.
« Si je fixe intensément le ballon, mon charme irrésistible le poussera à sortir en touche de lui-même », on reconnaît les enseignements de Poitrenaud-sensei. (©Sky Sports)
Après, ce brave Léo n’est pas le seul à être un peu à côté de la plaque. Ardie Savea a beau être le meilleur joueur du monde (en attendant que Toto revienne prendre la place bien chauffée), tenter un petit jeu au pied à suivre pour lui-même devant son en-but, c’est prendre un peu trop la confiance. Un craquage immédiatement sanctionné sur l’action qui suit, où les Bleus glanent une nouvelle pénalité. Le Garrec la transforme, 0-10.
Même Jalibert le trouve abusé celui-là. (©Sky Sports)
A ce moment-là, on se dit que les Blacks doivent douter. Quoi de mieux, donc, que de les remettre dans le match en leur offrant un essai ? Sur une action anodine, Ratima tape dans le fond du terrain, ayant repéré que la couverture française était aussi trouée que les caisses de l’État. Jordan n’a plus qu’à courir tout droit pour inscrire son – est-ce que ça vaut encore le coup de les compter ? Je vous vois déjà vous acharner sur ce pauvre Léo Barré, coupable d’un abandon de poste manifeste.
J’aimerais donc le défendre. Je sais reconnaître un homme qui va mal. Sur cette action, il est sans doute parti sur un radeau de fortune, tel Pierpoljak, avec l’ambition de quitter le monde des fous pour de bon. Peut-être va t-il rejoindre les îles Fidji, changer de nom, devenir charpentier et disparaître des radars pour ne jamais avoir à rejouer pour le Stade Français. Je comprends sa souffrance et je ne veux pas l’accabler.
J’AI SOOOOOOOORTI LA GRANDE VOOOOOOOOOOOOOOOOOILE (©Sky Sports)
7-10, les Blacks recollent. Mais les hommes de Fabien Galthié récupèrent instantanément le ballon après le renvoi. Une bonne séquence offensive s’ensuit. Antoine Hastoy, qui a été bien matrixé par Ronan O’Gara, décide de se montrer pragmatique et tente le drop. Il en est presque empêché par Léo Barré, désormais perdu en pleine mer et dont l’embarcation est venue percuter le voilier rochelais. L’action ressemble tellement à rien que Ratima arrête de défendre, ce qui permet à Hastoy d’ajuster son coup de pied tranquillement. 7-13.
La possibilité que Barré soit un agent double néo-zélandais commence tout de même à devenir bien crédible. (©Sky Sports)
Cela faisait bien longtemps qu’on n’avait pas vu un drop marqué par le XV de France. Cela fait aussi bien longtemps qu’on n’a pas gagné en Nouvelle-Zélande, et on se prend à rêver. Qui sait, peut-être que même Léo va finir par rentrer à bon port. Sur un temps fort néo-zélandais, la défense bleue prouve encore sa solidité : Le Garrec et Depoortère coffrent Semipeni Finau qui, comme comme son prénom le laissait deviner, est trop court pour pénétrer dans l’en-but.
Bon en vrai c’est Samipeni mais les blagues de zizi c’est toujours drôle non ? (©Sky Sports)
Les Blacks doivent se contenter de trois points, inscrits par McKenzie sur pénalité. Mais Le Garrec lui répond quasi instantanément. Les Tricolores prennent même un peu le large après une action encore un bien présomptueuse des Néo-Zélandais, qui jouent rapidement une touche devant leurs 22 mètres. Ils tombent sur les grosses paluches de Mickaël Guillard, qui gratte un ballon et offre un caviar à le Garrec face aux perches. 10-19, voilà un score dont on se contenterait bien à la pause. Il va falloir tenir face aux dernières vagues noires, et on croit bien réussir à le faire après un nouveau sauvetage sur la ligne de Fischer, qui nous fait penser que ce XV de France pourrait viser une médaille olympique au judo par équipe.
Pour le plus grand plaisir du réalisateur dalleux, l’élégance française n’envoie pas son équipe B en tribunes… (©Sky Sports)
Hélas, c’était trop beau pour être vrai: sur une ultime offensive et après une passe « au cordeau » de Will Jordan (c’est l’expression à utiliser quand tu penses qu’elle est en avant mais que tu veux pas le dire car on t’a bien appris à pas critiquer les arbitres), les Foufous-gères finissent par trouver la faille au buzzer, à la 40e+2. C’est Lienert-Brown qui prend l’intervalle et va inscrire le deuxième essai black, « au pire moment possible » (car c’est vrai que c’est peu rassurant d’encaisser des essais même pendant la mi-temps).
On ne pointera pas du doigt la personne qui rate un plaquage ici, ça commence à faire trop. (©Sky Sports)
17-19, les Français gardent un petit avantage, et comme il faut bien raconter des choses pendant la pause, c’est le moment de déballer des statistiques. Comme les deux dernières semaines, on s’enflamme. « Un tel a réussi 78 plaquages en seulement 40 minutes ! », « Celui-ci a mis 117 ! », « Oh même l’ailier en a mis 14 » (en même temps quand t’es au chômage, faut bien aller chercher un peu de travail). Ça devient ça le XV de France, on ne touche jamais le ballon, on touche très rarement des trophées mais on se touche sur les statistiques de plaquages de nos joueurs.
Littéralement ma tête quand je lis tous ces chiffres. (©Sky Sports)
Excusez-moi pour ce petit aparté aigri qui fait de moi une sorte de Richard Dourthe chevelu, mais tous ces chiffres partout tout le temps, et bien souvent sans essayer deux secondes de les contextualiser, ça commence à me gaver. D’ailleurs, saviez-vous que ce compte rendu compte, à ce stade, le total pharaonique (oui, pharaonique, ça sonne bien je trouve) de 9 985 caractères ? C’est ouf hein ? Est-ce que ça en fait un bon compte rendu pour autant ? Je ne sais pas, à vous de me dire. En attendant, voici les 14 et 15e GIFs de l’article, avec ce petit best-of de Gabin Villière qui se prend pour Earvin Ngapeth.
Oh le bon pépère ! (©Sky Sports)
En tout, ce seront plus de 200 méga-octets de GIFS qui seront attachés dans cet article. Et ouais, vous pouvez pas dire que le gars il a pas bossé. Une augmentation la saison prochaine, s’il vous plaît ?
Gabin Villière, un excellent joueur de renvoi (tout comme Louis Bielle-Biarrey mais ça n’a pas la même signification pour lui). (©Sky Sports)
La seconde période reprend et forcément, cette débauche d’énergie a fait quelques dégâts côté français. Après avoir sorti un match totalement pyramidal (ouais, j’ai envie de rester dans le champ lexical de l’Égypte ancienne, même si ça veut rien dire), Mickaël Guillard doit céder sa place. De même qu’une bonne partie du pack français. Il va donc falloir se contenter de Paul Mallez (qui, un jour, finira bien par être la cible des jeux de mots de Mathieu Lartot, force à lui), de Gaëtan Barlot ou encore de Pierre Bochaton qui étonne à chaque match : malgré sa tête de dispensé de cours d’EPS, ce garçon donne de sa personne.
Bel hommage au Coq de la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde 2023. (©Sky Sports)
Malheureusement, ce que le XV de France donne aussi, ce sont des points. Hastoy s’enflamme un peu en s’imaginant être le Titou Lamaison 2025 et rate un drop dans ses cordes. Puis Nolan le Garrec manque une pénalité, certes assez difficile, après un grattage d’un Villière qui prouve ce soir qu’on peut à la fois être un champion de volley et de MMA. Des ratés d’autant plus rageants que les locaux nous remettent rapidement sous pression, notamment grâce à la tactique révolutionnaire du « tape tout sur l’arrière, il est nul à chier aujourd’hui ».
A ce stade ça devient très gênant, on dirait un bug dans un jeu vidéo. (©Sky Sports)
Après une séquence pilonnage devant la ligne, l’omniprésent Gaël Fickou est encore là pour sauver la patrie, en bon papa des lignes arrières, capitaine de la défense, capitaine tout court et probablement aussi conducteur du bus et chauffagiste dans le vestiaire.
Alors les wokistes, Demba Bamba fait une whiteface et personne ne se scandalise ?? (©Sky Sports)
Mais on arrête pas une fuite en collant des bouts de scotchs sur des tuyaux. Après un énième jeu au pied néo-zélandais dans le champ profond, le naufragé Léo Barré se retrouve cette fois seul sur son île, en pagne. Il voit un ballon traîner et décide de s’en faire un ami en tapant la discute, plutôt que de plonger sur lui, comme le ferait quelqu’un qui, par exemple, jouerait au poste de N°15. Notre Tom Hanks national se fait tamponner, et les Blacks se jettent sur l’occasion pour planter un essai de raccroc.
Prendre un essai, c’est déjà douloureux, mais alors quand il est inscrit par Du Plessis Kirifi, qui est clairement un nom inventé dans Pro Rugby Manager…
Bientôt, Léo Barré aura été impliqué dans plus d’essais de l’équipe nationale néo-zélandaise que Will Jordan. (©Sky Sports)
22-19, la bandArdie est en tête pour la première fois de la rencontre, et c’est plutôt logique au vu de leur domination depuis le retour du vestiaire. Mais le XV de France reste le XV de France, capable de marquer sur un éclair de génie, ou sur un éclair de French Chatte ©, ou même un peu des deux. Après un jeu au pied par dessus de Le Garrec récupéré et une belle course de Tixeront, Gailleton se retrouve à un gogo-gadgeto-bras de marquer l’essai du hold-up.
Avec tous ces Palois dans l’équipe, il doit se sentir à la maison : Gailletonton du bled. (©Sky Sports)
Il n’y a beau avoir que trois points d’écart, plus les minutes filent, plus un exploit paraît improbable. Les Néozèdes ont définitivement pris le dessus, notamment devant, comme sur une mêlée où les Bleus se font ouvrir en deux. On est dans la pire zone, celle du « moui, alors, peut-être, m’enfin bon… », cet espèce d’espoir mou qu’on tente de maintenir en vie même si on sait tous très bien comment ça va se finir.
On a cru qu’Hastoy était redevenu un vrai joueur de rugby mais sa seconde période nous a vite rassuré. (©Sky Sports)
Pourtant, impossible de remettre en cause l’engagement des gars : à deux reprises, ils réussiront encore à empêcher leurs adversaires d’aplatir. Sur l’ensemble de la série, on doit en être à 25 passages dans l’en-but français pour seulement 16 essais encaissés. Comme souvent dans les tournées d’été récentes, c’est donc en position allongée que les Bleus se seront le plus fait remarquer.
La tactique de mettre 15 joueurs pour faire une tapisserie humaine dans l’en-but, même Rassie Erasmus n’y avait pas pensé. (©Sky Sports)
A force d’insister, les Keu-Bla finiront tout de même par trouver la faille grâce à Jordie Barrett. La preuve qu’on peut avoir joué toute la saison en Europe et encore être en forme. Bon, au Leinster, je suis pas sûr que ça compte. Au soutien, c’est le talonneur Brodie McAlister qui va inscrire son premier essai pour sa première sélection, à 28 ans. Même les Néo-Zélandais ont leur Thibault Daubagna, finalement.
Le ventriglisse, l’arme fatale pour tous les gros qui sont trop lents pour conclure une action. (©Sky Sports)
Score final, 29-19.Encore un bon match des « valeureux » français qui n’auront pas été ridicules (enfin sauf peut-être un mais on ne dira pas qui). Mais une troisième défaite et trois matchs pour une tournée qui n’aura pas servi à grand-chose, si ce n’est à confirmer que Mickaël Guillard est plutôt très fort et peut jouer à 5 postes. C’est vrai que comme on ne regarde jamais le LOU, pour nous c’est une information.
Après si on lui compte 30 plaquages c’est peut-être parce qu’on le confond avec Attissogbe… (©Sky Sports)
Voilà, c’est terminé pour cette saison aussi interminable qu’une échappée de 181 km de Ben Healy sur une étape normande. J’imagine qu’à partir de septembre, il va falloir repartir pour un tour ?
Moi je vous donne rendez-vous un peu avant, car en août il y a aussi le début de la Coupe du monde de rugby des femmes ! Si vous n’êtes pas familiers, c’est exactement le même principe que pour les hommes : la compétition dure 3 mois et seuls les 4 derniers matchs sont vraiment intéressants.
A bientôt !
Remerciements de fin de saison : Pêche, Alix, Damien Try, Copareos, l’Affreux Gnafron et le sponsor exceptionnel de cet article : les aspirateurs Rowenta.
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