Par Serge Duchêne
Publié le
22/07/2025 – 8:23 UTC+2
PUBLICITÉ
Le service de sécurité de l’Ukraine (SBU) et le Bureau du Procureur général (OGP) ont rapporté lundi avoir découvert l’infiltration du Service fédéral de sécurité russe (FSB, l’ex-KGB) dans le Bureau national anti-corruption de l’Ukraine (NABU).
Selon le communiqué de presse, partagé par les deux services ukrainiens, « le SBU a arrêté un employé du bureau central du NABU, qui travaille dans l’unité fermée d’élite « D-2 » et espionne pour le compte des services spéciaux russes ».
L’enquête a établi que les activités subversives de l’agent étaient coordonnées par « le traître Dmytro Ivantsov » (verbatim dans le texte), chef adjoint de la sécurité de l’ancien président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovytch. Selon les services ukrainiens, Ivantsov, qui, en février 2014, après la « Révolution de la dignité« , ou « Maïdan » pro-européen, « a aidé le président fugitif à se rendre en Russie, mais lui-même est resté en Crimée (annexée illégalement par la Russie – NDLR), a rejoint les occupants et a été recruté par le FSB ».
Ukraïnska Pravda précise que, selon ses sources, le nom de l’agent infiltré serait Viktor Goussarov.
L’employé en question aurait collecté et transmis aux services spéciaux russes les données d’identité des forces de l’ordre ukrainiennes et d’autres citoyens ainsi qu’aurait extrait des informations personnelles d’une base de données fermée des forces de l’ordre ukrainiennes.
« Au moins 60 épisodes de transfert d’informations restreintes à son contact au FSB conservateur ont été documentés », pour chacun de ces transferts, il aurait reçu de l’argent sur sa carte bancaire, poursuit le communiqué.
Cette annonce a fait suite à une série de perquisitions massives menées par le SBU dans les bureaux du NABU lundi matin sans une décision du juge : elles concerneraient 15 employés du NABU, et la plupart de ces personnes sont accusées d’avoir causé un accident de circulation, et « certaines sont accusées d’avoir des liens possibles avec la Russie ».
Il s’est avéré qu’au total les forces spéciales et les agents chargés de l’application de la loi ont effectué environ 80 perquisitions auprès de 19 employés du Bureau anticorruption dans différentes régions d’Ukraine.
Notamment, dans le cadre de ces actions, Rouslan Magamedrassoulov, l’un des chefs des départements de détection interrégionaux du NABU, a été arrêté, soupçonné de mener des activités économiques avec la Russie.
NABU dément, critiques fusent à l’international
Le Bureau national ukrainien de lutte contre la corruption a répondu à ses rapports , notant qu’il n’y a aucune preuve de l’implication de l’employé du NABU détenu dans des activités anti-étatiques.
Effectivement, selon le Bureau, en 2023 ils auraient reçu des informations concernant des « risques potentiels » liés à un de ses collaborateurs. Les vérifications diligentées – notamment, en collaboration avec le SBU qui mène maintenant la charge contre le NABU – et « au cours de l’inspection conjointe, aucune preuve ou témoignage n’a été trouvé » concernant quelconque activité suspecte. Ceci a été confirmé par le représentant du SBU lors d’entretiens personnels », affirme l’agence anticorruption ukrainienne sur Telegram.
Par ailleurs, le NABU – qui par le passé a mis dans l’embarras plusieurs hauts fonctionnaires avec des allégations de corruption, – a souligné que la « grande majorité » des cas concernait des allégations sans rapport avec le sujet, telles que des accidents de la circulation datant de plusieurs années.
Le NABU s’est également plaint de l’usage de la force à l’encontre de ses employés et de l’exécution d’actes d’enquête sans décision de justice.
Et tandis que les analystes pointent une possible lutte intestine au sein de l’appareil gouvernemental ukrainien – qui se déroule sur le fond du remaniement ministériel et le changement de Premier ministre, sensé, entre autres, d’apaiser le mécontentement général du public – à l’international les réactions ont été plus alarmés.
L’organisme de surveillance anti-corruption Transparency International a déclaré que les perquisitions menées sans ordonnance judiciaire montraient que les autorités exerçaient une « pression massive » sur les combattants ukrainiens de la corruption.
« Les récentes actions coordonnées du service de sécurité de l’Ukraine, du bureau du procureur général et du bureau d’enquête de l’État montrent que les autorités tentent de saper l’indépendance des institutions ukrainiennes de lutte contre la corruption qui ont suivi la révolution de la dignité. Ces actions semblent viser à obtenir de force des informations et à influencer les enquêtes sur les hauts fonctionnaires. Transparency International Ukraine dénonce publiquement cette pression sur les agences anti-corruption comme étant inacceptable », peut-on lire dans leur communiqué de presse.
Les militants anti-corruption sont inquiets depuis que Vitaliy Shabunin, un militant anti-corruption de premier plan, a été accusé au début du mois de fraude et d’évasion du service militaire. L’administation du président Volodymy Zelensky nie que les poursuites engagées en Ukraine soient motivées par des considérations politiques.
Les ambassadeurs des pays du G7 à Kyiv ont, quant à eux, publié une déclaration dans laquelle ils font part de leurs « sérieuses inquiétudes et de leur intention de discuter de ces développements avec les dirigeants du gouvernement ».
Les ambassadeurs du G7 ont indiqué qu’ils suivaient de près l’enquête menée sur plusieurs employés du NABU soupçonnés d’avoir commis des délits.
« Nous avons rencontré (les représentants du) NABU aujourd’hui, nous avons de sérieuses inquiétudes et nous avons l’intention de discuter de ces développements avec les dirigeants du gouvernement », indique la déclaration.
Les diplomates ont rappelé qu’ils soutenaient « la transparence, les institutions indépendantes et la bonne gouvernance » et qu’ils appréciaient les partenariats en Ukraine « pour lutter conjointement contre la corruption ».