Un concert qu’ils ne sont pas près d’oublier ! Lors d’un concert de Coldplay le 16 juillet 2025 au Gilette Stadium de Boston, Andy Byron, big boss de la start-up Astronomer, a été filmé par la « kiss cam » en train d’enlacer Kristin Cabot, la directrice des ressources humaines de l’entreprise. Le hic ? Andy Byron est marié à Megan Kerrigan Byron et père de deux enfants. Gênés, les deux tourtereaux ont essayé maladroitement de se planquer, mais trop tard, l’écran géant les affiche en 4K…
« Soit ils ont une liaison, soit ils sont super timides ! », épingle Chris Martin, le chanteur de Coldplay. Surnommé « Coldplay-gate », ce moment croustillant a fait le tour des réseaux sociaux, et a eu d’importantes répercussions sur la vie des deux protagonistes filmés.
« Nous allons utiliser nos caméras et afficher certains d’entre vous sur le grand écran », a averti Chris Martin, avant de lancer son rituel de la Jumbotron Song, un moment d’improvisation où il chante en direct sur les images des spectateurs filmés par la kiss cam, lors d’un concert à Madison dans le Wisconsin samedi. Puis, avec une pointe d’ironie : « Donc s’il vous plaît, si vous ne vous êtes pas maquillés, faites-le maintenant ».
A-t-on le droit de vous filmer ou de photographier à un concert ? Peut-on réutiliser ces images ? 20 Minutes fait le point avec Antoine Kibler, avocat spécialisé dans le droit à l’image et la propriété intellectuelle.
Un accord implicite
« Si on prend le cadre d’une manifestation sportive ou d’un concert, vous consentez implicitement par votre participation à l’événement à autoriser la diffusion de votre image, dans le cadre, on va dire, de la promotion de l’événement ou du concert », lance d’emblée l’expert. Et l’avocat d’expliquer : « En termes pratiques, ce serait compliqué d’aller demander l’autorisation de chaque personne sur un concert, ce serait quasiment impossible à faire. »
Seule exception à cette règle, la captation d’un spectacle. « Là, souvent, une autorisation est à faire signer aux participants ou alors, lors de l’achat du billet, on vous rappelle que vous serez filmé et que si cela vous pose problème, il faut l’indiquer », précise l’expert.
Les potentielles suites juridiques
Globalement, si vous assistez au festival Rock en Seine, qu’un journaliste de 20 Minutes vous photographie ou vous filme à cette occasion, 20 Minutes aura le droit d’utiliser ces images pour illustrer un article qui parle de ce festival. En revanche, si vous êtes photographié à Rock en Seine un verre de bière à la main, et que 20 Minutes utilise votre photo pour illustrer un article sur l’alcoolisme en France, là, vous pouvez tenter des poursuites judiciaires. « Les potentielles suites juridiques, c’est lorsque la diffusion de l’image n’est pas liée directement à la promotion du concert ou à une actualité lié à ce concert », précise l’avocat.
L’atteinte au droit de la vie privée
Dans ce cas, « on est au-delà de l’exploitation de l’image, on est sur une atteinte au droit à la vie privée, qui est un droit fondamental aussi bien sur le plan national sur l’exposition du Code civil, l’article 9 du Code civil », détaille l’expert. L’article 9 du Code civil dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». De même, selon la jurisprudence, « toute personne, quel que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée » (Cass. Civ. 1ère, 23 oct. 1990). Ce droit à la vie privée est « un droit fondamental avec une protection nationale et internationale », puisqu’il figure aussi sur la Charte internationale des droits de l’homme.
Quand la victime participe à son préjudice
Dans le cas de cette fameuse kiss cam qui a surpris un couple illégitime en plein concert de Coldplay, ne sommes-nous pas « sur une atteinte directe au droit à la vie privée des deux personnes visées », s’interroge Antoine Kibler ?
« Le dispositif de la kiss cam est probablement voyant et il y a eu certainement d’autres couples filmés avant eux, estime l’avocat. Il faudrait connaître les conditions générales de l’achat du billet ». Mais, dès lors qu’« ils arrivent dans un événement public, ils consentent, ils ont sûrement vu l’installation depuis le début de l’événement, et pour autant ils prennent le risque », tranche-t-il.
« Il y a aussi un principe, un peu plus loin du droit à l’image, qui est que quand la victime participe à son préjudice, par son acte, elle participe finalement directement au préjudice qu’elle subit, ce qui vient réduire la responsabilité, si elle était existante, de la personne à l’origine de la divulgation. On peut partir du principe que s’ils n’avaient pas voulu se faire prendre, ils auraient pu être plus discrets », répond l’avocat. S’ils avaient été pris en flagrant délit d’adultère par un paparazzi, l’affaire prendrait une autre tournure.
« Le paparazzi vient volontairement chercher à dévoiler quelque chose. On va considérer que son acte est volontaire et que de son acte volontaire découle un préjudice pour la personne », expose-t-il.
L’arrière-plan d’un selfie innocent
Mais que se passerait-il si un particulier fait un selfie lors d’un concert, que l’on aperçoit un couple adultère en arrière-plan, et que ce particulier poste la photo sur les réseaux sociaux ? « Le principe de la responsabilité en droit français, c’est que vous devez identifier une faute, un lien de préjudice, enfin un lien de causalité et un préjudice, vous devez avoir une faute qui soit liée forcément au préjudice qui en découle. Donc, pour une atteinte à la vie privée, il faut quand même, à mon sens, arriver à justifier que vous avez commis une faute dans la réalisation de la photo. Il faut prouver qu’il y avait l’intention de dévoiler quelque chose. Sur la question du selfie présentée, il n’y aurait pas de sujet, considère l’avocat. Surtout, si vous êtes le sujet principal de la photo, ce couple serait en fait en contextualisation de l’événement. » Bref, en concert ou lors d’une manifestation publique, souriez et soyez discrets si vous ne voulez pas être gênés !