« Je ne peux pas commenter une procédure judiciaire, mais il est évident que Rachida Dati, qui est une grande femme politique dont je souhaite ardemment qu’elle soit maire de Paris d’abord, est présumée innocente », a déclaré le garde des Sceaux sur TF1.
La perspective d’un procès pour corruption va peser sur les épaules de Rachida Dati qui vise l’Hôtel de ville de Paris en 2026, même si l’actuelle ministre de la Culture ne cesse de clamer qu’elle n’a « peur de rien, ni de personne ».
Des juges d’instruction ont ordonné mardi que Rachida Dati et l’ex-patron de Renault-Nissan Carlos Ghosn soient jugés en correctionnelle pour corruption et trafic d’influence, lors d’un procès qui pourrait se tenir après les élections municipales prévues en mars 2026.
La ministre de la Culture, 59 ans, qui a fait appel de la décision, est soupçonnée d’avoir perçu 900.000 euros entre 2010 et 2012 pour des prestations de conseil avec une filiale de l’alliance Renault-Nissan, mais sans avoir réellement travaillé, alors qu’elle était avocate et députée européenne.
Emmanuel Macron « a pris note » de la décision. « Un renvoi n’étant pas une condamnation, elle poursuit son travail au gouvernement », a réagi l’entourage du président de la République.
Au sein du gouvernement, où Rachida Dati a été nommée à la surprise générale en janvier 2024, son renvoi en procès n’a pas été commenté, hormis par le ministre de la Justice Gérald Darmanin qui a dit sur TF1 souhaiter « ardemment qu’elle soit maire de Paris ».
Le porte-parole du PS Arthur Delaporte a lui demandé sur X la démission de la ministre, tout comme le candidat Horizons à la mairie de Paris Pierre-Yves Bournazel, « afin de protéger la fonction de ministre de la Culture ». Quant aux municipales, « cela relève de son éthique personnelle », a ajouté l’élu.
L’annonce de ce procès retentissant risque de peser dans la campagne municipale de la candidate malheureuse en 2020 face à la socialiste Anne Hidalgo.
« Paris mérite un maire, pas un prévenu », a taclé dans une tribune au Nouvel Obs le député Emmanuel Grégoire, candidat PS à la succession d’Anne Hidalgo qui n’a pour sa part pas souhaité commenter.
« Jusqu’au bout »
« On savait que la droite et les macronistes n’avaient pas de projet pour Paris, maintenant on sait qu’ils n’ont comme candidate qu’une ministre (…) accusée de faits graves de corruption. Quel manque de respect pour les Parisiens », s’est emporté le candidat écologiste David Belliard auprès de l’AFP.
Mais l’entourage de Rachida Dati affirme qu’elle ira « jusqu’au bout ». Sans être encore investie par un parti, elle figure en tête du premier tour des élections dans un récent sondage.
« Elle est présumée innocente, cela n’entame en rien sa détermination pour les municipales », a dit à l’AFP le maire LR du 6e arrondissement Jean-Pierre Lecoq, proche de la maire du 7e arrondissement.
« Je vous mènerai à la victoire », avait lancé lundi soir Rachida Dati devant environ 250 militants réunis dans un restaurant de son arrondissement. « Certains essaient de m’attaquer sur ma vie privée, sur plein d’aspects qui sont collatéraux à ma candidature. Je n’ai peur de rien, de personne », leur a-t-elle assuré.
Sa campagne pour Paris est contrariée depuis l’annonce de la candidature de Michel Barnier à la législative partielle dans la 2e circonscription de la capitale, où l’élection du député macroniste Jean Laussucq a été invalidée par le Conseil constitutionnel.
La maire du 7e soupçonne ses rivaux LR parisiens, dont le sénateur Francis Szpiner qui demande l’investiture de son parti pour les municipales, d' »instrumentaliser » l’ex-Premier ministre pour en faire un « plan B » à sa candidature en cas d’empêchement judiciaire.
Pour barrer la route à son rival – même s’il se défend de toute ambition municipale – elle a demandé à être entendue par la commission nationale d’investiture des Républicains. Elle doit se prononcer le 28 juillet sur son candidat dans cette circonscription huppée qui recouvre une partie des 5e, 6e et 7e arrondissements, réputée imperdable pour la droite.
Son renvoi en procès arrive aussi à un moment critique au ministère de la Culture, où elle a survécu à la dissolution et aux remaniements.
Depuis plusieurs mois, elle y porte un très contesté projet de regroupement de l’audiovisuel public dans une holding, qu’elle défend bec et ongles allant jusqu’à s’en prendre ouvertement à la direction de Radio France ou au journaliste Patrick Cohen.
Combattu par les syndicats, ce texte au parcours chaotique a été rejeté en juillet par les députés, avant d’être adopté par le Sénat au terme de débats écourtés par la ministre pour contrer « l’obstruction » de la gauche. Le projet doit revenir à l’Assemblée à la rentrée et Mme Dati aura besoin de convaincre au-delà de son camp.