Le fondateur de l’entreprise qui fournit divers services pour l’industrie maritime au Québec, Gordon Bain, a entamé un processus repreneurial avec la haute direction dirigée par le président et chef de la direction de Groupe Océan, Jacques Tanguay.
«La majorité des actions sont entre les mains d’un groupe composé de collègues de travail, de notre équipe de direction et de moi-même», a lancé M. Tanguay en conférence de presse mardi. «C’est un geste fort, un geste de foi envers les autres, un geste d’alignement profond. C’est ce qu’on appelle le management by heart.»
Les nouveaux actionnaires sont Daniel Arsenault, vice-président exécutif à la construction et réparation navales; Jean-Philippe Brunet, vice-président exécutif aux affaires corporatives et partenariats; Jean-François Dion, vice-président exécutif à l’exploitation, à la navigation et aux travaux maritimes; ainsi que Carole Goudreault, vice-présidente exécutive aux talents et à la culture.
Toutefois, Québec devient aussi actionnaire de l’entreprise en acquérant 75 millions de dollars en actions privilégiées. Groupe Océan tient à souligner que M. Bain et les membres de la haute direction conserveront le contrôle de la société.
D’ailleurs, l’investissement public remplace celui que le Fonds de solidarité FTQ avait fait par le passé. M. Tanguay qualifie ce mouvement de transfert de financement.
«La FTQ, ils étaient là sur un cycle. Il faut penser que ces fonds-là sont là pour accompagner les compagnies», a-t-il expliqué en mêlée de presse. «On les remercie. Ils nous ont accompagnés pendant un bon bout de temps.»
«Leur choix [au Fonds FTQ], ça a été de retirer leurs billes, parce qu’ils ont besoin de rendement. Puis, nous, on a eu une croissance entre 2018 et maintenant.»
— Jacques Tanguay, président et chef de la direction de Groupe Océan
Ce changement dans l’actionnariat fera en sorte que l’entreprise demeure 100 % québécoise. Il était important pour M. Tanguay et le Groupe Océan de préserver ceci.
«Écoutez, on se fait solliciter tous les mois par des fonds en équité, par des joueurs stratégiques qui ont un intérêt», répond M. Tanguay à la question d’un journaliste.
«Pour nous, il faut revenir au fondamental. Ce sont nos valeurs, c’étaient nos critères. Pour Gordon et moi, c’était très important de garder cette compagnie-là québécoise», ajoute-t-il. «À la blague, je disais, on s’attache à ces bibites-là. C’est une business qu’on a bâtie à travers les années. Puis, on ne désirait pas la laisser aller dans les mains étrangères.»
Il n’a pas été possible de connaître à quel pourcentage de l’actionnariat s’élève la part du gouvernement du Québec ainsi que des autres détenteurs de parts. Groupe Océan ne souhaite pas quantifier le pourcentage détenu par les partenaires, puisqu’il s’agit d’informations de nature confidentielle, rappelle-t-on.
Autres contributions
Une contribution de 34 millions provenant du Fonds pour la croissance des entreprises québécoises, administré par Investissement Québec (IQ), s’ajoute à l’actionnariat. IQ en remet à partir de ses fonds propres à la hauteur de 36 millions.
«Ce soutien permettra de favoriser la croissance et la pérennité de cette entreprise majeure du secteur maritime ainsi que de maintenir son siège social et des emplois bien rémunérés au Québec», écrit la ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Christine Fréchette, dans son communiqué.
Cet appui supplémentaire permettrait au Groupe Océan de participer davantage à la stratégie maritime du Québec en investissant dans ses chantiers maritimes, de Québec et de L’Isle-aux-Coudres.
Ce coup de pouce arrive à point nommé pour le Groupe Océan. Celui-ci souhaite d’ailleurs décrocher une partie des contrats qui pourraient être attribués dans la foulée de la Stratégie nationale de construction navale (SNCN). Ceux qui ne pourraient pas être accordés aux plus gros chantiers, comme celui de la Davie, en raison de leur disponibilité ou de la taille des navires à construire.
«La SNCN, il y a deux piliers là-dedans. Il y a le pilier pour les grands navires de 1000 tonneaux et plus, et l’autre pour les petits navires», affirme M. Tanguay.
«Nous, au Canada, on est le plus grand des petits chantiers, je vous dirais. Et ça fait longtemps qu’on s’y prépare», renchérit-il. «On est déjà dedans, on a déjà des contrats avec la Marine canadienne. On construit quatre grands remorqueurs.»
D’ailleurs en février 2024, Groupe Océan avait décroché un contrat de 44 millions de dollars pour la mise à niveau du brise-glace NGCC Griffon de la Garde côtière canadienne (GCC). Après avoir livré celle du NCGG Martha L. Black.
Et lors de cette précédente annonce, l’entreprise procédait à de l’entretien sur des navires de 48 pieds de recherche et sauvetage pour la GCC, dont le NGCC Cap de Rabast qui était dans ses ateliers. Il s’agissait du troisième bateau sur un autre contrat d’entretien totalisant six navires.
Possibles contrats militaires
La perspective que certaines activités de Groupe Océan soient liées à des contrats avec la Défense nationale ne les dérange pas outre mesure IQ ou La Caisse (anciennement la Caisse de dépôt et placement du Québec).
«Chez IQ, on a élargi notre politique pour pouvoir investir davantage dans des projets au niveau de la défense», a réagi en point de presse Bicha Ngo, PDG d’IQ. «Mais le projet de Groupe Océan dont on parle aujourd’hui, ce n’est pas directement lié à notre stratégie dans la défense.»
Pour La Caisse, «la défense est une composante», se défend Kim Thomassin, première vice-présidente à La Caisse.
«Pour Groupe Océan, c’est une des facettes. […] On a mentionné à quel point Groupe Océan est présent, que ce soit dans le dragage, que ce soit dans le remorquage, que ce soit dans la location, la construction navale. C’est large comme niveau d’activité.»
— Kim Thomassin, première vice-présidente à La Caisse
«On regarde quelles peuvent être les opportunités pour La Caisse de soutenir les entreprises québécoises qui œuvrent dans ce domaine-là. Ce n’est pas uniquement la défense, ça peut être l’économie, tout cela», ajoute-t-elle sans en dire davantage.
Rappelons que le gouvernement fédéral de Mark Carney avait annoncé qu’il souhaite hausser le budget de la défense jusqu’à 2 % du produit intérieur brut dès cette année.
Au Québec, Groupe Océan exploite des installations au Port de Québec, aux Méchins et à L’Isle-aux-Coudres. La compagnie maritime québécoise est également active en Ontario, en Colombie-Britannique et dans les Caraïbes.