D’un côté, le député de la 1ère circonscription, Pierrick Courbon, qui dénonce là « une réduction inacceptable du service public ». De l’autre, le directeur interdépartemental de la police nationale de la Loire qui indique que l’inverse est précisément visé via une utilisation plus optimale des forces à sa disposition, ces bureaux de plaintes en question étant très peu sollicités. Depuis le début de l’été, les bureaux de police de Montreynaud et de Roche-la-Molière ne sont en effet désormais ouverts plus que deux jours par semaine. Débat et explications.
Recul du service public ou, au contraire, progression de celui-ci par optimisation ? Le député Pierrick Courbon et le patron locale de la police nationale ne sont pas d’accord. ©If Saint-Étienne/XA ; photo d’illustration.
Pour le député Pierrick Courbon, aucun doute, « c’est comme avec La Poste : vous réduisez les capacités d’accès pour justifier la fermeture ensuite », comparait-il lors d’un échange avec If Saint-Etienne, dans la foulée de son communiqué publié le 10 juillet dernier qui précisait ses craintes : « Bien souvent, voire systématiquement, une réduction des horaires d’ouverture entraîne rapidement une réduction des effectifs et constitue bien souvent le signe précurseur d’une fermeture à venir. » Il n’y a aucun projet de fermeture sous-jacent à cette décision, insiste, lui, Yves Cellier, directeur interdépartemental de la police nationale de la Loire. L’objet du « différend » ? La réduction récente des créneaux d’ouverture hebdomadaires de deux petits bureaux situés dans la 1ère circonscription électorale du député, ceux de Montreynaud et de Roche-la-Molière.
Des bureaux comme il en existe quatre autres au sein de la circonscription de Saint-Etienne, là au sens du découpage territorial police nationale, périmètre couvrant 212 000 habitants : à La Cotonne, rue Alma à proximité du centre-ville, rue Barrouin et au grand commissariat central de Fauriel. Leur rôle : une présence permanente effective certes pour ce qui est des quartiers, avec, dans les cas respectifs de Roche-la-Molière et Montreynaud 3 policiers + un administratif affectés ; 3 policiers dans le second. Mais surtout, celui de recueillir plaintes et main courantes sur place. A titre de comparaison, « la circonscription d’Orléans qui compte 250 000 habitants et deux quartiers de reconquête républicaine contre un à Saint-Etienne, en a cinq équivalents », note Yves Cellier. Reste que ce n’est pas pour cette raison que ce dernier, qui a pris ses fonctions dans la Loire en octobre dernier, assume avoir pris la décision de réduire significativement les créneaux d’ouverture de deux de ces bureaux à la suite d’un constat de situation sur plusieurs mois.
Pas lié à une réduction d’effectifs
Pas plus que cela témoigne d’une réduction des effectifs de police nationale : ils seront les mêmes au 1er septembre 2025 qu’au 1er septembre 2024. Sur le long terme, ils sont en légère hausse, depuis la fin du quinquennat Hollande sans avoir pour autant rattrapé les saignées subies sous Nicolas Sarkozy entre 2007 et 2012 via l’application de la RGPP. Reste, à propos des deux bureaux en question qu’ils ne sont désormais ouverts plus que deux jours par semaine, de 9 h à 15 h, contre auparavant environ huit heures, cinq jours sur sept. « D’autres du territoire stéphanois pourraient être concernés. À l’heure où le ministre de l’Intérieur appelle à un « choc d’autorité » afin de retrouver « de l’ordre », cette décision apparaît incompréhensible et envoie un très mauvais signal à la population, s’insurge Pierrick Courbon. Si la faiblesse des moyens humains est avancée pour justifier une telle réduction des heures d’ouverture au public, je refuse que les usagers soient une fois de plus les victimes collatérales du manque de ressources humaines du service public de la sécurité et de la réalité des choix politiques du Gouvernement, derrière les discours offensifs de certains ministres. »
À l’heure où le ministre de l’Intérieur appelle à un « choc d’autorité » afin de retrouver « de l’ordre », cette décision apparaît incompréhensible et envoie un très mauvais signal.
Pierrick Courbon, député PS de Saint-Etienne
Le député regrette d’avoir été mis « devant le fait accompli », et « non associé à la réflexion par les services de l’État ». Yves Cellier précise, lui : « Nous en avons déjà discuté ensemble, avant ce communiqué, il y a plusieurs semaines, puisqu’il m’avait sollicité à ce sujet. Techniquement, cette décision de moduler les horaires n’appartient qu’à l’Etat, au feu vert du préfet à la suite de mes propositions. Il n’y a pas de consultations obligatoires des élus locaux. Cependant, et c’est bien logique, nous avons pris soin de le faire avec les maires des deux communes qui ont bien saisi le bienfondé de la démarche et n’ont d’ailleurs pas émis d’opposition une fois expliquée ». Car, défend Yves Cellier, « il ne s’agit pas absolument d’un recul du service public mais au contraire de son optimisation ». Chiffres à l’appui. Avant la réduction des créneaux d’ouverture, Montreynaud enregistrait en moyenne 0,62 plainte par jour et Roche-la-Molière 0,44, là où Alma en compte 3/j et Barrouin en 5,5. Il faut cependant signaler, ne serait-ce que pour le premier 49 jours de fermeture imprévus sur 260 censés d’ouverture dans l’année.
Question de rationalisation ?
La « faute », explique Y. Cellier aux aléas d’une « gestion RH comme une autre » – maladie annoncée la veille par exemple – croisée avec des événements inattendus, comme l’avaient été les émeutes en 2023, ou sinon exceptionnels – périodes de sécurisation liée à un grand évènement sportif par exemple – réclamant une organisation / répartition globales ponctuelles de la police nationale différentes pour dégager du temps sur de la présence opérationnelle. Interrogé par If, le directeur de la police poursuit sur sa logique et explique que « quand les policiers qui sont affectés à ces bureaux ne s’occupent pas des plaintes, ils sont chargés d’investigation : des enquêtes sur des petits faits de violence, de dégradation n’ayant pas entraîné de lourdes conséquences, situées entre la contravention et le délit ». Tâches qui seront donc désormais effectuées spécifiquement 3 jours 5 mais de manière regroupée au bureau de La Cotonne pour les policiers du bureau de Roche-la-Molière, à celui Barrouin pour ceux affectés à Montreynaud.
Vis-à-vis de l’utilisation de nos forces, c’est plus rationnel : en les concentrant 3 jours sur 5 sur leurs tâches d’investigation, nous rendrons ainsi davantage service à la population qu’avec le fonctionnement précédent.
Yves Cellier, DIPN de la Loire
« Nous estimons qu’en le concentrant sur ces seules missions là trois jours de la semaine, en étant du coup, aussi, beaucoup mieux encadrés à leur sujet, leur efficacité sera meilleure et le taux d’élucidation aussi. Vis-à-vis de l’utilisation de nos forces, c’est plus rationnel : nous rendrons ainsi davantage service à la population qu’avec le fonctionnement précédent. Ce qui ne les empêchera pas de continuer à rendre celui autour des prises de plainte les deux autres jours avec d’ailleurs une meilleure lisibilité et plus de garantie de présence. » Le patron de la police rappelle aussi que parallèlement, le développement de la numérisation des prises de plainte – elle va continuer d’ailleurs à s’étendre – donnant d’autres possibilités tout en ayant déjà fatalement un peu réduit les flux physiques. Certes pas de manière aussi comparable que d’autres services publics, Yves Cellier se disant conscient de la fracture numérique et que l’on recherche bien davantage un interlocuteur physique pour porter plainte que pour d’autres démarches de type administratives.
De la crédibilité de la puissance publique
« Mais ce n’est pas non plus comparable à La Poste !, argue-t-il. L’essentiel reste la présence des patrouilles, la réactivité en appelant le 17 et la résolution d’enquête. » Pour Pierrick Courbon toutefois, les raisons pointées par le patron de la police ligérienne ne sont décidément pas convaincantes : « Les victimes voulant notamment effectuer un dépôt de plainte ne peuvent être les seules variables d’ajustement de la « pénurie », et la dématérialisation croissante des procédures ne peut constituer une réponse satisfaisante, qui plus est pour répondre aux besoins d’une population fragilisée et vieillissante. La déshumanisation des services publics n’est pas la solution ! »
À Montreynaud, ajoute-t-il, « quartier déjà fortement affecté par le recul des services publics, une telle mesure risque d’affaiblir encore davantage la crédibilité de la puissance publique. À Roche-la-Molière, je rappelle que le bureau a été complètement rénové et inauguré il y a moins de 6 ans, après plus de 350 000 euros de travaux, moyennant l’engagement du maintien durable de la présence de la Police Nationale sur le territoire communal, au service de l’ensemble de l’Ouest stéphanois. Je ne veux croire que ces décisions aient pu être soutenues par les maires des communes concernées. (…) Je regrette tant la méthode de cette décision prise en catimini, que la politique du « fait accompli » et continuerai de m’opposer à toutes forces au démantèlement du service public de la sécurité, à l’heure où celle-ci demeure l’une des premières préoccupations de nos concitoyens, à Saint-Étienne et Roche-la-Molière, comme partout en France. »