Le Lagoon Eighty 2 s’adresse à une clientèle richissime, car il faudra débourser plusieurs millions d’euros pour acquérir ce bateau de luxe de 24,91 mètres (82 pieds), le plus grand de sa catégorie avec un poids de 70 tonnes, 338 mètres carrés de voile, huit couchages, une plate-forme de 22 mètres carrés à l’arrière pour bronzer… Ce premier exemplaire, le prototype de la série, aura demandé 40000 heures de travail, quand les suivants se situeront plutôt entre 25000 et 30000 heures. D’autres exemplaires sont en construction dans les ateliers du chantier naval.
Implanté sur le quai de Brazza, rive droite, le groupe Beneteau est le premier employeur de la ville de Bordeaux avec plus de 1100 salariés (dont 850 CDI) dans ses ateliers qui travaillent pour la branche voiliers des différentes marques du groupe dont Lagoon. « Nous sommes structurés pour sortir 100 bateaux par an, prévient Nicolas Malras directeur des projets multicoques pour le groupe. Avec la conjoncture actuelle, on devrait être plutôt autour de 75 à 80 en 2025. Notre production est organisée sur le principe du lean manufacturing.» Pourtant, quand on entre dans les ateliers, il n’existe quasiment aucune automatisation. Tout ou presque est manuel, ce qui donne à ce chantier naval un réel visage humain. Dans l’usine, c’est sur du papier et des fiches en carton sur un tableau que sont notées les taches à réaliser de chaque opérateur. L’informatique est présente mais pas encore envahissante.
Le catamaran à quai au Chantier naval de Bordeaux.
La résine recyclable pour le futur
Dans le bâtiment 6, la coque déjà moulée du cinquième Lagoon 82 est déjà en place, dans l’attente des prochaines étapes d’assemblage. En avançant dans le hal se trouvent les catamarans plus avancés, avec les équipements en bord de ligne qui restent à installer. Si la plupart des fournisseurs sont vendéens, la customisation est réalisée essentiellement avec les entreprises de la région bordelaise. Ce qui limite les longs transports de pièces, même si certains fournisseurs sont européens.
Un point important pour le groupe Beneteau engagé dans une réduction de ses émissions de CO2. En 2024, elles ont déjà baissé de 24% (scope 1 et 2) et l’objectif est encore de les baisser de 30% d’ici à 2030 (scope 3 compris). Le constructeur s’est lancé dans le développement durable à partir de 2012 avec l’objectif de certifier ses usines. «Nous avons analyse les cycles de vie de nos produits : l’effort doit porter sur les matériaux, indique Nicolas Malras. Nous avons débuté l’utilisation de la résine recyclable Elium développée en partenariat avec Arkema qui permet de séparer les fibres de la résine et de les réutiliser. Nous avons commencé sur les plus petits bateaux et nous comptons l’étendre petit à petit à tous les navires. Nous avons encore quelques soucis d’étanchéité pour l’étendre aux plus grandes coques.» Cette résine thermoplastique et acrylique qui est dépolymérisable, sera utilisée plus tard sur ce nouveau modèle.
En attendant, d’autres avancées environnementales sont significatives en dehors des panneaux photovoltaïques qui permettent de fournir l’énergie pour vivre à bord.
Résine bas carbone et fibre de chanvre
«Nous avons travaillé sur un résine bas carbone avec Polynt que nous appliquons sur le catamaran Eighty 2, assure Fred Signat, responsable service premium chez Lagoon. Elle nous permet d’économiser 10 tonnes de CO2 par bateau.» Lancée en 2024, la résine Polynt est constituée de 41% de matière biosourcée et recyclée, c’est-à-dire issue d’huiles alimentaires recyclées, de déchets végétaux et de bio compost pour remplacer le styrène. La coque du bateau est composée de résine et de balsa. Ce bois issu de forêts gérées durablement (label FSC) est utilisé par le groupe, alors que certains constructeurs utilisent des mousses en PVC.
Autre matière en évolution : les fibres. Elles sont toujours composées majoritairement de verre, mais le groupe souhaitait réduire sa part pour économiser le sable. Il fait donc appel à la fibre recyclée et il a noué un partenariat avec Chomarat pour obtenir de la fibre contenant 13% de chanvre. «Quand on réalise 200000 pièces par an, l’impact est déjà conséquent », indique-t-on chez Beneteau. Aujourd’hui 56% des achats du groupe sont évaluées par l’agence de notation en RSE, Ecovadis (+15% en 2024). Sur les voiles, Beneteau encourage ses fabricants à utiliser des matières végétales.
Il incite aussi ses clients à avoir des conduites et consommations plus responsables. «Nous avons également mis en place des kits d’entretien avec des produits biodégradables, des systèmes de traitement de l’eau, détaille Thomas Gailly, directeur de la marque Lagoon. Nous travaillons sur des climatisations à faible consommation. Et nous incitons les navigateurs à utiliser davantage la voile grâce à un système d’enrouleur qui peut être commandé depuis le poste de commande. C’est utile surtout pour ceux qui font du cabotage.» Si le problème n’est pas encore résolu, le moteur électrique étant pour l’instant insuffisant pour de telles embarcations, Beneteau mise sur le moteur hybride.
Enfin, depuis 2024, il a lancé le programme 620 NEO pour remettre à neuf sur le site italien de Monfalcone les catamarans Lagoon 620, qui peuvent repartir pour une quinzaine d’années. «Nous sommes les premiers à faire du refit», se félicite Thomas Gailly. Cette prestation qui réduit le nombre de mises à la casse devrait être étendue à d’autres modèles, mais il faudra être patient. La mise en place du «refit» pour un modèle demande un an de développement.