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Rédaction La Presse de la Manche

Publié le

23 juil. 2025 à 5h36

Face à une ligne Paris-Cherbourg saturée, les regards se tournent vers un projet ferroviaire longtemps relégué au second plan : la Ligne nouvelle Paris-Normandie (LNPN).

Présentée comme une solution structurante pour moderniser les transports, désengorger la gare Saint-Lazare et redynamiser les territoires, cette infrastructure d’intérêt national suscite autant d’espoirs que de frustrations. Si l’idée fait consensus côté normand, elle reste source de crispations ailleurs. « Les Normands ne pourront pas se satisfaire d’engagements seulement verbaux, résume Sébastien Fagnen, sénateur PS de la Manche. Nous serons attentifs à ce que les actes soient réalisés et accomplis. La première des exigences est de rappeler que le projet est d’intérêt national. Il faut dépasser les clivages régionaux, pour à la fois apporter des réponses concrètes aux inquiétudes exprimées par une partie des Franciliens et pouvoir poursuivre ce dialogue. »

Un projet à deux vitesses

En réduisant le trajet Cherbourg-Paris à 2 h 45 au lieu des 3 h 30 actuelles, la LNPN promet un souffle nouveau. Coût estimé : plus de 11 milliards d’euros. Mais depuis quinze ans, le projet peine à émerger. Si la Normandie le soutient massivement, l’Île-de-France a freiné des deux pieds. En septembre 2024, Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, a demandé son abandon, dénonçant l’artificialisation de terres agricoles. Une volte-face mal digérée côté normand.

« Si la vallée de la Seine est nécessairement prioritaire, puisqu’il s’agit du corridor fluvial et maritime, l’ex Basse-Normandie ne doit pas être laissée-pour-compte, soutient le sénateur manchois. C’est ce que nous avons rappelé, notamment avec ma collègue sénatrice du Calvados, Corinne Féret : il nous faut traiter l’axe Paris-Caen-Cherbourg de la même façon que l’axe Paris-Rouen-Le Havre. »

Arnaud Catherine, adjoint de Cherbourg-en-Cotentin en charge des transports, des déplacements, des mobilités douces et du plan vélo, a récemment rappelé l’enjeu fondamental du projet pour son territoire : « La LNPN est une infrastructure indispensable pour les régions Normandie et Île-de-France. Si ce projet est d’intérêt national pour le développement économique et touristique des deux régions, il est vital pour le Cotentin. »

Selon lui, le maintien de la gare de Cherbourg comme terminus dépend de cette infrastructure. Le Cotentin connaît en effet un essor économique inédit, tiré par des filières stratégiques comme la défense, le nucléaire et l’éolien offshore. « Naval Group, EDF, Orano, CMN, LM Wind… toutes ces entreprises ont un fort potentiel de croissance dans les décennies à venir. Le projet Aval du futur d’Orano, prévu à l’horizon 2040-2050 à La Hague, incarne à lui seul un enjeu de souveraineté énergétique nationale. »

Le dialogue relancé ?

L’élu insiste : pour faire face aux dizaines de milliers d’emplois à venir dans le Nord-Cotentin, il faut que le territoire soit accessible en moins de trois heures depuis Paris afin d’attirer les talents, les ingénieurs et les familles.

Le comité de pilotage du projet LNPN s’est réuni le 1er juillet au musée des Impressionnismes de Giverny, en présence de nombreux élus des régions Île-de-France et Normandie, sous la présidence du nouveau délégué interministériel Serge Castel. Le gouvernement a confirmé son soutien à une relance du projet dans un esprit de concertation renforcée.

Dès septembre, un dialogue territorial sera lancé, afin de redéfinir les besoins de mobilité sur l’axe Paris-Le Havre et de construire un tracé à moindre impact, plus en phase avec les attentes locales.

La mise à niveau de nos infrastructures est vitale. Elle est réclamée par les industriels et la population. Il y a un unanimisme local sur ce besoin de réalisation de LNPN. L’EPR, la construction de sous-marins, l’Aval du futur, l’usine de construction de pales d’éoliennes offshore, demain nous l’espérons tous les hydroliennes. La Manche est à la pointe de la souveraineté industrielle, des innovations énergétiques. Nous ne pouvons pas conserver des infrastructures ferroviaires comme routières dignes du XIXe siècle.

Sébastien Fagnen, sénateur PS de la Manche

Objectif affiché : établir une nouvelle feuille de route à l’horizon fin 2025. En parallèle, plusieurs questions techniques, comme la desserte du Mantois ou la réalisation du « saut-de-mouton » à Saint-Lazare (permet à une voie ferrée d’en enjamber une autre sans croisement à niveau), feront l’objet d’éclaircissements. Cette relance marque, espèrent les élus normands, un tournant après quinze années de tergiversations.

De Léa CORBET et Julien MUNOZ

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