Il y a un an, presque jour pour jour, le groupe sidérurgiste Ascometal était repris à la barre du Tribunal de commerce par le fonds de retournement britannique Greybull Capital et était rebaptisé NovAsko. Un plan de la dernière chance puisqu’après le retrait de l’offre de l’Italien Acciaierie Venete, il était le seul sur les rangs pour reprendre cette entreprise dont les finances étaient au plus mal.

Le Britannique avait alors sauvé presque 800 emplois sur quatre sites : à Hagondange en Moselle, Leffrinckoucke dans le Nord, à Custines en Meurthe-et-Moselle et à Saint-Etienne. Le groupe devait alors bénéficier de plus de 180 millions d’euros d’investissement destinés à relancer la machine, dont 90 millions directement injectés par Greybull et 85 par l’État via un prêt FDES (prêt pour le développement économique et social) afin de moderniser l’outil industriel et partir à la conquête de nouveaux marchés.

La crainte d’une liquidation

Mais voilà, la belle histoire promise il y a un an est sur le point de mal finir. Le mois dernier, la direction générale de Novasko a sollicité la mise en place d’une procédure de conciliation auprès du tribunal de commerce de Strasbourg où est situé le siège social du groupe.

Celle-ci devait permettre de négocier les dettes avec les créanciers et de trouver des repreneurs. Sauf que la procédure s’achève ce jeudi à minuit et, selon l’intersyndicale CFDT-CGT-CFE CGC, seul le site de Leffrinckoucke près de Dunkerque (où le laminoir va être remis en route prochainement) aurait suscité quelques marques d’intérêt. Les syndicats craignent donc une mise en redressement judiciaire dans les prochains jours, voire une liquidation.

« Nous sommes très inquiets »

À Saint-Etienne, sur le site du Marais de Novasko où travaillent 41 salariés permanents et une dizaine d’intérimaires, c’est (une nouvelle fois) la consternation. Ici, dans cette usine plus que centenaire, on fait ce qu’on appelle du parachèvement, c’est-à-dire la finition des barres de métal produite par l’aciérie du groupe.

90 % de l’activité est désormais réalisée pour le compte de Jtekt Lyon, à qui Novasko Le Marais fournit 10 000 à 12 000 crémaillères de direction par an. « Au fil des années, nous sommes devenus très dépendants de Jtekt Lyon, ce qui est un facteur de fragilité. D’autant que ce client est touché par la crise automobile, nous avons perdu des volumes », précise Loïc Devis, secrétaire CFDT du CSE Novasko Le Marais.

« Nous sommes très inquiets, encore plus que l’année dernière. En 10 ans, c’est la quatrième fois qu’on va se retrouver en redressement judiciaire. Et au fil des reprises, on a eu de moins en moins de repreneurs intéressés. Il y a un an, il n’y en avait plus qu’un. Est-ce qu’un investisseur va vouloir reprendre tous les sites cette fois ? L’usine de Saint-Etienne est un petit site par rapport au 750 salariés du groupe mais il fait vivre 50 familles, il ne faut pas nous oublier. D’autant que nous sommes importants pour le groupe, dans l’aval de la sidérurgie, nous apportons la plus-value à l’acier qui est produit dans l’aciérie du groupe en Moselle. »

Loïc Devis se dit d’autant plus inquiet que la moyenne d’âge est relativement élevée. « Le plus jeune d’entre nous doit avoir une quarantaine d’années (hors intérimaires) et nous avons une ancienneté importante. Il sera difficile de retrouver un emploi. »

Énième banqueroute

Pour l’intersyndicale, Novasko est une entreprise importante pour l’industrie française et européenne, un « fleuron » des aciers spéciaux, « fournisseur essentiel de l’automobile et du marché du roulement ». Selon elle, plusieurs facteurs auraient mené à cette nouvelle déroute : la non-réalisation des engagements financiers promis par le repreneur, des marchés finaux en difficulté et un sérieux accident du travail sur l’aciérie ayant conduit à une interruption de production de sept semaines à l’automne dernier et dont l’entreprise n’a pas réussi à se relever.

À Saint-Etienne, pas de piquet de grève pour le moment, mais les représentants des salariés se réservent la possibilité de mener des actions dans les prochains jours.