Par
Maréva Laville
Publié le
23 juil. 2025 à 7h12
Si on le leur avait dit plus tôt, ils n’auraient peut-être jamais quitté le métier. À Toulouse, une nouvelle formule gagne du terrain chez les restaurateurs, et elle a de quoi séduire ! « On a eu une cinquantaine de candidatures en 15 jours sur le poste de chef de rang. Pour nous, c’était énorme », confie Corentin Leblanc, cogérant de Pépère, le nouveau restaurant qu’il a ouvert fin mai 2025 en lieu et place de l’ancien Bouchon Lyonnais. En plus de dix ans de métier, recruter facilement (et bien), ça marque. Surtout dans le milieu de la restauration… Mais quelle est la recette de leur succès ?
Des restaurants fermés le week-end à Toulouse
Il suffit de quelques ingrédients. Travailler du lundi au vendredi, uniquement. Week-end non compris. Un luxe qui aurait aisément convaincu Adam, ex-serveur d’un bar de la place de la Bourse de Toulouse, à poursuivre dans cette voie professionnelle. Mais comme bien d’autres, « j’en avais marre de ne pas pouvoir passer du temps avec mes amis et de ne pas boire des coups avec eux le week-end », témoigne-t-il à Actu Toulouse.
Un sentiment de plus en plus partagé par les patrons. « Quand j’ai commencé dans le métier, après une reconversion professionnelle, je travaillais beaucoup en coupures. Je me suis coupé de tout le monde, c’était vraiment difficile. J’ai même pensé à m’arrêter, je doutais », raconte Guillaume Boixo, le propriétaire du restaurant Tête en l’air aux Minimes. « Mais je me suis dit que j’allais lancer mon affaire en fermant tous les week-ends ».
Place du Parlement, Guillaume Labaï a ouvert son restaurant en 2022 : il est ouvert uniquement à midi et en semaine. (©Maréva Laville / Actu Toulouse)Une formule inédite pour s’offrir les sacro-saints week-ends
Affaire conclue en 2020 ! Guillaume devient l’un des précurseurs, à Toulouse, de la restauration de semaine, uniquement. Dans la Ville rose, Actu Toulouse n’en a recensé qu’une petite poignée. Moins de 10 dans la commune (hors périphérie). Tête en l’air n’ouvre que les midis et pour ce qui est du soir, il faut attendre le jeudi et vendredi. Week-end interdit, pas même le samedi ! Les deux sacro-saints jours restent destinés au repos en famille ou entre amis.
Un indispensable aussi pour Corentin Leblanc et sa compagne Irène Inacio. « C’était notre objectif », glisse à Actu Toulouse le couple qui vient de lancer Pépère dans le quartier Saint-Aubin. « On a presque tout le temps eu les dimanches et lundi en repos. Alors, quand il se passait des choses avec nos amis le week-end, on arrivait le soir à 2 heures du matin, ou bien on n’y allait pas du tout. »
En se formant à la viticulture et l’œnologie, Corentin découvre alors les joies d’une vie sociale… et familiale. La naissance de leur petit garçon, il y a deux ans, fut le déclic. À la prochaine opportunité, ils dirigeront un restaurant leur permettant de conserver le précieux temps libre des samedi et dimanche avec leur enfant.
« Les banques nous ont dit que ce serait risqué »
Mais le défi est de taille. Comment réussir à faire tourner un restaurant uniquement la semaine ? Comment gagner sa vie à contre-courant du schéma ordinaire d’ouverture le week-end ou a minima le samedi ? Comment attirer cette clientèle… le lundi ?
Les banques nous ont dit que ce serait risqué, que normalement le jour où on travaille le plus c’est le samedi. C’était un risque qu’on avait envie de prendre et en faisant le pari du lundi qui remplacerait un bon samedi.
Corentin Leblanc
Cogérant de Pépère, nouveau restaurant à Toulouse
Olivier Bouscatel, président du Groupement national des indépendants (GNI) de l’hôtellerie-restauration en Haute-Garonne, n’est pas tout à fait du même avis que les donneurs de crédits…
Corentin Leblanc de Pépère, a aussi recruté un cuisinier pour l’épauler derrière les fourneaux (©Maréva Laville / Actu Toulouse)Un business plan différent selon les quartiers
Pour lui, ouvrir un restaurant uniquement la semaine, économiquement, c’est jouable. « Ça dépend des quartiers. Il y a des restos qui marchent plus le week-end et d’autres restos qui fonctionnent les midis en semaine. Ils ont fait un business plan différent. »
Guillaume Boixo, par exemple, est persuadé que son resto (Tête en l’air, NDLR) fonctionne bien « parce qu’il se trouve aux Minimes, dans une petite ruelle proche du Conseil départemental, d’Airbus et des centres d’affaires », et non dans des zones comme la place du Capitole « où ce serait compliqué de fermer le week-end ». « J’ai une clientèle habituelle de quartier et de professionnels, d’entreprises », dit-il.
Un avis partagé par Guillaume Labaï, propriétaire du restaurant Le Petit Salin, ouvert depuis 2022 sur la place du Parlement, entre le palais de Justice et la place du Salin. L’emplacement idéal pour capter les magistrats et avocats. « J’ai toujours été ouvert du lundi au vendredi, j’avais tout misé sur le midi », explique-t-il. Et ça marche. Les tables sont vites remplies, d’autant plus après l’embellissement de la place et l’extension de sa terrasse.
Place du Parlement, Guillaume Labaï a ouvert son restaurant Le Petit Salin, en 2022 en misant essentiellement sur l’ouverture, les midis, en semaine. (©Maréva Laville / Actu Toulouse)« Des profils plus intéressants » et expérimentés à recruter
Mais la clé du business model réside surtout dans la proposition d’un emploi du temps en or dans le très tendu secteur de la restauration, mis à mal par les différents épisodes de confinement durant le Covid. « Le nerf de la guerre, c’est la masse salariale », assure Olivier Bouscatel, propriétaire de multiples restaurants à Toulouse. Et c’est vrai que « fermer les week-ends permet d’avoir une équipe plutôt stable ». Solide, motivée et expérimentée.
Si les étudiants ne manquent généralement pas à l’appel des extras, travailler du lundi au vendredi sans les week-ends, « ça aide énormément en termes de recrutement », souligne Guillaume Boixo de Tête en l’air. Sa serveuse travaille pour lui depuis maintenant deux ans.
J’ai toujours eu beaucoup de candidatures, de passionnés qui souhaitent avoir une vie à côté de leur métier. Ils sont donc super contents, surtout que chez moi, il y a trois soirs de la semaine fermés. J’ai donc assez peu de turnover.
Guillaume Boixo
propriétaire de Tête en l’air
La formule permet aussi d’avoir l’embarras du choix. « Ça permet de sélectionner des profils plus intéressants, avec de l’expérience. Ça évite les trop jeunes qui se testent au métier et changent souvent. On cherchait quelqu’un de confirmé. Notre serveuse a deux ans et demi d’expérience par exemple », glisse Corentin Leblanc de Pépère.
Une épaule sur laquelle il peut compter pour, en parallèle, développer « plus tard », de la formation en alternance. Histoire de redonner le goût perdu de ce joli métier, au rythme de vie peut-être plus si impossible…
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