Un groupe de jeunes filles avec leurs smartphones.Selon l’étude, l’impact sur la santé mentale des filles est encore plus lourd que chez les garçons. © Freepik

En 2023, l’âge moyen d’obtention du premier smartphone en France s’établissait à 9 ans et 9 mois. Cela signifie qu’un grand nombre d’enfants ont un téléphone dans les mains dès le CE2 ou CM1, en plein dans l’âge de la construction cognitive, de l’apprentissage et de l’acquisition des codes relationnels.

Le réflexe des parents est souvent le même : géolocaliser, rassurer, garder le contact. Pourtant, comme le martèlent de nombreux pédopsychiatres, le smartphone ne se contente pas de permettre des appels. Il ouvre en réalité la porte à tout un univers dont l’enfant n’a ni les codes, ni la maturité pour se défendre.

Plus c’est tôt, plus l’impact est terrible. C’est précisément ce que confirme une étude américaine menée par l’ONG Sapien Labs, publiée le 20 juillet 2025 dans le Journal of Human Développement and Capabilities et relayée par CNN.

Basée sur les réponses de plus de 100 000 jeunes adultes de 18 à 24 ans issus de 163 pays, elle démontre un lien direct entre l’âge d’obtention du premier smartphone et la santé mentale à l’âge adulte. Le verdict est clair et limpide : plus le téléphone est acquis jeune, plus les troubles sont importants.

Smartphone trop tôt : une répercussion évidente sur la santé mentale

L’étude révèle que les filles ayant eu un smartphone à l’âge de 6 ans présentent jusqu’à 48 % de pensées suicidaires à l’âge adulte, contre 28 % chez celles ayant attendu 13 ans. Les garçons ne sont pas épargnés, même si les formes diffèrent : on observe chez eux une baisse marquée de la résilience émotionnelle, de l’empathie, et de la stabilité intérieure.

Les risques identifiés vont bien au-delà du simple mal-être passager. Ils incluent des troubles anxieux, une faible estime de soi, une perte du lien avec la réalité, voire des hallucinations dans les cas extrêmes. Un enfant exposé trop tôt à un smartphone voit son développement émotionnel sérieusement altéré.

Pourquoi le smartphone dérègle le cerveau des enfants Une exposition massive à des contenus inadaptés

Le premier danger, c’est l’accès à des contenus que l’enfant n’est tout simplement pas capable d’analyser. Réseaux sociaux, vidéos violentes, discours haineux, sexualisation précoce, fausses informations : tout est à portée de clic. L’enfant n’a ni le recul, ni les outils pour filtrer.

L’algorithme ne fait pas de différence entre un adulte et un enfant. Dès lors, ce sont les contenus les plus engageants – donc souvent les plus choquants ou extrêmes – qui apparaissent en priorité. Les conséquences sur l’image de soi sont immédiates : comparaison permanente, sentiment d’infériorité, quête de validation sociale à tout prix.

Le piège de la dépendance numérique

Le smartphone est conçu pour captiver. Notifications, sons, vibrations, likes, reels, stories : tout est pensé pour maintenir l’attention. Or, le cerveau d’un enfant, encore en développement, est particulièrement vulnérable à ces mécanismes addictifs.

Les chercheurs observent une baisse spectaculaire du bien-être mental chez ceux qui utilisent intensivement leur téléphone avant 13 ans. Sur une échelle allant jusqu’à 100, les enfants équipés dès 5 ans obtiennent un score de 1 à 3, contre 30 à 40 pour ceux ayant attendu le début de l’adolescence.

Smartphones et réseaux sociaux : ce que dit la loi en France ? Un cadre encore trop flou pour les réseaux sociaux

En France, l’accès aux réseaux sociaux est officiellement interdit aux moins de 13 ans, mais cette règle est largement contournée. Il suffit de mentir sur son âge pour créer un compte. TikTok, Instagram ou Snapchat sont ainsi fréquentés dès le primaire. Et cela, sans aucun filtre, ni contrôle parental efficace.

Face à ces dérives, dénoncées par quelques rares collectifs de parents effarés, de timides réaction se font jour. Le 3 juillet, le gouvernement a annoncé l’interdiction d’exposer les enfants de moins de 3 ans aux écrans dans les crèches et les lieux d’accueil publics. Une nouvelle étape a été franchie avec l’annonce de l’extension de la pause numérique, testée dans 200 établissements en France, dans tous les collèges à la rentrée 2025, afin de limiter l’usage du smartphone en milieu scolaire.

L’interdiction des réseaux sociaux avant 15 ans est évoquée. Tout comme celle du smartphone avant 11 ans, comme l’avait suggéré le président de la République, Emmanuel Macron, en juin 2024.

Ces mesures, bien qu’insuffisantes pour certains experts, vont dans le bon sens. Elles s’inspirent de ce qui se fait déjà ailleurs.

D’autres pays vont déjà plus loin

L’Italie a récemment interdit l’utilisation des smartphones dans les écoles primaires et les collèges, sauf pour des usages pédagogiques strictement encadrés. Cette restriction sera étendue aux lycées transalpins à la prochaine rentrée scolaire.

Dans les pays scandinaves, les politiques publiques vont encore plus loin. La Suède a retiré les tablettes de toutes les écoles maternelles publiques en 2024. La Finlande, quant à elle, a réintroduit l’apprentissage sur papier au primaire et déconseille formellement les écrans avant 12 ans.

Ces choix ne relèvent pas du conservatisme numérique, mais d’une lecture éclairée des données scientifiques : moins d’écrans, c’est plus de bien-être, plus de concentration, plus de sommeil, et moins de troubles émotionnels.

Que faire en tant que parent ? Repousser l’âge du premier smartphone

Le message des chercheurs est clair : pas de smartphone avant au moins 13 ou 14 ans, et si un besoin de contact se fait sentir, opter pour un téléphone à l’ancienne, sans internet ni réseau social. Ce choix peut sembler radical, mais il protège durablement.

De nombreux parents ayant franchi le pas témoignent d’une amélioration de la communication familiale, d’un meilleur sommeil chez leur enfant, et d’un retour à des loisirs plus sains.

Accompagner et encadrer les usages numériques

Si l’enfant possède déjà un smartphone, tout n’est pas perdu. Il est essentiel de poser des règles claires : pas d’écran le soir, pas dans la chambre, pas à table. Installer des outils de contrôle parental est utile, mais pas suffisant. Le dialogue reste la clé. Comprendre ce que l’enfant regarde, avec qui il interagit, ce qui l’amuse ou l’angoisse est fondamental.

L’idéal serait d’introduire l’éducation au numérique dès l’école primaire, avec des ateliers sur les algorithmes, les fake news, le harcèlement en ligne, la pression sociale, etc. Car un enfant bien formé devient un adolescent mieux armé.

À SAVOIR

En avril dernier, la Société Française de Pédiatrie publiait le message suivant, justifiant une interdiction totale des écrans avant 6 ans : « cet appel à une prise de conscience collective s’adresse aux jeunes parents, aux enseignants, éducateurs et pédagogues, aux soignants, aux décideurs politiques et à toutes celles et ceux qui s’intéressent à la santé des enfants. La vérité est parfois difficile à entendre. Les conséquences d’une exposition précoce et prolongée aux écrans sont avérées et ont déjà lourdement impacté une jeune génération sacrifiée sur l’autel de la méconnaissance… Mais en 2025, le doute n’est plus permis et les très nombreuses publications scientifiques internationales sont là pour nous le rappeler. Ni la technologie de l’écran ni ses contenus, y compris ceux prétendument « éducatifs » ne sont adaptés à un petit cerveau en développement. L’enfant n’est pas un adulte en miniature : ses besoins sont différents. »

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