Par
Ovale Masqué
Publié le
14 avr. 2025 à 18h40
; mis à jour le 15 avr. 2025 à 10h55
La Champions Cup n’a aucun intérêt. Les Anglais sont nuls, les Irlandais sont des tricheurs, les Sud-Africains sont des branleurs, et les Italiens sont uniquement là pour permettre à Castres de passer les 8es de finale. Cette compétition qui donne l’impression de durer 9 mois est presque aussi crédible en matière de rugby que Claude Atcher et Bernard Laporte en comptabilité.
Voilà la petite musique que vous entendez un peu partout depuis quelques années. Mais ce n’est pas tout à fait vrai : parfois, la Champions Cup, c’est bien. Quand ça ressemble à du Top 14.
Mmh du bon Top 14 qui tache ! (©France 2)Toulon – Toulouse : la chronique d’Ovale Masqué
Je le sais, vous étiez tous excités à l’idée d’assister à ce 1/4 de finale entre le RCT et le Stade Toulousain. Et c’était quand, la dernière fois que vous avez été excités à l’idée de voir un choc entre Rouge et Noir ? Probablement il y a très longtemps, à une époque où Mourad Boudjellal n’était pas encore un TikTokeur et où Romain Ntamack était moins célèbre que son papa.
Mais grâce à la Champions Cup, cette affiche est enfin à nouveau prestigeuse ! Le RCT est en pleine bourre et a retrouvé tout ce qui fait le charme toulonnais : un pack monstrueux et des supporters insupportables. Le Stade Toulousain, c’est le Stade Toulousain, donc quasi imbattable, mais il a la politesse de jouer sans Antoine Dupont et Ange Capuozzo, ce qui équivaut à dire à ton petit frère « ok, je vais jouer la prochaine partie de baby foot avec une main attachée dans le dos ». Tous les éléments étaient réunis pour voir un vrai grand choc et un match dont on se souviendra encore dans 10 ou 20 ans (ou 10 ou 20 minutes pour Sébastien Chabal).
J’espère que eux aussi ont perdu la mémoire, sinon ils doivent se souvenir de tous les gars qu’ils ont crevés sur un terrain. (©France 2)Vidéos : en ce moment sur Actu
Et au final… on a eu un bon gros match de merde. Mais attention, car dans « bon gros match de merde », il y a bon. Ce Toulon – Toulouse, c’était une vraie bouffée d’air frais. Moi, je n’en pouvais plus de voir 50 essais par matchs, de Penaud et Bielle-Biarrey qui battent des records dont on n’avait jamais entendu parler et dont on se fout, ou du Leinster qui pourrait jouer à 15 contre 0 que ça donnerait le même score à la fin.
Enfin, on a eu un match sexy comme un Paris – Roubaix sous la pluie. Des pick and go, des gros plaquages, des fautes à la pelle, des ballons grattés, des coups de pieds directs en touche, des pénalités de 112 mètres à la François Steyn, des essais laids comme une idée de Laurent Wauquiez… ENFIN, du rugby, du vrai. Franchement, il ne manquait que les prolongations et le tir au but décisif de Joel Merkler, mais sinon tout y était.
Ne mentez pas, vous aussi vous avez adoré. Tellement que vous êtes impatients de revivre ce sommet de poésie. Ça tombe bien…
Me voilà, pile dans le bon timing. (©France 2)Le film du match
Un match couperet de Coupe d’Europe à Mayol, ça faisait longtemps. Ça nous avait presque manqué, à vrai dire. D’abord on est contents de retrouver le Pilou-Pilou, dont on ne comprend toujours pas les paroles (et quelque chose nous dit qu’il ne vaut mieux pas essayer), un rituel d’avant-match toujours interprété par Cédric, le Michel Sardou local, qui annonce sa retraite tous les deux ans mais qui finit toujours par revenir.
En même temps c’est pas facile d’obtenir un job à la préfecture avec ça sur la tête… (©France 2)
Encore plus bruyant et désagréable : le public toulonnais qui siffle l’adversaire, qui siffle l’arbitre, qui siffle le ballon, qui siffle les mouettes, qui siffle l’oxygène. Au moins il est généreux, c’est vrai que ça change du public du Stadium de Toulouse qui refuse de soutenir son équipe tant qu’il n’y a pas 30 points d’écart au score.
Vous vous dites qu’il s’agit d’un supporter déguisé pour l’occasion, mais non il s’agit d’un Toulonnais normal, comme on peut en croiser dans la rue. (©France 2)
Le contexte est hostile pour les Toulousains, donc. Ce qui ne les empêche pas de dominer les premières minutes de la rencontre. Ils parviennent à ouvrir rapidement le score, même si Ramos doit s’y prendre à deux fois face aux perches. On sent tout de suite le match tendu : les Toulousains commettent des erreurs de main inhabituelles, à l’image d’un Paul Graou toujours aussi frustrant. À chaque fois qu’on le voit jouer, on dirait que Dieu a dessiné un brouillon d’Antoine Dupont mais a oublié de le terminer : les qualités physiques et techniques sont là, mais le cerveau pour les coordonner efficacement, on a encore un petit doute.
Antoine Dupond. (©France 2)
À propos des grands esprits de ce monde, Melvyn Jaminet s’illustre aussi rapidement avec un coup de pied direct en touche, avant d’être imité par son ancien rival au poste de 15.
Tu sais que Ramos n’est pas dans son assiette quand il est sympathique et souriant. (©France 2)
On croit voir un danseur étoile réussir à s’extirper de la boue avec Gaël Dréan, qui déborde Ahki et Ramos sur le bord de touche pour s’offrir un essai. Un effort inutile puisque la chistéra de Fainga’anuku qui l’a décalé était en-avant. C’était à peu près le seul moment de rugby spectaculaire de ce match donc profitez bien de ce GIF.
Quel dommage que Fainga’anuku quitte la France avant qu’on puisse apprendre à prononcer son nom correctement. (©France 2)
Avec autant de déchet, on est bien contents que Pizzorno soit sponsor du RCT. Et, dans le rôle de l’éboueur un peu trop zélé, Cyril Baille se rend coupable d’un geste dangereux, avec un déblayage à l’irlandaise sur Dany Priso. Retenez-bien vos leçons : quand ce geste vise Dupont c’est un attentat passible de peine de mort, quand c’est entre Français, c’est un geste malheureux et non-intentionnel. Le pilier écope d’un simple carton jaune.
Tes parents divorcés quand ils doivent se tenir dans la même pièce pendant 5 minutes. (©France 2)
Jaminet égalise, mais même en infériorité numérique, les sextuples champions d’Europe demeurent les plus dangereux, à l’image d’Emmanuel Meafou, qui reste la meilleure illustration possible de cet adjectif. Le colosse franco-australien avance comme un tracteur sur toutes ses charges, et un de ses aufelodes offre une occasion d’essai à Paul Graou. Avec son punch, le demi de mêlée se défait de plusieurs défenseurs mais oublie d’aplatir. Encore une action qui résume bien ce joueur : tout est là, sauf le plus important.
Le premier n’est pas terrible mais attendons le deuxième Graou. (©France 2)
Si les Toulonnais se montrent particulièrement timides offensivement, en abusant du jeu au pied, ils mettent à mal les champions d’Europe en conquête, notamment sur la touche où Abadie vole de nombreux ballons. Autre arme fatale des Varois : Jaminet et son coup de canon, au moins aussi célèbre que son coup de casque. Si tu es hors-jeu, même à l’arrêt de bus à 500m du stade, c’est la sanction. L’arrière fait payer les Toulousains (uniquement métaphoriquement, rassurez-vous) avec deux pénalités monstrueuses et permet aux siens de faire un petit break, 12-3.
Vous noterez que la calvasse de Jaminet avance beaucoup plus vite que le remboursement de son prêt. (©France 2)
Cette tactique Erasmussienne dépossession-grosse-défense-buteur-infaillible semble presque parfaite. Mais Toulouse n’a pas besoin de beaucoup de ballons pour revenir dans le match : juste avant la pause, les mangeurs de cassoulet se mettent dans l’avancée avec des courses tranchantes de Ntamack, Willis et encore et toujours Meafou. Le mangeur d’enfants est arrêté dans les 22m toulonnais et Villière passe à deux doigts de réaliser un bon grattage, mais un traînard toulonnais se fait sanctionner face aux poteaux.
Ramos réduit le score, 12-6 au terme d’une première période que Matthieu Lartot qualifie de « partie d’échecs », et c’est exactement ça. Si les échecs se jouaient à bord d’auto-tamponneuses et que les conducteurs étaient tous armés de gourdins à clous.
Même Roumat et ses bras de Ramzy se met à jouer les gros durs, on aura tout vu. (©France 2)
Après une pub pour un téléfilm mettant en scène George Sand (à tous les coups, encore une histoire inventée par le wokisme…) le match peut reprendre. Et cette fois les Toulousains ont bien l’intention de ne pas se laisser prendre dans les sables mouvants de la Rade. Sous le renvoi, les hommes d’Ugomola récupèrent instantanément le ballon sur un ruck, puis profitent d’une faute adverse pour taper en touche. Après une série de pick and go, Julien Marchand va marquer l’essai.
C’est quand même plus mignon que les démonstrations de masculinité toxique d’O’Gara et Urios… (©France 2)
Celui-ci est finalement refusé à la vidéo pour une raison aussi incompréhensible que les paroles du Pilou-Pilou. Ca ne changera pas grand-chose : quelques secondes plus tard, c’est Willis qui va aplatir en force (12-11). Au passage, Baptiste Serin sort 10 minutes pour un contact tête contre tête avec Graou. Quand même des demi de mêlées prennent des cartons pour des gestes dangereux, on comprend qu’on est plus dans le registre de la guerre que du rugby.
Même pour planter des essais en pick and go les Toulousains peuvent pas s’empêcher de faire des petites combinaisons pour se la péter. (©France 2)
C’est sans doute là qu’on voit les grandes équipes : quand ils sont en supériorité numérique, les Toulousains, eux, ne cherchent pas à taper des petits coups de pied à suivre dans le fond du terrain. Ils viennent pour vous enfoncer la tête dans la cuvette des toilettes et vous faire regretter d’avoir cru qu’à un moment, il y avait peut-être moyen. Allergique aux rucks lors de ses années bordelaises, même Roumat se met à gratter des ballons comme un sauvage.
RoumatCaw. (©France 2)
Sous pression, les Toulonnais commencent à faire des fautes bêtes, comme sur cette touche dans leurs 22m où Ivaldi, Ribbans et Villière improvisent un numéro de cirque.
PindeRCT. (©France 2)
Une erreur cher payée : quelques secondes plus tard, Pita Ahki va inscrire le deuxième essai des fans de Big Flo et Oli. On notera encore la belle gestuelle de Marchand qui réussit une passe qui n’est physiquement possible que dans Rugby Challenge 3 (sûrement parce qu’elle est contrée) et le relais judicieux de Ramos. 12-18.
Il parait que Pita Ahki est cramé, mais après avoir vu ce match je trouve personnellement que ÇA VA. (©France 2)
On pourrait se dire que le plus dur est fait pour les visiteurs, mais les Toulonnais ne sont pas du genre à lâcher l’affaire si facilement. Et encore une fois, Jaminet se montre d’une précision redoutable, c’est à se demander comment il a pu appuyer sur le bouton « publier » par mégarde cet été. L’arrière passe une première pénalité, puis une deuxième pour parvenir à égaliser. 18-18.
Les mauvaises langues diront qu’il conserve toute sa lucidité pour les tirs aux but vu qu’il ne fait rien sur le terrain. (©France 2)
Toulouse fait entrer ses remplaçants, et l’improbable va donc se produire : le plus grand club d’Europe, du monde, de l’univers connu et de ses alentours proches, va finir un match de phase finale avec l’homme, la légende, Naoto Saito, celui qu’on surnomme l’Aaron Smith de Kanagawa (personne ne le surnomme comme ça en vrai mais j’essaye de lancer le mouvement).
Dès la 62e ?? Saito… (©France 2)
Déjà pas très sexy, la rencontre ressemble de moins en moins à du rugby. On assiste d’ailleurs à d’étranges gestes de football, comme un contrôle de « Gabinho » Villière…
Peut-être qu’il est plus habile avec ses pieds qu’avec ses mains… (©France 2)
… ou un tacle les deux pieds décollés de Jaminet sur Ntamack. C’est bien simple, là on se croirait devant un bon vieux Notthingham Forest – Stoke City.
Même en Angleterre, ça siffle. (©France 2)
Il y a du KO dans l’air, on sent bien que le premier qui va faire une connerie coûtera le match à son équipe. Tous les yeux sont donc tournés vers les coupables habituels : Paolo Garbisi le fou du bus, capable de relancer à 1 contre 5 depuis son en-but ou de décider de s’engueuler avec son tee en plein match, ou encore Rodrigue Neti, toujours capable d’être invisible pendant 20 minutes jusqu’au moment où il met un coup de boule à quelqu’un dans un ruck. Finalement, la grande loterie de la cruauté va trouver sa victime : Gabin Villière, coupable d’une maladresse à la réception d’une chandelle pourtant plutôt mal tapée par Saito, alias le Maxime Machenaud de l’université de Waseda.
L’ailier prend la marée devant sa ligne et se retrouve pénalisé sur la sirène. Ramos, qui a raté 3 coups de pied sur cette rencontre et qui a globalement paru à côté de ses pompes, obtient donc la balle de match. Et selon le poncif habituel « les grands buteurs, les grands moments tout ça » : le couteau suisse préféré de Fabien Galthié trouve la cible et brise le cœur des milliers de Toulonnais qui désemparés en oublient même de siffler. Score final, 18-21.
Moi aussi j’aurais envie de pleurer si j’étais obligé de répondre aux questions d’Hélène Macurdy. (©France 2)
Toulon est passé tout près, mais contre le meilleur club de tous les temps de l’histoire de l’humanité, tout près c’est pas assez près. Les Varois pourront tout de même se vanter d’avoir bien tapé dans la barre de vie du boss final du rugby, qui apparaît peut-être moins imbattable que ces dernières années.
Au tour d’un nouveau joueur de tenter sa chance dans trois semaines : l’Union Bordeaux-Bègles, pour un remake d’une certaine finale-dont-il-ne-faut-plus-parler. Et la meilleure façon de la faire oublier pour de bon, les Bordelais la connaissent. Bon courage à eux…
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