Jeudi 24 juillet, à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la Chine et l’Union européenne (UE), António Costa, président du Conseil européen, et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, font le déplacement jusqu’à Pékin. Mais moins pour célébrer que pour négocier.
Preuve des divergences profondes entre les deux géants économiques : la durée du sommet a déjà été rabotée d’une journée. Au moins, les deux dirigeants Européens ont-ils la confirmation que le président chinois les recevra. « Le président Xi Jinping les rencontrera. Le Premier ministre, Li Qiang, et les deux dirigeants de l’UE coprésideront le 25e sommet Chine-UE », a indiqué le ministère chinois des Affaires étrangères dans un communiqué. L’absence du dirigeant chinois aurait marqué une tension sans précédent entre la Chine et l’Union européenne.
Des contentieux nombreux
L’Union européenne accuse la Chine de dumping, en inondant le marché européen avec des produits manufacturés à très bas prix et soutenus par des subventions publiques. Le différend s’est cristallisé autour des véhicules électriques. Certaines entreprises chinoises de ce secteur ont été visées par une hausse des droits de douane décidée par Bruxelles. En représailles, Pékin menace de taxer des produits emblématiques européens, comme les brandys et les eaux-de-vie à base de raisin, comme le cognac. Et d’utiliser les mêmes méthodes que Donald Trump pour parvenir à ses fins – les droits de douane – alors que la Chine et l’Union européenne sont menacées d’être frappées par Washington le 1er août.
Autre champ de bataille : les équipements médicaux. Pékin a décidé de privilégier uniquement les fournisseurs chinois, écartant de facto les groupes européens comme Siemens. La Commission a répondu le 20 juin en excluant les entreprises chinoises des appels d’offres publics européens supérieurs à cinq millions d’euros. Une réponse directe aux barrières rencontrées par les industriels européens sur le marché chinois.
La géopolitique s’invite aussi dans les discussions. Deux banques régionales chinoises, situées près de la frontière russe, ont été visées par le 18e train de sanctions européennes. Elles sont accusées d’avoir facilité l’effort de guerre de Moscou. C’est la première fois depuis le début de la guerre en Ukraine que des entreprises chinoises sont visées directement par des sanctions européennes. Pékin dénonce un « impact négatif grave » sur sa relation avec l’Union européenne.
« Une croisée des chemins »
Autre enjeu de ce sommet : l’accès de Bruxelles aux terres rares chinoises. Cobalt, manganèse, etc. Ces métaux sont indispensables à la transition énergétique et 90 % de leur raffinage mondial est effectué en Chine. L’UE cherche à sécuriser ses approvisionnements, mais ses marges de manœuvre sont limitées. D’autant plus que Pékin peut se servir de cette dépendance européenne dans les négociations pour obtenir des concessions.
Les différends entre L’UE et la Chine sont nombreux. Le sommet du 24 juillet, au plus haut niveau, pourrait ne déboucher sur aucune annonce concrète. Mais une détente, ou à l’inverse, une intensification du conflit pourrait s’amorcer. Reste que personne n’a intérêt à une escalade. L’Europe a besoin d’un accès stable aux matières premières et au marché chinois, même si toutes les capitales européennes ne sont pas sur la même ligne. « Vis-à-vis du marché chinois, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Certains, comme l’Allemagne ont vraiment besoin d’y accéder, alors que d’autres pays européens moins », explique Sandrine Levasseur, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et spécialiste des questions européennes. Cette disparité entre les Vingt-Sept pourrait fragiliser l’unité de l’Europe pendant les négociations.
De son côté, la Chine doit pouvoir écouler ses excédents de production, d’autant plus dans un contexte de repli américain. Sandrine Levasseur considère le sommet comme une « croisée des chemins ». Elle alerte sur une issue potentiellement non coopérative entre les deux géants : « Il faudra un échange de bons procédés pour que cela fonctionne, que la Chine et l’UE repartent gagnant-gagnant. Sinon, tout le monde a à perdre, mais les Européens plus que les Chinois. »