Catherine Cusset, la romancière facétieuse de « La haine de la famille », décortique les différentes (bonnes) raisons de lire et relire « À la recherche du temps perdu ». Dans ce qu’elle dit sur Proust et sa phrase, sur sa vision de l’amour, l’autrice se confie sur ce qui l’a construite.
Comme elle le raconte en préambule, Catherine Cusset a lu trois fois « À la recherche du temps perdu » en entier: « A quinze ans, comme le grand roman de l’amour; à vingt ans, comme le grand roman de la société; à cinquante ans, comme le grand roman de l’écriture ».
C’est donc sous ces trois prismes qu’elle reprend sa lecture aujourd’hui, expliquant dans un livre à la fois drôle, très instructif et souvent émouvant ce qui confère à Marcel Proust une place unique dans la littérature française.
Proust est un grand comique dans la veine de Molière et de Woody Allen: sa lecture est un remontant, une joie, un antidépresseur.
Extrait de « Ma vie avec Marcel Proust » de Catherine Cusset
Le résultat est passionnant. Catherine Cusset, qui a longtemps enseigné la littérature française à New York, sait rendre à Proust sa modernité, en soulignant ses préoccupations ultra-contemporaines. Elle montre aussi à quel point il est un romancier de l’intime, capable de sonder comme aucun autre auteur nos tourments amoureux et nos incertitudes.
Comprendre les codes humains
L’écrivaine raconte aussi la vie de Proust, analyse comment on le voit peu à peu évoluer dans ce qu’il dit sur le microcosme parisien qui l’entoure, notamment à propos de l’aristocratie, adulée au début de son travail et dont il se détache ensuite. Ainsi la romancière réfléchit à la façon dont un écrivain peut s’insérer, ou pas, dans les codes et les carcans imposés par la société.
« Je m’intéresse à décrire la façon d’agir de l’être humain, parce qu’elle est souvent absurde, confie Catherine Cusset dans le podcast QWERTZ du 15 avril. Mais par ailleurs j’exprime une peur, celle de ce que j’appelle mon insensibilité. Je suis gaffeuse et parfois mes gaffes peuvent faire mal à l’autre. Et j’ai extrêmement peur de faire mal à l’autre. »
Et c’est aussi un aspect extrêmement intéressant de ce livre, qui raconte trente-cinq ans d’écriture de Catherine Cusset. Ce n’est pas la première fois que l’autrice travaille à partir d’un matériau autobiographique. Elle explore des moments-clés de sa vie, analyse ce dont elle a hérité de sa famille, raconte ses débuts de romancière et revient sur la genèse de ce qui est peut-être l’un de ses plus beaux livres: « L’autre qu’on adorait » (2016). C’était le poignant portrait d’un ami proche, brillant et drôle, fou de Proust. Un éternel inadapté qui un jour s’est suicidé, à peu près à l’âge où l’auteur d' »À la recherche du temps perdu » s’est mis à écrire.
Sylvie Tanette/aq
Catherine Cusset, « Ma vie avec Marcel Proust », Gallimard, mars 2025.
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