« Il s’est suicidé. » La nouvelle a été annoncée mercredi 23 juillet, au début de l’audience des comparutions immédiates au cours de laquelle le Strasbourgeois devait être jugé. Le tribunal n’a pu que constater l’extinction de l’action publique en raison de sa mort.
L’homme, âgé de 52 ans, s’est positionné sur les voies de chemin de fer qui croisent l’avenue Racine, aux confins des quartiers de Hautepierre et de Cronenbourg à Strasbourg, lundi 21 juillet vers 16 h. Percuté par un train de marchandises, il a été déclaré décédé à l’arrivée des sapeurs-pompiers et du Samu.
« Cette mise à mort virtuelle a conduit à sa mise à mort réelle »
« On voit les dégâts que peut faire la médiatisation de ce genre d’affaire », blâme son conseil, Me Laura Javaux. Le père d’une des parties civiles avait « fortement mobilisé la presse », réprouve-t-elle. « Cette médiatisation a engendré un grand nombre de réactions, des commentaires, tous plus affligeants les uns que les autres, sur les réseaux sociaux. Cette mise à mort virtuelle a conduit à sa mise à mort réelle », estime l’avocate.
Son client était poursuivi pour « voyeurisme commis sur un mineur » et pour « atteinte à l’intimité de la vie privée par fixation, enregistrement ou transmission de l’image d’une personne présentant un caractère sexuel ». Il lui était reproché d’avoir filmé, à leur insu, une soixantaine d’enfants dans des piscines municipales de Strasbourg, entre janvier 2023 et juin 2025.
Une caméra miniature, placée dans une chaussure
Il avait été pris sur le fait dimanche 9 juin. Un père de famille, intrigué par son comportement, l’avait surpris en train de filmer deux fillettes de 4 et 5 ans, dévêtues dans une cabine de change. Il était équipé d’une caméra miniature, placée dans une chaussure, qu’il glissait sous la cloison de façon à saisir des images en contre-plongée.
Maîtrisé manu militari , puis remis à la police, le quinquagénaire avait reconnu l’intégralité des faits. En garde à vue, un premier examen de son téléphone avait révélé l’existence d’une soixantaine de vidéos de mineurs, non identifiés. Des analyses plus poussées de son matériel informatique avaient été ordonnées.
Laissé libre sous contrôle judiciaire
Le mis en cause, salarié et parfaitement inséré dans la société, avait été convoqué une première fois devant la chambre des comparutions immédiates du tribunal correctionnel, le 12 juin dernier, pour répondre de ses actes. Les juges avaient ordonné une expertise psychiatrique et le dossier avait été renvoyé six semaines plus tard.
Dans l’attente de cette audience, le prévenu avait été laissé libre sous contrôle judiciaire, avec l’interdiction de se rendre dans les piscines et aux abords des plans d’eau, ainsi que d’exercer une activité en lien avec des mineurs.
Il laisse derrière lui « une mère, une femme et deux jeunes enfants »
« L’expertise » psychiatrique, à laquelle il a été soumis, « n’a pas relevé une dangerosité criminologique, au sens scientifique du terme », révèle Me Grégory Thuan Dit Dieudonné, conseil de l’association Innocence en danger, qui s’était constituée partie civile. Le médecin préconisait « un suivi psychologique et psychiatrique ». Il suggérait aussi de mettre en place « un suivi sociojudiciaire de ce monsieur ».
« C’est quelqu’un qui a rapidement pris la mesure de la gravité des actes qu’il avait commis », reconnaît Me Thuan Dit Dieudonné. Il en ressentait « une honte très intense et très profonde qui a certainement dû jouer dans son passage à l’acte ». Me Javaux décrit « un homme désespéré, acculé, effondré » qui laisse derrière lui « une mère, une femme et deux jeunes enfants ».
« Essayer d’obtenir des aménagements dans les piscines »
« Les parties civiles ne souhaitent pas aggraver cette dramatique annonce […] et souhaitent respecter le deuil de la famille », assure Me Fleur Toutain, conseil des parents de deux fillettes filmées à leur insu. Ses clients vont néanmoins « continuer leur combat auprès de la ville de Strasbourg pour essayer d’obtenir des aménagements dans les piscines », indique-t-elle.
Le père de famille qui avait démasqué le voyeur indique qu’il a été « reçu fin juin » par une équipe de l’Eurométropole de Strasbourg. « Des pistes » ont été évoquées, comme la création d’une « safe zone » pour « les familles » dans l’espace de change « où la présence d’un homme seul ne serait pas possible », précise-t-il. « Des stickers » seraient en cours d’installation pour signaliser ces espaces réservés.