L’Allemagne a appelé mercredi la Commission européenne à menacer d’utiliser son « bazooka commercial » contre les États-Unis, dans le cas où de nouvelles taxes américaines entreraient en vigueur le 1er août prochain.
Cette déclaration marque une escalade sans précédent dans la guerre commerciale qui oppose Bruxelles et Washington, alors que Berlin militait pour l’heure pour un accord « rapide et simple » avec les Américains.
Elle intervient quelques jours avant l’entrée en vigueur le 1er août de droits de douane de 30% sur les produits européens, qui pourraient bouleverser les échanges transatlantiques, représentant quelques 1600 milliards d’euros.
« Alors que nous sommes désormais dans la phase finale des négociations, le moment est venu pour la Commission, du point de vue du gouvernement allemand, d’envisager le recours à l’instrument anti-coercition (ACI) », a déclaré mercredi un haut responsable du gouvernement allemand.
« Sept jours avant la fin des négociations, il est nécessaire de montrer ce dont nous sommes capables », a ajouté ce responsable.
L’ACI, l’arme commerciale la plus puissante de l’UE, donnerait légalement le pouvoir à la Commission, qui supervise la politique commerciale de l’UE, de piocher dans une large gamme de mesures de rétorsion à l’encontre des États-Unis.
Pourraient par exemple être envisagés de nouveaux droits de douane sur les biens et les services, mais aussi la suspension de l’autorisation d’exercer de certaines entreprises américaines sur le marché unique, en encore le gel de l’accès de ces mêmes entreprises aux marchés publics européens.
L’UE a déjà promis de riposter en imposant des taxes sur les produits américains de 93 milliards d’euros, qui entreront en vigueur le 7 août si aucun accord n’est trouvé, a annoncé mercredi la Commission européenne. Bruxelles a également expliqué préparer des mesures de rétorsion visant les services américains, mais celles-ci n’ont pas encore été présentées pour examen aux États membres.
L’UE a enregistré l’année dernière un excédent commercial net de 50 milliards d’euros avec les États-Unis – un excédent de 198 milliards d’euros dans le domaine des biens et un déficit de 148 milliards d’euros dans celui des services – selon les données de l’UE.
En plus du taux de base actuel de 10 %, Donald Trump a imposé des droits de douane de 50 % sur l’acier et l’aluminium et de 25 % sur les voitures et les pièces automobiles depuis son retour à la Maison Blanche en janvier.
Les droits de douane sur les voitures sont venus encore fragiliser le secteur automobile allemand, déjà mis à mal par une faible demande et une concurrence chinoise de plus en plus féroce.
Le chancelier allemand Friedrich Merz avait déclaré début juillet que Bruxelles devait chercher à conclure un accord « rapide et simple » plutôt que « long et compliqué » avec Washington, ce que les observateurs avaient interprété comme l’acceptation de la taxe de 10 % en échange d’une exemption des droits de douane sur l’industrie automobile.
Les propos du responsable allemand font également suite à de nombreuses informations suggérant que l’Allemagne se rapprocherait de la position de la France, qui demande à Bruxelles d’adopter une ligne plus dure à l’égard de Washington, si aucun accord ne devrait être trouvé.
Le Financial Times a rapporté mercredi que Berlin s’était « associé » à Paris pour demander l’activation de l’ACI, dont l’utilisation est toujours rejetée par une majorité des 27 États de l’Union.
Le déclenchement de cet instrument nécessite le soutien de la « majorité qualifiée » des pays de l’UE, soit 15 pays représentant au moins 65 % de la population de l’Union.
Le responsable allemand a toutefois minimisé les divergences entre les positions de négociation de l’Allemagne et de la France.
« Il n’y a jamais eu de désaccord sur la sévérité de la réponse parmi les principaux partenaires de l’UE, y compris entre l’Allemagne et la France », a déclaré le responsable. « La question a toujours été celle du calendrier. »