Ils étaient trois. Les frères d’Astier de la Vigerie. Trois frères d’une vieille famille française anoblie au XIXe siècle, qui refusèrent la défaite de 1940 et s’engagèrent corps et âme dans la résistance à l’occupant allemand, la préparation active du débarquement américain et le soutien sans faille au général de Gaulle. Le premier depuis Londres, le deuxième depuis Alger et le troisième depuis la France métropolitaine. L’aîné se nomme François. Un as de l’aviation, revenu de la guerre de 14-18 bardé de décorations et affligé à vie d’une claudication due à une blessure. Il sera pendant la Seconde Guerre mondiale un des plus proches adjoints du général de Gaulle. Le second se prénomme Henri. Moins reluisant au départ car adhérant à l’Action française. Il sera l’un des grands artisans du débarquement américain et l’un des principaux instigateurs de l’assassinat de l’amiral Darlan avant de prendre la tête des commandos de France.
Le troisième, Emmanuel, est d’une autre trempe. Une gueule taillée à la serpe, mélange de Cocteau, Giacometti et Beckett. Grandi comme un petit Lord Fauntleroy, écrasé par les prouesses militaires de ses deux aînés, il se cherchera longtemps, adhérant lui aussi à l’Action française (il laissera quelques écrits antisémites), s’oubliant souvent dans l’opium, se prenant pour une figure du monde des lettres où il côtoiera Drieu la Rochelle avant de se lancer dans le journalisme, de militer à gauche, de fonder le mouvement et journal… Libération (