En mars 2025, un séisme majeur secoue la Birmanie. Mais cette fois, un événement inédit se produit : une caméra de surveillance capture en direct la rupture de la faille de Sagaing. Cette vidéo d’une incroyable valeur scientifique offre une fenêtre unique sur les mécanismes de glissement d’une faille active et permet de valider une hypothèse longtemps débattue dans la communauté sismologique.

 

Le 28 mars 2025, la Birmanie était secouée par un violent séisme de magnitudemagnitude 7,7 ayant occasionné d’importants dégâts. Fait rare, voire unique, la rupture de surface le long de la faille de Sagaing a été capturée en direct par une caméra de vidéosurveillance.

Postée sur InternetInternet, cette vidéo a de suite attiré l’œilœil des chercheurs. « Je l’ai vue sur YouTubeYouTube une ou deux heures après sa mise en ligne, et ça m’a tout de suite fait froid dans le dosdos, se rappelle Jesse Kearse, géophysicien à l’Université de Kyoto, dans un communiqué. Cela montre quelque chose que, je pense, tous les spécialistes des séismes attendaient avec impatience, et c’était juste là, tellement excitant ! ».

Première rupture de faille filmée – Tremblement de terre de M7,9 au Myanmar. © MG1010, YouTube

La rupture d’une faille en directe

Si les sismologuessismologues ont en effet l’habitude d’aller constater la rupture sur le terrain après le séisme, c’est tout autre chose de la voir se faire en direct. Au-delà du témoignage exceptionnel que représente cette vidéo de quelques secondes seulement, elle véhicule également de précieuses informations qui permettent aux chercheurs de mieux comprendre comment se produit la rupture le long d’une faille.

Des informations qui n’apparaissent pas forcément au premier regard. C’est après cinq ou six visionnages qu’un détail a en effet marqué le sismologue. Une analyse précise de la vidéo va ainsi venir confirmer une hypothèse qui ne reposait jusqu’à présent que sur l’observation de discrètes stries sur le plan de faille.

Mécanique d’un séisme

Un séisme se déclenche en un point, lorsque la tension créée par le déplacement des plaques tectoniques et accumulée au fil du temps dépasse le seuil de résistancerésistance des roches. Ce point est nommé hypocentre, ou foyer (à ne pas confondre avec l’épicentre, qui est la projection en surface de ce point). C’est à partir de là que vont se propager les trains d’ondes générés par la libération soudaine d’énergieénergie mécanique. Au niveau de l’hypocentre, les roches vont donc se déplacer, la quantité de déplacement correspondant au déficit de mouvementmouvement accumulé par les roches. Cette rupture va alors se propager dans une direction le long du plan de faille.

Pour des séismes puissants comme celui de mars dernier, la rupture souvent initiée à plusieurs kilomètres de profondeur, peut même atteindre la surface. La faille devient « visible » et sa rupture engendre un décalage notable des deux compartiments qu’elle délimite. C’est ce que l’on voit clairement sur la vidéo.

Mais, contrairement à ce que l’on pourrait penser, le glissement des blocs le long de la faille ne se fait pas forcément de façon linéaire. Des observations sur le terrain, réalisées sur de nombreux plans de faille dans le monde, révèlent en effet la présence de stries courbées, suggérant un mouvement complexe le long du plan de faille.

Mais il restait des incertitudes concernant la source de ces stries : sont-elles liées uniquement au déplacement cosismique (durant le séisme), ou également à des mouvements post-sismiques ?

Un déplacement courbe au moment de la rupture

C’est là que la vidéo du 28 mars s’avère précieuse. En traquant les mouvements des différents objets visibles sur la vidéo, pixelpixel par pixel, les chercheurs ont pu mettre en évidence le fait que le mouvement le long de la faille suit bien une trajectoire courbe au moment même de la rupture. Cette analyse a notamment permis de quantifier plus précisément la rupture le long de la faille. Les chercheurs montrent que la faille a ainsi glissé de 2,5 mètres sur une duréedurée de 1,3 seconde, avec un pic de vitessevitesse de 3,2 m/s.

Ces résultats, publiés dans la revue The Seismic Record, montrent que ce séisme s’est produit sous forme d’une impulsion, une découverte majeure qui confirme de précédentes hypothèses formulées à partir de l’analyse d’autres tremblements de terretremblements de terre.

L’observation d’un glissement courbé pourrait s’expliquer par le fait que les contraintes exercées sur la faille près de la surface sont relativement faibles.

L’analyse de cette vidéo unique en son genre révèle que les stries observées sur les plans de faille peuvent donc être utilisées pour caractériser la dynamique des anciens séismes. Autant d’informations qui permettent de mieux anticiper le risque sismique.