Ils sont partagés entre la satisfaction d’avoir eu une rue paisible et le constat d’une solution pas viable à long terme. Les commerçants et résidents de la rue Tiranty à Nice dressent un bilan plutôt positif de l’arrêté municipal qui a permis, pendant une semaine jusqu’au mardi 22 juillet, de limiter l’accès à cette artère perpendiculaire à l’avenue Jean-Médecin. Seuls les résidents, clients et commerçants avaient l’autorisation d’entrer. « Les piétons pouvaient passer librement, sans se présenter. En voiture, il fallait justifier pour qu’on nous laisse passer », se souvient Julia, employée d’un commerce de services dans la rue.

Alors pendant une semaine, les personnes errantes qui occupent habituellement la rue ont dû changer d’endroit. Une disposition bénéfique pour l’ensemble des riverains rencontrés, dont Julia. « D’habitude, quand j’arrive au travail, il faut regarder où sont les SDF pour les éviter. Pendant une semaine, ç’a été beaucoup plus calme ». Même son de cloche pour Isabelle, qui travaille pour le centre respiratoire au numéro 12. « D’habitude, la vue et l’odeur ne sont pas agréables. Donc on ne peut en penser que du bien », assure-t-elle, en précisant qu’elle ne s’est jamais sentie en insécurité dans la rue, malgré la présence de toxicomanes.

Pas une solution durable

Mais passée l’euphorie de cette semaine d’essai, résidents et commerçants préfèrent tenir un discours de raison. « Oui, c’est bien. Mais on ne peut pas laisser des barrières en permanence, ça fait un peu peur aux touristes », nuance Julia. Il y a aussi les six agents de sûreté de la voie publique (ASVP), placés de part et d’autre de la rue pour filtrer les entrées. « On ne pourrait pas les laisser comme ça, plantés toute la journée devant des barrières », observe Isabelle. « Ils me faisaient de la peine », poursuit Évelyne, qui reconnaît pourtant avoir apprécié ne plus voir d’ »individus disjonctés » errer dans la rue où elle habite. Mais même d’un point de vue légal, conserver cette mesure à long terme était impossible: un arrêté municipal devant obligatoirement être limité dans le temps, cette mise sous cloche de la rue ne pouvait pas durer éternellement.

« Ils vont revenir »

Désormais, les usagers de la rue Tiranty attendent de voir. Car la rue, en quasi-impasse et en sens unique, est peu passante et donc plutôt propice au squat. « Ils se mettent au bout, sur le trottoir, toujours côté Jean-Médecin, parfois en groupe, et c’est comme s’ils vivaient là », décrit Évelyne. Pendant cette semaine test, les personnes errantes se sont très probablement déplacées dans les rues adjacentes. Mais moins de 24 heures après la réouverture, Isabelle affirme déjà les avoir revues. « Ils vont revenir, forcément. J’ai l’impression qu’il n’y a pas de solutions: on va sur la Lune, on invente l’intelligence artificielle, mais on n’arrive pas à trouver une solution pour prendre en charge les SDF. Alors on pénalise les autres, en fermant des rues ou en retirant des bancs », tacle Isabelle, faisant allusion au retrait des bancs sur le boulevard Franck-Pilatte. « On a fait que déplacer le problème. Soit les nuisances se sont reportées ailleurs, soit elles vont revenir », glisse une autre commerçante.

De son côté, Christian Estrosi a affirmé dans un communiqué mardi que son arrêté a « permis de restaurer le calme » et appelle désormais l’État à poursuivre cet engagement pour « le maintien de la tranquillité publique dans ce secteur ».