La tension monte entre les deux royaumes d’Asie du Sud-Est, à couteaux tirés depuis la mort, fin mai, d’un soldat khmer lors d’un échange de tirs avec l’armée thaïlandaise dans une zone frontalière disputée.

Une dangereuse escalade vers la guerre ? Depuis plusieurs jours, la tension monte entre la Thaïlande et le Cambodge, à couteaux tirés depuis la mort, fin mai, d’un soldat khmer lors d’un échange de tirs avec l’armée thaïlandaise dans une zone frontalière disputée entre les deux royaumes d’Asie du Sud-Est. Ce différend frontalier entre les deux pays remonte au tracé de leur frontière longue de 800 kilomètres au début du XXe siècle, sous l’occupation française de l’Indochine. Il est à l’origine de de la mort de 28 personnes dans la région depuis 2008, mais les tensions étaient retombées ces dernières années.

Ce jeudi 24 juillet au matin, la Thaïlande a accusé le Cambodge d’avoir lancé une attaque de roquettes «ciblée» contre des civils faisant au moins un mort, selon le bureau du premier ministre. Le précédent bilan faisait état de trois blessés civils après, affirme Bangkok, que deux roquettes BM-21 avaient touché une communauté dans le district de Kap Choeng de la province de Surin (nord-est).


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En riposte, la Thaïlande a mené des frappes aériennes contre deux «cibles militaires au sol» cambodgiennes en déployant six avions de combat F-16, a déclaré le porte-parole adjoint des forces armées. Et a annoncé la fermeture de tous les postes-frontières avec son voisin.

«Droit légitime à l’autodéfense»

Plus tôt dans la matinée, des échanges de tirs ont éclaté à la frontière entre les armées des deux pays, ont indiqué le ministère cambodgien de la Défense et l’armée thaïlandaise. L’incident a eu lieu près de vieux temples au niveau de la province thaïlandaise de Surin (nord-est) et, au Cambodge, de la province d’Oddar Meanchey, dans le nord-ouest. Chaque pays accuse l’autre d’avoir fait feu en premier.

«Vers 8h20 (1h20 GMT), les forces cambodgiennes ont ouvert le feu en direction du flanc est du temple Prasat Ta Muen Thom, à environ 200 mètres de la base thaïlandaise», a annoncé dans un communiqué l’armée thaïlandaise dans un communiqué qui a de même accusé Phnom Penh d’avoir eu recours à un drone sur ce site précis une heure plus tôt.

De son côté, le Cambodge, par la voix de la porte-parole de son ministère de la Défense, accuse l’armée thaïlandaise d’avoir «violé [son] intégrité territoriale en lançant une attaque armée sur les forces cambodgiennes stationnées». «En guise de réponse, les forces armées cambodgiennes ont exercé leur droit légitime à l’autodéfense, en pleine conformité avec le droit international, pour repousser l’incursion thaïlandaise», a expliqué Maly Socheata.

Postes-frontières fermés

Depuis la fin du mois de mai, les relations diplomatiques et économiques entre les deux pays sont au point mort. Le Cambodge a même rétrogradé au «plus bas niveau» les relations diplomatiques avec son voisin, a rapporté ce jeudi l’agence cambodgienne d’informations AKP. La veille, Bangkok a rappelé son ambassadeur en place à Phnom Penh et expulsé l’ambassadeur cambodgien de son territoire, après qu’un soldat thaïlandais a perdu une jambe en marchant sur une mine dans la zone frontalière de Chong Bok.


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Selon le premier ministre thaïlandais Phumtham Wechayachai, une enquête menée par l’armée de son pays a prouvé que le Cambodge avait posé de nouvelles mines dans ladite zone disputée. Des conclusions que le ministère cambodgien de la Défense a «catégoriquement rejeté». Et d’ajouter que Phnom Penh défendrait son intégrité territoriale «en toutes circonstances et à tout prix». Selon Phnom Penh, les soldats thaïlandais blessés – cinq au total – ont marché sur des mines anciennes enterrées sur son territoire durant la guerre civile. Dans ce contexte, écrit le quotidien thaïlandais Bangkok Post, le gouvernement thaïlandais veut saisir le président de la convention d’Ottawa sur les mines antipersonnel, dont les deux pays sont signataires depuis 1997.

Un soldat thaïlandais blessé après avoir marché sur une mine terrestre, transporté par hélicoptère vers un hôpital de la province d’Ubon Ratchathani. Photo prise par l’armée royale thaïlandaise, le 23 juillet 2025.
HANDOUT / AFP

En réponse à l’incident, Bangkok a entériné une proposition de l’armée de fermer plusieurs postes-frontières, bloquant des dizaines de travailleurs et de touristes. Le Cambodge a de son côté décidé d’arrêter d’importer de Thaïlande du carburant ou des fruits. Les Thaïlandais, eux, ont été appelés à quitter le Cambodge, a fait savoir ce jeudi l’ambassade thaïlandaise.

L’épisode moderne le plus violent lié à la frontière remonte à des affrontements qui ont éclaté autour du temple de Preah Vihear entre 2008 et 2011, qui ont fait au moins 28 morts, et provoqué l’évacuation de dizaines de milliers de riverains. La semaine dernière, le premier ministre cambodgien Hun Manet a annoncé l’instauration en 2026 du service militaire obligatoire, jugeant que la situation tendue avec la Thaïlande justifiait cette mesure, et que le budget de la Défense pourrait également être augmenté.