Jean Vigreux, historien et professeur d’histoire contemporaine à l’université Bourgogne-Europe à Dijon, n’a pas hésité à le qualifier de « spécialiste mondial du nazisme » : Johann Chapoutot, professeur d’histoire contemporaine à la Sorbonne à Paris, était samedi 12 avril en conférence-rencontre à la librairie Grangier de Dijon. Il a fallu ajouter des chaises et presque pousser les murs tant ses travaux font référence. Dans son dernier livre, Les Irresponsables , il bat en brèche l’idée que l’arrivée au pouvoir des nazis en Allemagne en 1933 était inéluctable.

Le dévissage nazi

« Quelques mois plus tôt, ils étaient au contraire en décrochage dans différentes élections », a-t-il rappelé. Par exemple, les huitièmes élections fédérales allemandes de la république de Weimar ont eu lieu le 6 novembre 1932. Le Parti national-socialiste des travailleurs allemands (en allemand : Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, NSDAP), souvent appelé « Parti nazi », arrive en tête. « Mais il marque un net recul par rapport aux élections de juillet 1932 : il perd quatre points et 34 sièges de députés. C’est un vrai dévissage », note Johann Chapoutot.

L’erreur de Von Papen

Si Adolf Hitler a finalement accédé au pouvoir, c’est plutôt à cause de « libéraux autoritaires qui ont voulu imposer leurs politiques d’austérité », à commencer par Franz von Papen , élu chancelier en 1932, qui a mené des négociations avec Hitler dans les mois précédant les élections générales de 1933, en étant persuadé que le placer à la tête du Reich était une bonne chose pour le pays. Il le regrettera longtemps.

« Il est d’ailleurs intéressant de constater que 18 mois après l’accession d’Hitler, les crétins qui l’avaient permis sont soit morts, soit réduits au silence », assène encore Johann Chapoutot. « Il n’y avait donc aucune nécessité à ce que les nazis arrivent au pouvoir en Allemagne, jamais. L’histoire n’est pas écrite, il n’y a pas de fatalité en histoire, mais plutôt des récidives, et donc des responsabilités. »

Questionné sur un parallèle possible avec la situation politique actuelle en France, il a enfin rappelé que « la différence, aujourd’hui, c’est qu’en France, la justice tient, les institutions tiennent. C’est aussi pour cela qu’elles sont violemment attaquées, et qu’il faut les défendre ».