Sur l’île des Embiez, tout l’été, les biologistes marines de l’Institut Paul Ricard, Aurélie Vion et Fanny Witkowski, ouvrent les portes du monde marin au grand public.

À travers une série d’ateliers scientifiques accessibles à tous, elles partagent leurs recherches et leur engagement pour la préservation d’un écosystème fragile et souvent méconnu: la Méditerranée.

Neuf ateliers pédagogiques et participatifs sont proposés jusqu’à la mi-août à la salle Pagnol. On y observe du plancton vivant au microscope, on y découvre les liens invisibles entre les espèces, ou encore les conséquences concrètes de l’activité humaine sur les herbiers marins.

Rien n’est simplifié, mais tout est rendu compréhensible. « Notre rôle, en tant que scientifiques, c’est aussi de transmettre », soulignent-elles. Vulgariser, non pas pour édulcorer, mais pour rendre accessible la complexité du vivant.

Car sous les apparences familières des plages et du sable, un monde entier existe. La laisse de mer, souvent perçue comme un amas de déchets naturels, est en réalité une zone de vie, abritant œufs, micro-organismes et matière organique.

Les grains de sable eux-mêmes sont peuplés. « On peut soulever les pierres pour observer, mais il faut tout remettre en place. Chaque geste compte », insistent les chercheuses.

La lagune du Brusc, un joyau fragile

Un de leur terrain d’étude privilégié : la lagune du Brusc, un joyau écologique encore fonctionnel, fait rare en Méditerranée française.

Cet espace fragile, parfois méconnu des visiteurs, abrite notamment des herbiers de posidonies, plantes sous-marines endémiques, véritables piliers de la biodiversité marine: elles produisent de l’oxygène, servent de nurseries à des centaines d’espèces, et limitent l’érosion côtière. Mais ces herbiers sont menacés.

Dans les années 2000, une part importante de la couverture végétale a régressé, notamment à cause d’apports de sable artificiel sur les plages.

Depuis, plusieurs arrêtés préfectoraux et municipaux interdisent désormais le piétinement, la navigation motorisée et le mouillage dans cette zone sensible.

Parallèlement, les scientifiques ont replanté 8.000 faisceaux de posidonie, dans l’espoir de restaurer progressivement cet écosystème unique.

Ailleurs en Méditerranée, des causes différentes mais un problème similaire: « Une trace laissée par une ancre met près d’un siècle à cicatriser. Il faut de la pédagogie », expliquent-elles.

Car la posidonie est une espèce millénaire qu’un seul geste suffit à arracher. À travers ces ateliers, c’est toute une éthique de la nature qui est transmise : observer, comprendre, respecter. Et prendre conscience que, même invisible à l’œil nu, la vie est partout.

Savoir+

Du lundi au vendredi de 14h à 17h à la salle Pagnol. Gratuit. Jusqu’au 14 août.

 

Expérience immersive

Autre activité proposée : les projections en réalité virtuelle de films sous-marins. Parmi eux, 700 requins, réalisé par Laurent Ballesta, plonge les visiteurs au cœur d’un rassemblement annuel de centaines de requins dans la passe sud de Fakarava, en Polynésie.

Proposé gratuitement, ce film de 15 minutes offre une immersion à 360° saisissante. Dans les salles du musée, du lundi au vendredi, entre 9h et 12h, puis de 14h à 17h.


Patricia Ricard veut une vulgarisation exigeante
Photo C. Go..

Une médiation assurée par les scientifiques

À la tête de l’Institut océanographique, Patricia Ricard perpétue l’héritage d’un nom, mais surtout d’une vision : celle d’un lien intime entre l’humain et la mer. Petite-fille de Paul Ricard, elle a grandi bercée par les récits des marins que son grand-père lui faisait rencontrer. « Ces hommes avaient des milliers d’histoires », se souvient-elle. Et de ces souvenirs est née une conviction fondatrice: « Il faut mettre de la connaissance sur l’émotion d’un enfant. » C’est ainsi, selon elle, que l’on crée le désir de comprendre, et donc de protéger. À l’Institut, la médiation scientifique ne se délègue pas. « Il faut que ce soient des scientifiques » qui prennent la parole, insiste-t-elle. Leurs savoirs, ancrés dans la recherche de terrain, sont essentiels pour transmettre avec exigence, sans trahir la complexité du vivant.

Sensibiliser dès le plus jeune âge permet de faire émerger une génération plus consciente. Au-delà des alertes, Patricia Ricard tient à transmettre une écologie porteuse d’espoir. « La mer est bonne fille. Quand on lui donne ce qu’il faut, elle se régénère rapidement. » La restauration du lagon du Brusc, en est la preuve. Scientifique de cœur et militante lucide, elle rappelle enfin que l’océan ne se contente pas d’être beau et vivant: il est vital. « Sans lui, nous aurions six degrés de plus sur nos côtes l’été. »