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« L’Union européenne doit faire plus et plus vite » pour projeter son influence face à une Chine de plus en plus dominante, assure, d’emblée, José Manuel Barroso.
Dans un entretien accordé à Euronews, l’ancien président de la Commission européenne de 2004 à 2014 garanti que l’UE doit « devenir un adulte responsable de notre propre avenir ». « L’Europe ne devrait pas être une sorte d’adolescent géopolitique », a-t-il martelé.
Si l’Union européenne n’a toujours pas réussi à harmoniser pleinement son marché pour les services ou les capitaux, ni à bâtir une défense commune, « ce n’est pas à cause de la Chine ou des États-Unis » mais de ses propres divisions, a-t-il souligné, appelant les Européens à « agir » au lieu de « critiquer et de rejeter la faute sur les autres ».
Escalade entre l’UE et la Chine
Ce jeudi 24 juillet, les dirigeants de l’Union européenne sont à Pékin pour un sommet sous tension avec la Chine, au lendemain d’une réunion avec les responsables japonais.
Ce sommet entre l’UE et la Chine était la promesse d’un réchauffement des liens entre les deux partis. Et pour cause, il a été organisé à l’occasion du cinquantième anniversaire des relations bilatérales entre Pékin et Bruxelles. Il intervient également alors que la guerre commerciale initiée par Donald Trump jette le trouble sur les relations internationales.
Mais tout espoir de reprise a été anéanti par des tensions persistantes, notamment autour de la surproduction massive de biens chinois soutenue par Pékin, comme dans l’automobile ou les technologies vertes. Une situation qui alimente un déséquilibre commercial jugé préoccupant, l’Union européenne affichant un déficit annuel de 305,8 milliards d’euros avec la Chine.
Les différends commerciaux se sont également intensifiés après que l’UE a imposé des droits de douane sur les véhicules électriques fabriqués en Chine l’année dernière, invoquant l’utilisation déloyale par Pékin de subventions qui évincent les concurrents de l’UE du marché.
Cette mesure a déclenché une escalade commerciale. La Chine a lancé des enquêtes visant plusieurs produits tels que le brandy (cognac, armagnac et autres eaux-de-vie similaires), la viande de porc et les produits laitiers fabriqués dans l’UE, qu’elle soupçonne d’avoir bénéficié de subventions publiques injustifiées.
Barroso pessimiste sur le sommet
Mais les promesses de rapprochement entre Bruxelles et Pékin ne convainquent pas José Manuel Barroso. « Franchement, je ne pense pas que cela se produise. Je vois beaucoup de tensions », a-t-il assuré. « Je ne m’attends pas à ce que ce sommet soit tourné vers l’avenir. »
Lors de son passage à la tête de la Commission européenne, la Chine a consolidé sa position de deuxième économie mondiale. Il avait alors refusé d’accorder à Pékin le « statut d’économie de marché » afin de protéger le bloc des 27 pays contre le dumping.
Des négociations en vue d’un accord d’investissements, appelé « Accord global sur l’investissement » (AGI) ont également été lancées sous sa présidence, mais la ratification de l’accord a ensuite été bloquée au Parlement européen.
« Je ne pense pas qu’il soit très utile de juger les décisions politiques d’un moment donné à la lumière de ce qui s’est passé par la suite », a-t-il affirmé, refusant alors les critiques sur son bilan. Selon lui, il était impossible de mettre en place des mesures pour empêcher l’augmentation de l’excédant commercial chinois avec ses partenaires. « En effet, un dirigeant politique décide sur la base des informations dont il dispose à ce moment-là. La question est de savoir si ces décisions étaient les bonnes compte-tenu des informations disponibles à ce moment-là. Et, oui, je crois que c’était le cas », a-t-il appuyé.
La guerre en Ukraine, source de tensions
La position de la Chine à l’égard de la guerre menée par la Russie en Ukraine fait également obstacle à toute perspective de rapprochement entre les deux parties. Bruxelles accuse Pékin d’être un « facilitateur clé » de la guerre grâce à son partenariat commercial et économique « sans limites » avec Moscou. L’exécutif européen estime que la Chine fournit 80 % des biens à double usage qui servent à fabriquer les armes russes.
« Traditionnellement, la Chine a toujours dit qu’elle était pour l’ordre multilatéral, qu’elle était pour le respect du droit international », a expliqué José Manuel Barroso.
Mais alors que la Russie viole le droit international en envahissant l’Ukraine et en annexant des parties de son territoire, « la Chine n’est pas capable de dire un seul mot critique à l’égard de Moscou ». Et « c’est très difficile à accepter pour les Européens », conclut-il.