Aurais-je raté mon casting pour conclure cette petite série sur les rôles ingrats?

Il dit en retirer davantage de satisfaction que de frustrations, mais gérer les attentes des parents de ses jeunes athlètes peut devenir assez lourd, reconnaît (heureusement) l’homme de 46 ans.

Certains sont excessivement intenses, tellement qu’il a déjà dû entreprendre des démarches judiciaires pour en calmer un.

Sans compter les moments où il a dû composer avec des enfants poqués, sans les compétences d’un éducateur ou d’un travailleur social. Il évoque cette fois où il a dû faire un signalement à la DPJ, sans verser dans les détails.

«J’ai quand même la chance d’exercer dans des sports plus secondaires pour le Québec. Le baseball et le volleyball, ce n’est pas comme au hockey où tout le monde se pense expert et remet en question tes décisions sur le terrain», relève celui dont le job principal est vice-président chez Technar, une entreprise québécoise de niche qui développe des capteurs et des outils entrant dans divers procédés industriels.

Redonner à la cause sportive

Le parcours de Jean-Nicolas Robert mérite qu’on s’y attarde un peu. Durant son adolescence, le Québécois a fait partie de l’élite du baseball mineur, ce qui l’a mené à étudier à Greenville, en Caroline du Nord, à l’East Carolina University.

«J’ai vécu loin de mes amis et de ma famille, dans un milieu anglophone, ç’a façonné ma personne. Je suis revenu de là parfaitement bilingue avec une aisance à nouer des relations. C’est pourquoi je me sens redevable envers le sport aujourd’hui.»

—  Jean-Nicolas Robert, entraineur bénévole

Depuis son retour, il a surtout œuvré dans le secteur de la vente. L’ancien premier-but a été représentant chez Bell pour laquelle il a vendu de la publicité sur la bande de la patinoire du domicile du CH, avant de passer 14 ans chez Fedex où il a gravi plusieurs échelons.

Il commercialise maintenant des analyseurs de métaux en fusion et autres bidules complexes dans une trentaine de pays.

Entretemps, pour se libérer du syndrome de l’imposteur qui l’accablait dans les milieux d’affaires, il a complété un MBA à l’Université de Sherbrooke.

Coach par vocation

Son premier job d’entraîneur de baseball remonte à son adolescente, il était âgé de 16 ans quand il a pris les rênes d’une équipe atome B. Il n’a pratiquement pas cessé depuis. Il a été à la barre de nombreuses équipes, jusqu’au rang midget AAA. Du haut calibre.

En 2023, il a reçu sa certification du Programme national de certification des entraîneurs. Il a aussi tâté l’arbitrage, un rôle plus difficile encore que celui de coach. «J’ai encore en mémoire cette fois où un père saoul voulait se battre avec moi à la fin d’un match.»

Depuis sept ans, il délaisse peu à peu le baseball pour se concentrer sur le volleyball féminin. La piqûre lui vient de sa fille de 18 ans qui pratique le sport depuis le secondaire. Il a commencé dans le réseau scolaire et, maintenant, il œuvre dans une ligue civile avec une équipe d’adolescentes de 16-17 ans qui compétitionnent à un niveau supérieur.

Pour un homme dans la quarantaine, entraîner des filles peut être délicats, je n’y avais pas pensé.

C’est sa conjointe qui lui a un jour demandé s’il ne craignait pas les fausses accusations de harcèlement, comme l’ont déjà été des profs d’éducation physique.

La question l’a tourmenté, d’autant plus que, durant sa «carrière» sportive, il a croisé des coéquipiers qui ont été abusés par leur coach. En occupant un poste d’entraîneur, il en empêche un autre avec des intentions moins nobles de s’approcher des jeunes, se dit-il.

Il prend des précautions. Il communique avec ses protégées uniquement par ces canaux auxquels ont accès les parents, jamais il ne transporte une de ses joueuses, il connaît l’emplacement de toutes les caméras autour du gymnase. En plus, il est assisté derrière le banc par sa fille et l’amie de celle-ci, les deux poursuivent leur parcours de volleyeuses au Cégep.

L’arbitrage de ses nuits

Ça occupe, être coach. Il dirige cinq à six heures de pratique chaque semaine, en plus de passer plusieurs fins de semaine à des tournois aux quatre coins de la province.

Une bonne partie de ce qui lui reste de son temps libre est consacrée à regarder du volleyball. Quand ce n’est pas sur une chaîne spécialisée à la télé, c’est dans des événements, comme le tournoi de la Ligue des nations qui s’est tenu au Centre Vidéotron, en juin.

Il coache encore au baseball quatre jours par année, une des six équipes participant à la Classique Claude-Raymond, qui réunit la crème des joueurs de 14 ans de la province. Cette année, elle s’est déroulée à Saint-Jean-sur-Richelieu.

L’événement rameute des observateurs de l’Académie de baseball du Canada et des dépisteurs des ligues professionnelles. Des parents ne se peuvent plus à la vue d’une casquette des Blue Jays ou d’un radar qui mesure la vélocité de la balle, convaincus d’avoir mis au monde le futur Vladimir Guerrero Jr.

«Cette année, je ne sais pas comment il a fait, mais un parent a mis la main sur mon numéro de cellulaire. Il m’a bombardé de statistiques de son fils et de vidéos. Il m’a appelé et m’a tenu 20 minutes au téléphone, je n’étais pas capable de m’en débarrasser», raconte Jean-Nicolas Robert.

Ça le passionne, le coaching. C’est peut-être un mauvais casting de ma part, finalement. Mais il ne reste pas moins souvent la cible de parents mécontents, qui se plaignent pour les mêmes raisons qui l’empêchent parfois de dormir.

Le travail d’un entraîneur de ligue mineure consiste surtout à développer le potentiel des jeunes.

Arrivé à un niveau plus compétitif, il se trouve constamment à arbitrer entre la performance de l’équipe et la participation des petits humains qui la composent.

On le trouve soit trop sévère, soit trop mou. Lui non plus ne le sait pas toujours.

Ce serait facile de se libérer de ces soucis, mais ce serait renoncer à tout un pan de sa vie.

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