Extrême droite allemande –

L’AfD dévoile sa feuille de route pour conquérir le pouvoir en Allemagne

Publié aujourd’hui à 19h34Alice Weidel, co-dirigeante de l’AfD, lors d’une interview estivale à Berlin, 20 juillet 2025.

Alice Weidel est la nouvelle leader de l’extrême droite allemande.

HANNIBAL HANSCHKE/EPA/KEYSTONE

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Être dans l’opposition ne suffit plus à l’Alternative für Deutschland (AfD). Après les prochaines élections fédérales, le parti d’extrême droite veut entrer au gouvernement. Fort de son succès lors des derniers votes, pour lesquels il a obtenu plus de 20% des voix, il concrétise désormais ses projets.

Début juillet, le parti a établi un plan stratégique pour façonner la politique allemande – suppression du mur coupe-feu et chemin vers la responsabilité gouvernementale. Le site web «Politico» a publié le document rédigé par la vice-présidente du parti, Beatrix von Storch.

L’AfD veut s’attaquer à un problème de fond. Personne ne veut travailler avec elle. Seule Sahra Wagenknecht, cheffe du BSW (Bündnis Sarah Wagenknecht, ou Alliance Sahra Wagenknecht), tente un rapprochement prudent. Mais comme le parti n’est pas représenté au Bundestag, une collaboration ne serait envisageable qu’au niveau des Länder.

L’AfD estime que son potentiel électoral peut atteindre 30%. Le parti courtise la CDU/CSU en vue d’une éventuelle coalition. Voici comme il compte s’y prendre pour convaincre.

Réduire la peur

L’AfD s’appuie sur son électorat: les Allemands de l’Est, les ouvriers, les jeunes, les Allemands de Russie et les électeurs des zones rurales. Elle souhaite fidéliser sa base tout en conquérant de nouveaux publics: les plus de 60 ans, les femmes, les universitaires, les chrétiens pratiquants et les citadins.

Le parti entend par ailleurs améliorer le climat social en sa faveur. L’objectif est de faire passer sous la barre des 50% la proportion de personnes qui le craignent, soutiennent son interdiction ou refusent de collaborer avec lui. Avant les dernières élections, deux tiers de la population s’étaient prononcés contre une entrée de l’AfD au gouvernement. Le document évoque la nécessité de créer un environnement plus favorable. Cet objectif doit être atteint grâce à une communication qui donne une image positive du parti. Il aime afficher sa bonne humeur sur les réseaux sociaux.

Pousser à la polarisation

L’AfD va-t-elle se modérer après ses succès électoraux? Plutôt non, si l’on en croit le point suivant du document. Il est question de «diviser le gouvernement noir-rouge». Le parti cherche à alimenter délibérément les tensions entre, au sein de la coalition gouvernementale, CDU/CSU et SPD. Il faut pousser le SPD et les Verts plus à gauche et creuser le fossé entre la CDU/CSU et les partis de gauche. L’objectif est de créer une scission claire entre le «camp conservateur bourgeois» et le «camp de gauche».

Jusqu’à présent, tous les partis ont pris leurs distances avec le parti d’extrême droite allemand. Mais ce dernier mise sur une polarisation à l’américaine: deux camps irréconciliables, l’AfD face à la gauche, Alice Weidel, cheffe de file du parti, contre Heidi Reichinnek, tête de liste de la gauche. Dans ce scénario, le SPD et les Verts devraient prendre un virage à gauche pour s’en démarquer. Cela compliquerait à son tour la coopération avec la CDU/CSU. L’AfD entend exploiter ces clivages en s’appuyant sur des oppositions fondamentales: la famille face aux théories du genre, la nation face à l’ouverture des frontières, la liberté face au socialisme.

Chercher à conquérir la droite

L’AfD souhaite convaincre la CDU/CSU de devenir son partenaire de coalition. Pour y parvenir, elle compte faire pression sur les deux partis de droite en déposant des motions, particulièrement sur les sujets qui préoccupent son électorat. Il faut à tout prix interpeller les personnes déçues et persuader grâce à des arguments percutants en matière de politique migratoire et économique.

Avec Friedrich Merz à la tête du pays, cela risque d’être difficile. Le chancelier allemand ne fait pas mystère de son opposition à l’AfD. D’autres, comme le chef du groupe parlementaire Jens Spahn, dont le gouvernement semble à bout de souffle, pourraient se montrer moins réticents.

Focus sur l’économie

L’AfD tente de se positionner comme le parti de l’économie sociale de marché et de supplanter la droite sur ce terrain. La situation lui serait favorable. La CDU/CSU perd en crédibilité à cause de son revirement sur le frein à l’endettement. Pendant la campagne électorale, le chancelier Friedrich Merz avait en effet vanté les mérites du frein à l’endettement. Pourtant, il laisse aujourd’hui son gouvernement contracter une dette record de 850 milliards d’euros. Avec le SPD, les réformes structurelles ne sont de toute façon pas possibles.

L’AfD voit un autre avantage dans sa position sur le dérèglement climatique. Elle remet régulièrement en question l’origine humaine du réchauffement et défend clairement la croissance économique «sans tenir compte des discours de gauche sur le climat».

Réserve en matière de politique étrangère

L’AfD veut éviter les conflits. Sa mission est de «ne pas créer de problèmes supplémentaires». Les sources de tension potentielles doivent être repérées à temps et désamorcées grâce à une communication rigoureuse. Le document ne mentionne ni l’Ukraine, ni la guerre à Gaza, ni Donald Trump, ni Elon Musk, avec qui Alice Weidel a eu un entretien très remarqué en janvier.

Mais rien n’est laissé au hasard. En matière de politique étrangère, les fractures au sein du parti apparaissent très clairement. De nombreux politiciens de l’AfD se sont rendus en Russie et ont relayé la propagande du Kremlin. La coprésidente du parti s’est toutefois récemment prononcée en faveur d’une «relation de partenariat» et d’un dialogue avec les États-Unis. Mettre le parti d’accord risque d’être difficile. D’un point de vue stratégique, il semble donc judicieux d’éviter le sujet.

Traduit de l’allemand par Emmanuelle Stevan

À propos de l’AfD

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Se connecterSimon Widmer est journaliste à la rubrique Monde de la rédaction de Tamedia depuis 2019. Auparavant, il a travaillé pour la «SonntagsZeitung». Simon Widmer a étudié les sciences politiques et l’économie politique à l’Université de Berne.@WidmerSimon

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