Nous sommes, cette fois, vraiment dans le « money time », expression américaine on ne peut plus appropriée. Et dans les derniers hectomètres des négociations douanières infligées à l’Europe – et au reste du monde – par Donald Trump, l’unité de compte est la dizaine de milliards de dollars.
Après des mois, des semaines, d’injonctions, de menaces proférées par le bulldozer de la Maison Blanche, de combien serons-nous taxés ? Combien nous en coûtera-t-il en faillites et en emplois ? Les Britanniques et les Japonais connaissent leur sort : ils écopent de 10 %. Les Chinois vont finaliser à Washington une négociation qui a parfois tourné au grand-guignol, avec des surenchères de plus de 100 %.
L’Europe a, pour sa part, paru bien mièvre après la lettre assassine adressée par Trump, le 12 juillet, à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, par laquelle il promettait, dès le 1er août, d’appliquer des droits de douane asymétriques de 30 % à nos exportations vers les États-Unis. Insupportable provocation.
Une riposte à la hauteur du défi
Le président américain n’aime pas l’UE, qu’il tient pour une rivale aussi systémique que la Chine. Au mépris de l’ordre international, il impose la force du dominant au droit. Il le fait en dehors de toute rationalité économique car l’économie mondiale va pâtir de cette guerre commerciale qui avivera l’inflation outre Atlantique et peut coûter jusqu’à 1,5 % de PIB aux États-Unis et de l’ordre de 0,4 % à l’Europe.
Un moment choqués, les Vingt-Sept se sont ressaisis. Ils ne sont pas tombés dans le piège des négociations État par État, ce qui aurait provoqué une débandade et mis en danger l’union. Faire front ou se coucher. Le rapport de force étant la seule option qui vaille face à Trump, la Commission, négociant au nom de tous, a fini par échafauder une riposte à la hauteur du défi : taxer en retour les marchandises américaines de 30 %, soit, dans l’absolu, une pénalité de l’ordre de 93 milliards d’euros.
L’ombre des exportations chinoises
Bien qu’elles aient bien plus à perdre que la France dans le commerce avec l’Amérique, l’Allemagne de Merz et l’Italie de Meloni ont joué le jeu. Les Vingt-Sept menacent même de dégainer des mesures de coercition antérieures élaborées contre les pratiques des Chinois. Une menace à prendre au sérieux pour les entreprises américaines qui déversent pour près de 1 600 milliards en Europe, leur premier marché d’exportation. Les Européens, dit-on, seraient proches de conclure un « deal » sur la base de droits de douane de 15 % appliqués au gros des importations européennes. L’automobile, la sidérurgie, la pharmacie, les semi-conducteurs resteraient taxés à 25 %.
Avec Trump l’imprévisible, tout peut encore basculer. Mais, à ce stade, une cote mal taillée serait perçue comme un moindre mal pour l’Europe, pour autant que certains secteurs en soient exemptés. L’aéronautique, les spiritueux, par exemple. Acculés par Trump, voici les Européens confrontés au déferlement des exportations chinoises. Un péril tout aussi inquiétant.